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22/12/2022 | FRANCE | N°441300

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 22 décembre 2022, 441300


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir sa notation professionnelle établie au titre de l'année 2011 ainsi que la note du 5 juillet 2013 l'informant de la proposition de la commission administrative paritaire tendant au maintien de cette notation et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1308150 du 19 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15VE02625 du

6 mars 2018, le président de la 4ème chambre de la cour administrati...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir sa notation professionnelle établie au titre de l'année 2011 ainsi que la note du 5 juillet 2013 l'informant de la proposition de la commission administrative paritaire tendant au maintien de cette notation et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1308150 du 19 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 15VE02625 du 6 mars 2018, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par une décision n° 420423 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi en cassation de M. A..., a annulé cette ordonnance en tant qu'elle rejetait les conclusions dirigées contre la décision du 21 janvier 2012 arrêtant sa notation pour l'année 2011 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un arrêt n° 19VE02705 du 28 février 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 21 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 juillet 2019 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'ordonnance du 6 mars 2018 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles avait rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, rendu le 19 juin 2015, ayant rejeté les conclusions de l'intéressé dirigées contre la décision du 21 janvier 2012 arrêtant sa notation pour l'année 2011 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 février 2020 par laquelle, statuant dans la limite de la cassation ainsi prononcée, la cour administrative d'appel de Versailles a de nouveau rejeté son appel.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Lorsque le Conseil d'Etat, statuant sur un pourvoi en cassation formé contre une décision juridictionnelle, annule cette décision et renvoie l'affaire aux juges du fond, il appartient à la juridiction de renvoi de mettre les parties à même de produire de nouveaux mémoires pour adapter leurs prétentions et argumentations en fonction des motifs et du dispositif de la décision du Conseil d'Etat.

3. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes de l'article R. 431-1 du même code, rendu applicable devant la cour administrative d'appel par l'article R. 811-13 : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

4. Il en résulte que, dans le cas où le Conseil d'Etat prononce la cassation d'une décision d'une cour administrative d'appel, ou d'un tribunal administratif statuant en dernier ressort, et renvoie l'affaire à la cour, ou au tribunal, la notification de la reprise d'instance à laquelle doit procéder la juridiction de renvoi doit en principe, lorsque la partie était initialement représentée dans l'instance devant la cour, ou le tribunal, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, être faite à ce mandataire afin de mettre la partie ainsi représentée à même de produire les observations qu'appelle, selon elle, la poursuite de l'instance. Il n'en va autrement que si la juridiction de renvoi a été préalablement informée du choix par la partie concernée d'un autre mandataire, auquel cas elle doit alors notifier la reprise d'instance à ce dernier mandataire, ou si elle se trouve dans l'impossibilité d'effectuer la notification requise, auquel cas il lui incombe de notifier la reprise d'instance à la partie elle-même. Il reste, au demeurant, loisible à la juridiction de renvoi, outre la notification de la reprise d'instance au mandataire à laquelle elle doit ainsi procéder à peine d'irrégularité de sa décision, d'informer la partie elle-même.

5. Il ressort des pièces de la procédure qu'à la suite du renvoi, après cassation, de l'affaire de M. A... par le Conseil d'Etat à la cour administrative d'appel de Versailles, la reprise d'instance n'a pas été notifiée par cette cour au mandataire de M. A..., sans qu'aucun élément versé au dossier soit de nature à établir qu'il ait été impossible d'y procéder. La notification de la reprise d'instance ne pouvant être valablement faite au seul M. A..., ce dernier est, par suite, fondé à soutenir que l'arrêt qu'il attaque est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation.

