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25/06/2020 | FRANCE | N°18DA02577

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 juin 2020, 18DA02577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux requêtes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le directeur des établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp l'a suspendu de ses fonctions à compter du 29 août 2016 et la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le directeur des établissements publics médico-sociaux de Fécamp a prononcé sa révocation, d'enjoindre aux établissements publics médico-sociaux de Fécamp de le réint

grer dans ses fonctions et de mettre à la charge des établissements publics médico-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux requêtes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le directeur des établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp l'a suspendu de ses fonctions à compter du 29 août 2016 et la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le directeur des établissements publics médico-sociaux de Fécamp a prononcé sa révocation, d'enjoindre aux établissements publics médico-sociaux de Fécamp de le réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge des établissements publics médico-sociaux de Fécamp la somme de 2 000 euros, pour chaque instance, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement conjoint nos 1603209, 1603791 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 décembre 2018 et le 1er avril 2020, M. E... C..., représenté par Me F... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le directeur des établissements publics médico-sociaux de Fécamp l'a suspendu de ses fonctions à compter du 29 août 2016 ;

3°) d'annuler la décision en date du 24 octobre 2016 par laquelle le directeur des établissements publics médico-sociaux de Fécamp a prononcé sa révocation ;

4°) d'enjoindre aux établissements publics médico-sociaux de Fécamp de le réintégrer dans ses fonctions ;

5°) de mettre à la charge des établissements publics médico-sociaux de Fécamp la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Des notes en délibéré présentées par Me B... D... pour les établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp ont été enregistrées les 17 et 22 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., assistant socio-éducatif titulaire en poste auprès des établissements publics médico-sociaux de Fécamp, en tant qu'éducateur spécialisé au sein de l'institut médico-professionnel, a fait l'objet d'une suspension de ses fonctions à compter du 29 août 2016, pour une durée de quatre mois, par un arrêté en date du 23 août 2016. A la suite d'une procédure disciplinaire, il a fait l'objet d'une décision de révocation en date du 24 octobre 2016. M. C... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Rouen qui, par jugement conjoint du 25 octobre 2018, a rejeté ses demandes. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de suspension du 23 août 2016 :

2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / (...) Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions (...) ".

3. La suspension prise sur le fondement de ces dispositions constitue une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte.

4. Il convient de se placer à la date de l'arrêté en litige, le 23 août 2016, pour déterminer si, en fonction des éléments dont le directeur général des établissements publics médico-sociaux de Fécamp disposait alors, il a procédé à une juste appréciation des faits en ordonnant la suspension de l'intéressé pour quatre mois. Il ressort des pièces du dossier que Mme M., éducatrice spécialisée, collègue de M. C..., avait indiqué, dans une attestation très circonstanciée du 8 juillet 2016, que le jeune M. lui avait révélé " au cours des derniers mois " être régulièrement l'objet de moqueries, en public de la part de M. C..., au sujet de son orientation sexuelle, et qu'il avait initialement refusé d'en parler de crainte d'envenimer la situation. Dans cette même attestation, Mme M. avait indiqué avoir déjà entendu, à une époque qu'elle situe au cours des années 2011 et 2012, des propos similaires de la bouche de deux autres jeunes, A. et C. Elle indique également avoir été elle-même victime de nombreuses agressions verbales de la part de M. C..., qu'elle détaille dans cette attestation, et qui l'ont, selon ses termes, rendue " physiquement malade ". Dans le même sens, M. L., éducateur spécialisé, avait également indiqué, dans une attestation du 13 juillet 2016, avoir recueilli le témoignage du jeune M., en compagnie de Mme M., à la suite de son retour d'un séjour organisé par l'établissement en juin 2016, à Erquy. Mme P., cadre socio-éducatif de l'institut médico-professionnel, avait également établi une attestation du 23 juin 2016, dans laquelle elle relatait avoir recueilli le 6 juin 2016 le témoignage de M. L. auprès duquel le jeune M. s'était confié. D'autres attestations de collègues de M. C..., datant également du mois de juillet 2016, corroboraient en partie les faits dénoncés par Mme M., en particulier ceux relatifs aux insultes verbales, dont certaines à caractère raciste, s'agissant du témoignage de Mme S., éducatrice spécialisée, et de M. B., moniteur d'atelier, dont Mme M. a été l'objet. L'attestation d'un ancien stagiaire moniteur d'atelier, dans le même sens, fait encore état de propos désobligeants et irrespectueux tenus par M. C... à l'attention de Mme M. et évoque aussi ce que lui aurait confié le jeune C. sur des propos à caractère homophobe tenus par M. C... à son égard. Dans une autre attestation du 8 juillet 2016, M. A..., responsable du pôle enfance, supérieur hiérarchique immédiat de M. C..., a aussi fait état des mêmes propos et des témoignages nombreux qui lui ont été rapportés à partir du moment où le jeune M. s'est confié à Mme M. et à M. L., en juin 2016. Au vu de ces attestations, nombreuses et circonstanciées, dont il disposait lorsqu'il a pris sa décision, le directeur général des établissements publics médico-sociaux de Fécamp a pu considérer que les faits ainsi portés à sa connaissance revêtaient, à cette date, un caractère de vraisemblance et de gravité justifiant une mesure conservatoire dans l'intérêt du service pour suspendre M. C... de ses fonctions durant quatre mois. Les moyens de M. C... tirés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation à l'encontre de l'arrêté de suspension du 23 août 2016 et contre le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

