Vu la procédure suivante :
L'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel, Mme J... D..., Mme E... H..., M. G... A..., Mme C... F... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Conseil de Paris a refusé de mettre fin à l'exécution de la convention n° 75D211112S4477 conclue le 30 décembre 2011, au nom de l'Etat, avec la régie immobilière de la ville de Paris, pour l'acquisition de 37 logements au moyen d'un prêt PLUS, situés au 84/100 rue Mouffetard dans le 5ème arrondissement avec la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) et de procéder au retrait de la décision d'attribution de subvention d'un prêt locatif à usage social (PLUS) adoptée en application de cette convention, de prononcer la résiliation de la convention et d'enjoindre au Conseil de Paris de procéder au retrait de la subvention. Par un jugement n° 1913299 1918372 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 21PA02826 du 2 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par les requérants de première instance contre ce jugement en tant qu'il porte sur la résiliation de la convention.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 2 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel, Mme J... D..., Mme E... H..., M. G... A..., Mme C... F... et M. B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2022, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 351-2, L. 353-16 et L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction applicable au litige.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel, de Mme D..., de Mme H..., de M. A..., de Mme F... et de M. B..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la Régie immobilière de la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel et les autres requérants se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Conseil de Paris a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution de la convention conclue le 30 décembre 2011 entre le Conseil de Paris agissant au nom de l'Etat et la Régie immobilière de la Ville de Paris portant acquisition de 37 logements situés 84/100 rue Mouffetard dans le 5ème arrondissement et à ce qu'il soit mis fin à l'exécution de cette convention.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dispositions de l'article L. 353-16 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur, n'ont pas été appliquées au litige et n'étaient pas susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il appartenait à la cour administrative d'appel de soulever d'office, dès lors que les logements pris à bail par les requérants, gérés par la Régie immobilière de la ville de Paris, n'entrent pas dans le champ d'application de cette disposition, et qu'elles n'ont pas non plus été invoquées par les parties à l'appui des moyens qu'elles ont soulevés devant la cour administrative d'appel de Paris. La question de la conformité de cette disposition aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de l'arrêt contre lequel les requérants se pourvoient en cassation. Par suite, les dispositions contestées de l'article L. 353-16 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance par l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, qui définit le domaine d'application de l'aide personnalisée au logement, du droit au maintien de l'économie des conventions, du droit de propriété et du principe d'égalité n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le caractère sérieux.
5. En troisième lieu, en ce qui concerne l'article L. 441-3 du même code, d'une part, l'assujettissement des titulaires de baux en cours à la date de l'entrée en vigueur d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, au supplément de loyer de solidarité prévu par l'article L. 441-3 du même code ne constitue pas une privation de propriété. Par ailleurs, le principe de ce surloyer correspond à une politique de solidarité nationale, qui poursuit les objectifs d'intérêt général mentionnés à l'article L. 441 du code de la construction et de l'habitation, notamment celui de favoriser la mobilité sociale au profit des personnes aux ressources modestes et les plus défavorisées. Enfin, en contrepartie de cet assujettissement au supplément de loyer de solidarité, qui est plafonné, les locataires conservent en principe le droit de se maintenir dans les lieux. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée par les dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation à l'exercice du droit de propriété d'une part, et à la liberté contractuelle d'autre part, est justifiée par un objectif d'intérêt général et proportionnée à l'objectif poursuivi. Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation méconnaissent le droit au maintien de l'économie des contrats légalement formée ou le droit de propriété ne soulève dès lors pas de question nouvelle ou sérieuse.
6. D'autre part, les locataires dont le bailleur a signé une convention en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation et les locataires dont le bailleur n'a pas signé de telle convention ne sont pas placés dans la même situation au regard de l'application des dispositions relatives au supplément de loyer de solidarité prévues par l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation. La différence de traitement au regard de l'objet de ces dispositions entre les titulaires de baux en cours à la date d'entrée en vigueur d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2, selon que cette convention est entrée en vigueur avant ou après la loi du 23 novembre 2018 susvisée, découle nécessairement des règles relatives à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et ne méconnaît pas par elle-même le principe d'égalité.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 351-2, L. 353-16 et L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation portent atteinte aux droits et libertés garantis pas la Constitution doit être regardé comme ne soulevant pas de question nouvelle ou sérieuse.
Sur les autres moyens du pourvoi :
8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
9. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel et les autres requérants soutiennent qu'il est entaché :
- d'erreur de droit en ce qu'il fait application des dispositions des articles L. 351-2, L. 353-16 et L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation alors que ces dispositions sont contraires à la Constitution ;
- d'insuffisance de motivation, en ce qu'il omet de répondre au moyen tiré de ce que la poursuite de l'exécution des conventions était manifestement contraire à l'intérêt général et méconnaissait l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;
- d'inexacte qualification juridique des faits en ce qu'il juge que la non-réalisation des acquisitions prévues par la convention n'est pas de nature à caractériser un manquement par la RIVP à ses obligations contractuelles qui, par sa gravité, compromettrait manifestement l'intérêt général et justifierait qu'il soit mis fin à l'exécution des contrats ;
- de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il écarte le moyen tiré du détournement de procédure.
10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel et les autres requérants.
Article 2 : Le pourvoi de l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel et des autres requérants n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Amicale Mouffetard-Calvin-Mirbel, à Mme J... D..., Mme E... H..., M. G... A..., Mme C... F..., à M. B..., à la Ville de Paris, à la Régie immobilière de la ville de Paris, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 1er février 2023.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire