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03/02/2023 | FRANCE | N°456210

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 03 février 2023, 456210


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501876 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC01924 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a prononcé un non-lieu à statuer à raison d'

un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclu...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501876 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC01924 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a prononcé un non-lieu à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel formée par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 427222 du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 et renvoyé l'affaire devant la même cour.

Par un nouvel arrêt n° 20NC02952 du 1er juillet 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a :

- prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'application de la majoration de 25 % pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus distribués ;

- prononcé la réduction des bases d'imposition de l'impôt sur le revenu de M. B... dû au titre des années 2010 et 2011 à hauteur, respectivement, de 94 225 euros et 105 275 euros, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus correspondantes ;

- et rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2021 et le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 5 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

Sur le pourvoi :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, l'administration fiscale a notamment considéré que la société Garovito Construções, dont le siège se trouve au Portugal, était imposable en France à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Par la suite, regardant M. B... comme le maître de l'affaire exploitée en France par la société, l'administration a imposé entre les mains de ce derniers les bénéfices sociaux non déclarés, qu'elle a regardés comme des revenus distribués, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Par un jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 à la suite de ces rectifications. Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 ayant prononcé un non-lieu à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel formée par M. B... contre ce jugement et, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la même cour. Par un arrêt du 1er juillet 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a notamment prononcé la réduction des bases d'imposition de l'impôt sur le revenu de M. B... dû au titre des années 2010 et 2011 à hauteur, respectivement, de 94 225 euros et 105 275 euros, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus correspondantes, avant de rejeter le surplus de ses conclusions. M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt et doit être regardé comme demandant l'annulation de son article 5 qui rejette le surplus de ses conclusions.

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "'1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1º Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital'(...)'". Aux termes de l'article 110 du même code : "'Pour l'application du 1º du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés'".

3. Lorsque la rectification au titre de l'impôt sur les sociétés procède de l'imputation à un établissement stable situé en France, par l'intermédiaire duquel elle est regardée comme y exerçant son activité, de bénéfices réalisés par une société étrangère, il ne saurait par lui-même révéler l'existence d'une distribution de revenus par cette société, au sens de l'article 109 du code général des impôts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire des distributions soit le maître de l'affaire n'a pas davantage cet effet.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a distingué, au sein des bénéfices imputés par l'administration fiscale à un établissement stable de la société Garovito Construções situé en France, qu'elle avait reconstitués à partir d'encaissements réputés facturés toutes taxes comprises, la fraction correspondant aux résultats hors taxes de celle correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée réputée éludée et regardée, par suite, comme constituant un profit sur le Trésor. Alors que, s'agissant de la première, la cour administrative d'appel a jugé que l'administration n'établissait pas l'existence d'un désinvestissement permettant de regarder ces bénéfices comme des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, elle a jugé, s'agissant de la seconde, que l'administration établissait au contraire l'existence d'un tel désinvestissement. En statuant ainsi au motif que la société Garovito Construções n'avait déclaré aucune taxe sur la valeur ajoutée au Portugal, alors qu'elle avait par ailleurs estimé que l'administration n'établissait pas que la société n'aurait pas déclaré l'intégralité de ses revenus de source française à l'administration fiscale portugaise, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'il attaque.

Sur le règlement au fond du litige :

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

7. Dans le dernier état de ses écritures, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique présente une demande de substitution de base légale tendant à l'imposition des sommes restant en litige, en tant que revenus distribués, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les recettes déclarées au Portugal par la société Garovito Construções au titre des années 2010 et 2011 sont supérieures à celles que l'administration a imputées à son établissement stable en France au titre des mêmes années, sans que l'administration n'apporte d'élément de nature à justifier que tout ou partie de ces recettes proviendraient d'une autre activité que celle déployée par la société à partir de cet établissement stable. En second lieu, s'il résulte de l'instruction que les résultats déclarés au Portugal par la société Garovito Construções au titre de ces mêmes années sont inférieurs, quant à eux, à ceux que l'administration a imputés à son établissement stable en France, d'une part, l'administration a calculé ces résultats par application aux recettes d'un taux de charge forfaitaire et, d'autre part, elle ne soulève aucune contestation relative à la déductibilité des charges imputables à l'activité française qui auraient été retenues par la société pour le calcul de ses bénéfices imposables au Portugal. Dans ces conditions, l'administration, sur laquelle repose la charge de la preuve dès lors que le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées, n'établit pas l'existence d'une distribution de la fraction des bénéfices de la société Garovito Construções imputés à son établissement stable réputée correspondre à des montants de taxe sur la valeur ajoutée éludés. Par suite, la demande de substitution de base légale présentée par l'administration ne peut être accueillie.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités correspondant à la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu à concurrence des sommes de 128 843 euros au titre de l'année 2010 et 140 868 euros au titre de l'année 2011.

Sur les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 5 de l'arrêt de la cour administrative de Nancy du 1er juillet 2021 est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu dû par M. B... au titre des années 2010 et 2011 sont réduites, respectivement, d'une somme de 128 843 et d'une somme de 140 868 euros.

Article 3 : M. B... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus restant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2023 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 3 février 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 456210
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2023, n° 456210
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:456210.20230203
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