5. Il résulte de ce qui précède que M C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions présentées sous le n° 1603791 et dirigées contre l'arrêté du 23 août 2016 le suspendant de ses fonctions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de révocation du 24 octobre 2016 :

6. Tout d'abord, aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée " et aux termes de son article 11 : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Par décision du 24 octobre 2016 le directeur des établissements publics médico-sociaux de Fécamp a informé M C... de ce qu'il prononçait sa révocation en relevant que le conseil de discipline avait émis à l'unanimité un avis favorable à cette sanction. L'avis du conseil de discipline émis le 18 octobre 2016, jour de la réunion du conseil, par courrier signé de sa présidente adressé au directeurs des établissements publics médico-sociaux de Fécamp, relève : " Le conseil de discipline concernant la situation de Laurent C..., assistant socio-éducatif, s'est tenu le 18 octobre 2016 ; après délibérations, le conseil propose à l'unanimité, la révocation de la fonction publique hospitalière. Il vous appartient donc de statuer et de notifier à Monsieur E... C... votre décision. ". Cet avis, émis certes à l'unanimité des membres du conseil de discipline, est dénué de toute motivation en droit ou en fait permettant de répondre aux exigences prévues par l'article 9 précité du décret du 7 novembre 1989, alors d'ailleurs qu'il ressort de la lecture du " compte-rendu " des débats au sein du conseil de discipline, produit par l'administration, que les faits reprochés à M. C... étaient appréciés différemment par chaque intervenant, que rien n'indique qu'il aurait été joint au courrier précité et qu'il ne comporte aucun exposé des faits justifiant l'avis émis par le conseil. Par suite, l'omission de toute motivation a ainsi privé M C... d'une garantie susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ce qui justifie l'annulation de la décision en litige.

8. Ensuite, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " et aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) quatrième groupe (...) la révocation (...) ".

