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29/04/2021 | FRANCE | N°18LY04499

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 avril 2021, 18LY04499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 en droits et pénalités.

Par un jugement n° 1608647 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2018 et 31 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2018 et de prononcer la décharge des suppléments d'i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 en droits et pénalités.

Par un jugement n° 1608647 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2018 et 31 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2018 et de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en droits et pénalités susvisés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas eu la libre disposition de la somme de 780 902 euros saisie à son domicile et qu'il n'en a été en possession qu'à titre précaire ;

- la rectification mise à sa charge méconnaît le principe non bis in idem protégé par les stipulations de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que le principe constitutionnel de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est tardive et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 4 janvier 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 7 ;

- la charte des droits de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge en droits et pénalités au titre de l'année 2012.

2. Il est constant en l'espèce que M. B... n'ayant présenté aucune observation, dans le délai de trente jours à compter de la notification de la proposition de rectification du 10 décembre 2013 qui lui a été adressée par le service, il lui appartient, pour obtenir la décharge ou la réduction des impositions mises à sa charge, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par le service vérificateur, en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

3. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. (...) / Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des sommes mentionnées au quatrième alinéa, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu'elles ont été imposées au titre d'une autre année. Lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition des biens ou de la somme mentionnés respectivement au premier et au quatrième alinéas, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes. / 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ;/ (...) ". Aux termes de l'article 222-38 du code pénal : " Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur de l'une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 ou d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l'une de ces infractions. La peine d'amende peut être élevée jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. / Lorsque l'infraction a porté sur des biens ou des fonds provenant de l'un des crimes mentionnés aux articles 222-34, 222-35 et 222-36, deuxième alinéa, son auteur est puni des peines prévues pour les crimes dont il a eu connaissance. (...) "

4. Le régime d'imposition prévu par les dispositions de l'article 1649 quater0 B bis du code général des impôts ne vise pas à imposer les profits issus de la revente ou du transport de produits illicites, mais à taxer le revenu imposable qui, correspondant à la valeur vénale des biens visés par ces dispositions, est présumé avoir été perçu par les personnes qui les détiennent et sont coupables des infractions mentionnées par ces dispositions. Il appartient alors au contribuable de combattre cette présomption, en établissant par exemple qu'il n'a pas eu en réalité la disposition des biens ou des sommes d'argent en cause.

5. Il résulte de l'instruction que M. B..., à la suite d'une perquisition menée à son domicile le 18 février 2012, qui a permis aux services de police de saisir la somme de 720 920 euros en espèces, a été reconnu coupable, par un jugement du 15 novembre 2013 devenu définitif du tribunal de grande instance de Lyon, statuant en matière correctionnelle, notamment des chefs de concours, d'une part, à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de produits qu'il savait provenir des infractions d'acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants et, d'autre part, à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de produits qu'il savait provenir des infractions du délit de fraude fiscale par omission de déclaration ou dissimulation de sommes sujettes à l'impôt. La somme de 720 920 euros détenue en espèces par M. B... doit être regardée comme un bien objet direct de l'infraction de crimes et délits de trafic de stupéfiants, et plus précisément de blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants, et elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, quand bien même M. B... n'a pas été personnellement condamné pour une des infractions visées au a du 2 de ces dispositions, et alors qu'il n'est pas contesté que ces fonds lui ont été remis par une personne impliquée dans les faits visés par l'enquête pénale au titre de l'infraction à la législation sur les stupéfiants. Si M. B... conteste l'imposition de cette somme au titre des revenus de l'année 2012 par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, il n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il n'a pas eu la libre disposition de la somme d'argent saisie à son domicile et issue du trafic de stupéfiants. La circonstance tirée de ce qu'il n'aurait été qu'un collecteur de fonds, au profit de donneurs d'ordre situés au Maroc, ainsi qu'il aurait été précisé dans le jugement du tribunal correctionnel du 15 novembre 2013, n'a aucune incidence sur la disposition qu'il a eue au titre de l'année considérée de la somme en question, retrouvée à son domicile. Dans ces conditions, en faisant application de la présomption visée par les dispositions précitées, ni l'administration ni les premiers juges n'ont méconnu l'autorité de la chose jugée attachée aux constatations de fait du juge pénal et M. B... doit être regardé comme la seule personne à avoir eu la libre disposition de la somme retrouvée en sa possession, au sens des dispositions précitées de l'article 1649 quater0 B bis du code général des impôts.

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ". Aux termes de l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. " Les impositions supplémentaires mises à la charge de M. B... pour l'année 2012 en application de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ne constituent pas une sanction prise en vue de réprimer une infraction au sens de la loi et de la procédure pénale françaises. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 méconnaîtraient, en raison des sanctions pénales prises à son encontre, en vertu du jugement du 15 novembre 2013 précité, le principe " non bis in idem ", protégé par l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

7. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines implique qu'une même personne ne puisse faire l'objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux. Le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

8. La taxation d'un revenu imposable, telle que prévue par l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition. M. B... ne saurait, par suite et en tout état de cause, se prévaloir des principes constitutionnels susmentionnés à l'encontre des impositions litigieuses.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge en droits et pénalités pour l'année 2012. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administratrice générale de la direction spécialisée du contrôle fiscal Centre-Est.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.

2

N°18LY04499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04499
Date de la décision : 29/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-29;18ly04499 ?
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