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22/07/2022 | FRANCE | N°443802

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 juillet 2022, 443802


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le directeur des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp l'a suspendu de ses fonctions à compter du 29 août 2016 pour une durée de quatre mois et la décision du 24 octobre 2016 par laquelle la même autorité a prononcé à son encontre la sanction de révocation de la fonction publique hospitalière et, d'autre part, d'enjoindre aux Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp de le réintégrer da

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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le directeur des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp l'a suspendu de ses fonctions à compter du 29 août 2016 pour une durée de quatre mois et la décision du 24 octobre 2016 par laquelle la même autorité a prononcé à son encontre la sanction de révocation de la fonction publique hospitalière et, d'autre part, d'enjoindre aux Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp de le réintégrer dans ses fonctions. Par un jugement nos 1603209, 1603791 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 18DA02577 du 25 juin 2020, la cour administrative d'appel de Douai, sur appel de M. A..., a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision prononçant sa révocation, a annulé cette décision, a enjoint aux Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp de réintégrer M. A... dans ses fonctions et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a fait droit à l'appel de M. A... en annulant la décision de révocation du 24 octobre 2016 et en leur enjoignant de le réintégrer ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'ensemble des conclusions de cet appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat des Etablissements publics medico-sociaux de Fecamp et à Me Balat, avocat de M. B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A... qui, au moment des faits en litige, occupait l'emploi d'assistant socio-éducatif principal auprès des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp, en exercice au sein de l'Institut médico-professionnel de Fécamp, a fait l'objet, par un arrêté du 23 août 2016, d'une suspension de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 29 août 2016, puis, par une décision du 24 octobre 2016, de la sanction disciplinaire de révocation de la fonction publique hospitalière. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions. Les Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 25 juin 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant que celui-ci a rejeté la demande d'annulation de la décision de révocation du 24 octobre 2016, a annulé cette décision et leur a enjoint de réintégrer M. A....

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Quant à la régularité formelle de la sanction de révocation :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...). / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / (...) ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'exigence de motivation de l'avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline qu'elles prévoient constitue une garantie et, d'autre part, que cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de cette commission comportant des mentions suffisantes.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis adopté à l'unanimité par la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, le 18 octobre 2016, pour examiner la situation de M. A... que lui soumettait le directeur des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp, s'est borné à proposer la révocation de l'intéressé de la fonction publique hospitalière et à rappeler le résultat de son vote sur cette proposition, sans aucune présentation, même synthétique, des motifs de fait ou de droit retenus par le conseil de discipline. Si l'administration a produit, en première instance, le procès-verbal de cette réunion du conseil de discipline à laquelle M. A... a pris part, ce document ne rend compte que des propos tenus par les différents participants à la réunion du conseil de discipline avant son délibéré, sans énoncer, même indirectement, les griefs sur lesquels le conseil de discipline s'est appuyé pour adopter son avis et n'est donc pas de nature à remédier à l'absence de motivation de l'avis adopté par le conseil de discipline. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit et sans dénaturer les faits et les pièces du dossier qui lui était soumis que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que l'absence de toute motivation en fait et en droit de l'avis du conseil de discipline, en lui-même ou dans le procès-verbal de la réunion à l'issue de laquelle il a été adopté, avait privé M. A... d'une garantie et que, par suite, la décision de révocation devait être annulée.

Quant au bien-fondé de la sanction de révocation :

5. La constatation et la caractérisation des faits reprochés à l'agent relèvent, dès lors qu'elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond. Le caractère fautif de ces faits est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation. L'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucune circonstance de violence physique n'a été imputée à M. A..., alors que la décision de révocation contestée, comme le rapport de saisine du conseil de discipline et le procès-verbal de sa séance du 18 octobre 2016, font état de différentes confrontations selon des termes susceptibles d'évoquer des passages à l'acte dans des conditions manifestant une violence de cette nature. Après avoir vérifié l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. A..., la cour administrative d'appel de Douai a pu estimer, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que n'étaient pas suffisamment établis, pour révéler l'expression de violences physiques, les faits imputés à M. A... d'avoir, en mai 2015, projeté un ballon en direction d'un jeune usager de l'Institut médico-professionnel de Fécamp ou d'avoir, en juin 2016, contribué à une vive confrontation avec un autre jeune usager ou encore d'avoir entretenu des relations empreintes de violence avec ses collègues.

7. En second lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation ".

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la solution retenue par la cour administrative d'appel de Douai quant au choix, par l'administration, de la sanction n'est pas hors de proportion avec les fautes pouvant être légalement retenues contre M. A..., lesquelles, en dépit de leur gravité, ne caractérisent pas une incapacité de M. A... à exercer ses fonctions au sein des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp justifiant qu'il soit mis un terme définitif à ses relations avec le service. Cette solution ne fait pas obstacle à ce que soit infligée à M. A..., en cas de reprise de la procédure disciplinaire, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, l'une des sanctions moins sévères que la sanction de révocation qui lui a été infligée, prévues par les dispositions applicables, qui ne serait pas, en raison de son caractère insuffisant au regard des faits retenus à l'encontre de l'intéressé, hors de proportion avec les fautes qu'il a commises.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que les Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp demandent à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi des Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp est rejeté.

Article 2 : Les Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp verseront à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux Etablissements publics médico-sociaux de Fécamp et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Laurent-Xavier Simonel

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 443802
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2022, n° 443802
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : BALAT ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:443802.20220722
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