9. La sanction de la révocation prononcée à l'encontre de M. C... est la plus lourde qui puise être prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire hospitalier. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations de Mme M. et de M. L., que le jeune M. s'est confié à M. L., éducateur spécialisé, après un séjour organisé par l'établissement, afin de rapporter que M. C... lui avait tenu des propos homophobes en présence d'autres camarades. Dans le cadre de l'enquête disciplinaire, le jeune M. a confirmé ses propos auprès d'un cadre de l'institut médico-professionnel le 8 septembre 2016. Dès lors, eu égard à la teneur du témoignage du jeune homme, qui insiste sur le caractère blessant des remarques de son éducateur, et compte tenu de la circonstance que l'intéressé, encore mineur, présente une vulnérabilité particulière ainsi que ses camarades, qui rend particulièrement malvenue l'évocation en public de sujets directement liés à leur sexualité, le comportement de M. C... vis-à-vis du jeune M. doit être considéré comme suffisamment établi et présentant un caractère fautif. En revanche, les propos de même nature qu'aurait tenus M. C... envers d'autres jeunes au cours d'années antérieures ne paraissent pas établis par les seules attestations produites en ce sens, compte tenu de leur caractère imprécis, alors qu'elles portent sur des faits anciens d'ailleurs non précisément datés. Il n'est pas non plus sérieusement contesté par M. C... qu'il avait pour habitude de refuser de déjeuner à la même table que certains jeunes, qui mangeaient trop lentement selon lui, ce dont il leur a fait reproche en des termes véhéments. Ces faits, qui ont été décrits par plusieurs collègues et par un agent de service présent lors des repas, qui précisent les noms des jeunes en question, présentent aussi, compte tenu des missions d'éducateur de M. C..., un caractère fautif. Il ressort également d'autres pièces du dossier que M. C... tenait parfois des propos désobligeants et provocateurs à l'égard de certains jeunes, ce qui ressort de propos, recueillis par M. I. le 30 août 2016, concernant le jeune C. Enfin, il ressort également des pièces versées au dossier que l'attitude de M. C... envers certains de ses collègues de travail a été marquée par une certaine agressivité et des critiques en des termes inappropriés, en particulier à l'égard de l'une d'entre eux, lors de réunions de travail.

10. En revanche, d'autres faits reprochés à M. C... ne sont pas suffisamment établis par les pièces du dossier. Ainsi en va-t-il en particulier de faits de violence physique que M. C... aurait commis à l'égard de certains jeunes. Trois épisodes sont relatés dans les attestations versées au dossier et dans la décision en litige, l'un concerne un ballon qu'aurait jeté M. C... en direction d'un jeune, mais il ressort des pièces du dossier que ce ballon, qui était au demeurant en mousse, n'a pas été projeté par M. C... dans l'intention de blesser ou dans un accès de colère mais pour mettre fin à une attitude provocatrice du jeune en question, qui était souvent irrespectueux. De même, l'épisode relaté par Mme C. devant le conseil de discipline, selon lequel M. C... aurait agressé physiquement un jeune qui s'en était lui-même pris à une autre éducatrice, ne révèle pas un affrontement physique entre M. C... et ce jeune, contrairement à ce qui avait été affirmé dans un premier temps, Mme C. admettant d'ailleurs que ce jeune s'est ensuite battu avec un autre éducateur. Il n'est pas non plus établi que M. C... aurait tiré les cheveux d'un autre jeune, au vu des explications circonstanciées données devant le conseil de discipline qui montrent que compte tenu de la pathologie dont est atteint le jeune en question, le terme ne doit pas être compris dans son sens littéral s'agissant seulement de l'obliger à participer aux activités proposées. Quant à l'attitude de M. C... vis-à-vis de ses collègues, si l'une d'entre elles l'a qualifié de " cocotte-minute prête à exploser à tout moment ", aucun fait de violence physique n'est établi à son encontre ou à l'encontre d'autres personnes. Ainsi, hormis les faits de violence physique, non établis, seuls les autres faits rappelés au point 9 invoqués à l'encontre de M. C... sont matériellement établis et constituent, compte tenu de leur nombre et de leur gravité, une faute disciplinaire appelant une sanction.

