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22/07/2022 | FRANCE | N°454050

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22 juillet 2022, 454050


Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1608647 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18LY04499 du 29 avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregist

rés les 29 juin et 29 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,...

Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1608647 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18LY04499 du 29 avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A... B... de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une perquisition menée à son domicile le 18 février 2012, qui a permis aux services de police de saisir la somme de 720 920 euros en espèces, M. C... a été reconnu coupable, par un jugement du 15 novembre 2013 devenu définitif du tribunal de grande instance de Lyon, statuant en matière correctionnelle, notamment des chefs de concours, d'une part, à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de produits qu'il savait provenir des infractions d'acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants et, d'autre part, à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de produits qu'il savait provenir des infractions du délit de fraude fiscale par omission de déclaration ou dissimulation de sommes sujettes à l'impôt. Parallèlement, M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration leur a notifié un rehaussement du revenu imposable de M. C... au titre de l'année 2012 pour un montant de 720 920 euros en application des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts. En conséquence, M. et Mme C... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, majorées des intérêts de retard et d'une pénalité de 80 % sur le fondement de l'article 1758 du même code. Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C... tendant à la décharge de ces impositions. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 avril 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. (...) / Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des sommes mentionnées au quatrième alinéa, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu'elles ont été imposées au titre d'une autre année. Lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition des biens ou de la somme mentionnés respectivement au premier et au quatrième alinéas, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes. / 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; / (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts rappelées au point 2, éclairées par les travaux préparatoires, que lorsqu'une personne n'a eu que la garde temporaire d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2 de cet article, elle doit être regardée comme n'en ayant pas eu la libre disposition au sens de ces dispositions. Par suite, en jugeant que la circonstance que M. C... n'aurait été qu'un collecteur de fonds, au profit de donneurs d'ordre situés au Maroc, n'avait aucune incidence sur la disposition qu'il avait eue au titre de l'année considérée de la somme en question, retrouvée à son domicile, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Lyon a été notifié à M. C... le 12 octobre 2018 et que sa requête introductive d'instance a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 7 décembre 2018. Par suite, le ministre ne peut utilement soutenir que la requête de M. C... n'aurait été enregistrée que le 12 juin 2020 et serait par suite tardive, le mémoire enregistré le 12 juin 2020 faisant seulement suite à une demande de régularisation sous quinze jours adressée à M. C... le 8 juin 2020 par le greffe de la cour administrative d'appel.

6. En second lieu, il résulte de la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement du 15 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Lyon que M. C... n'avait qu'un rôle de collecteur de fonds, au profit de donneurs d'ordre situés au Maroc, et que la somme retrouvée à son domicile avait notamment été comptée et conditionnée. Dès lors, M. C... doit être regardé comme n'ayant eu que la garde temporaire de cette somme. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il ne saurait être regardé comme en ayant eu la libre disposition au sens des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 29 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454050
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2022, n° 454050
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454050.20220722
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