6. En application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il incombe au Conseil d'Etat de régler le litige au fond.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que si la demande de M. A... dirigée contre la notation résultant du compte-rendu d'évaluation établi le 21 janvier 2012 n'était pas accompagnée d'une copie de ce document, l'administration en avait joint une copie à son mémoire enregistré le 3 février 2015 au greffe du tribunal, avant la clôture de l'instruction. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté dans cette mesure sa demande comme irrecevable et à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a statué sur cette décision.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'elle tend à l'annulation du compte-rendu d'évaluation du 21 janvier 2012.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

9. Il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu d'entretien professionnel établi le 21 janvier 2012 comporte la signature de son auteur ainsi que le prénom, le nom et la qualité de celui-ci, conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... qui a, au demeurant, signé sa fiche d'évaluation sans porter de réserves, de mentions ou de commentaires, n'aurait pas, ainsi qu'il l'allègue, bénéficié d'un entretien.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

11. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la notation de M. A... serait fondée sur des faits inexacts, qui repose sur de simples allégations, doit être écarté.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notation contestée, qui ne révèle d'ailleurs pas, contrairement à ce qui est allégué, de discordance flagrante entre l'appréciation littérale et l'évaluation chiffrée, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du compte-rendu d'évaluation du 21 janvier 2012. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions à fin d'injonction qu'il a présentées tant en première instance qu'en appel ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 février 2020 est annulé. Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 juin 2015 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation du compte-rendu d'évaluation du 21 janvier 2012.

Article 2 : La demande de M. A... tendant à l'annulation du compte-rendu d'évaluation du 21 janvier 2012 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan et M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Alain Seban

La secrétaire :


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-02-03-03 PROCÉDURE. - VOIES DE RECOURS. - CASSATION. - POUVOIRS DU JUGE DE CASSATION. - RENVOI. - DEVOIRS DU JUGE DE RENVOI – NOTIFICATION DE LA REPRISE D’INSTANCE [RJ1] – DESTINATAIRE – 1) PRINCIPE – MANDATAIRE INITIAL DEVANT LA CAA OU LE TA – 2) EXCEPTIONS – A) NOUVEAU MANDATAIRE D’UNE PARTIE, LORSQU’ELLE EN A INFORMÉ PRÉALABLEMENT LA JURIDICTION – II) PARTIE ELLE-MÊME, EN CAS D’IMPOSSIBILITÉ D’EFFECTUER LA NOTIFICATION REQUISE – 3) FACULTÉ DE NOTIFIER LA REPRISE D’INSTANCE, OUTRE AU MANDATAIRE, À LA PARTIE ELLE-MÊME – EXISTENCE, DANS TOUS LES CAS.

54-08-02-03-03 1) Il résulte des articles L. 5, R. 431-1 et R. 811-13 du code de justice administrative (CJA) que, dans le cas où le Conseil d’Etat prononce la cassation d’une décision d’une cour administrative d’appel (CAA), ou d’un tribunal administratif (TA) statuant en dernier ressort, et renvoie l’affaire à la cour, ou au tribunal, la notification de la reprise d’instance à laquelle doit procéder la juridiction de renvoi doit en principe, lorsque la partie était initialement représentée dans l’instance devant la cour, ou le tribunal, par l’un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2, être faite à ce mandataire afin de mettre la partie ainsi représentée à même de produire les observations qu’appelle, selon elle, la poursuite de l’instance. ...2) Il n’en va autrement que si a) la juridiction de renvoi a été préalablement informée du choix par la partie concernée d’un autre mandataire, auquel cas elle doit alors notifier la reprise d’instance à ce dernier mandataire, b) ou si elle se trouve dans l’impossibilité d’effectuer la notification requise, auquel cas il lui incombe de notifier la reprise d’instance à la partie elle-même. ...3) Il reste, au demeurant, loisible à la juridiction de renvoi, outre la notification de la reprise d’instance au mandataire à laquelle elle doit ainsi procéder à peine d’irrégularité de sa décision, d’informer la partie elle-même.


Références :

[RJ1]

Rappr. s’agissant de l’obligation pour le juge de renvoi de mettre les parties à même de produire de nouveaux mémoires pour adapter leurs prétentions et argumentations en fonction des motifs et du dispositif de la décision du Conseil d'Etat, CE, 29 octobre 2013, M. Jeannin, n° 348682, T. pp. 808-876.


Publications
Proposition de citation: CE, 22 déc. 2022, n° 441300
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Date de la décision : 22/12/2022
Date de l'import : 10/08/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 441300
Numéro NOR : CETATEXT000046911639 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-12-22;441300 ?
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