11. En l'espèce, il ressort aussi des pièces du dossier que M. C... est particulièrement investi dans son travail, il accomplit de nombreuses tâches bénévoles, dans l'intérêt de son employeur, souvent même sur son temps libre, monte des projets collectifs et rend volontiers des services à certains collègues et agents. En outre, en vingt ans d'activité professionnelle, sa hiérarchie ne lui a jamais fait aucun reproche sur sa manière de servir à l'égard des jeunes, notamment sur sa manière d'éduquer ou sur des punitions qui seraient disproportionnées, ce qui ne manque pas de surprendre au vu des reproches graves qui lui sont faits, dans la décision en litige, d'avoir utilisé la menace et les violences comme méthode éducative. De la même manière, les griefs d'insuffisance professionnelle qui figurent dans la décision en litige, outre qu'ils ne relèvent pas de fautes disciplinaires s'agissant d'une relation professionnelle " fusionnelle " avec l'une de ses collègues, la décision relevant que " l'établissement n'a jamais institué le travail en binôme systématique dans son projet d'établissement ", alors que la direction ne pouvait ignorer l'existence de projets montés en binôme par M. C... et par sa collègue durant plusieurs années. Des remontrances lui ont certes déjà été faites, quant à son attitude vis-à-vis de certains agents, mais sans qu'aucune sanction ne soit jamais prise, ni aucune procédure disciplinaire envisagée. M. C... produit un grand nombre d'attestations de soutien, qui émanent non seulement de jeunes qu'il a pris en charge au sein de l'institut et qui ont beaucoup apprécié son travail, mais aussi de parents d'élèves, dont des parents d'un jeune fugueur qu'il a aidé à réintégrer le domicile familial. La circonstance que les jeunes qui témoignent aient quitté l'institut, dont certains assez récemment à la date des faits, n'est pas non plus de nature à remettre en cause la valeur de ces témoignages. M. C... justifie également du soutien appuyé de deux collègues, avec lesquelles il travaille de longue date en parfaite harmonie et qui font toutes deux état de l'apport du travail de M. C... à l'institut et aux jeunes accueillis. Il affirme d'ailleurs, sans être sérieusement contredit, que son atelier d'espaces verts était le plus demandé par les jeunes accueillis au sein de l'institut médico-professionnel. Quant au fait qu'il refuserait d'accueillir des élèves de sexe féminin au sein de cet atelier, d'une part, il paraît contradictoire avec les nombreux messages de soutien d'anciennes élèves de sexe féminin qu'il produit et, d'autre part, aucune pièce du dossier ne montre que sa hiérarchie lui aurait demandé de mettre fin à une telle pratique alors qu'on voit mal comment elle aurait pu ne pas en être informée. Il justifie aussi, globalement, de bonnes évaluations de l'autorité hiérarchique, bien que certaines d'entre elles fassent aussi allusion à son attitude contestable à l'égard de certains collègues. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des circonstances particulières de l'espèce, et aussi sans remettre en cause le caractère établi et fautif des principaux faits reprochés, la sanction de révocation, la plus lourde dans l'échelle des peines qui auraient pu être prononcées, revêt un caractère disproportionné.

12. Il y a lieu, dès lors, d'annuler la décision de révocation en litige au motif d'un vice de procédure, de l'absence de matérialité de certains faits et du caractère disproportionné de la sanction, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....

13. Il résulte de ce qui précède que M C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 24 octobre 2016 prononçant sa révocation et qu'il y a lieu d'en prononcer l'annulation dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

15. Eu égard aux motifs du présent arrêt, la présente décision implique nécessairement la réintégration de M C... dans ses fonctions au sein des établissements publics médico-sociaux de Fécamp. Il y a lieu d'enjoindre aux établissements publics médico-sociaux de Fécamp de procéder à cette réintégration, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2016 prononçant sa révocation. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les établissements publics médico-sociaux de Fécamp doivent dès lors être rejetées. Il y a lieu, en revanche dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des établissements publics médico-sociaux de Fécamp une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 octobre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête n° 1603791 présentée par M. C....

Article 2 : La décision du 24 octobre 2016 par laquelle le directeur des établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp a prononcé la révocation de M. C... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint aux établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp, de réintégrer M. C... dans ses fonctions dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp verseront à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions des établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et aux établissements publics médico-sociaux (EPMS) de Fécamp.

7

N° 18DA02577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02577
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-25;18da02577 ?
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