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09/06/2022 | FRANCE | N°460644

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 09 juin 2022, 460644


Vu la procédure suivante :

La commune de Courcival, la commune de Nauvay, la commune de Péray, la commune de Saint-Fulgent-des-Ormes, l'association pour la protection du Perche du sud (APPS), l'association pour la qualité de la vie à Saint-Germain-de-la-Coudre, Préval et les communes avoisinantes, M. H... B..., M. E... de P..., M. I... J..., M. O... C..., M. N... D..., M. K... L..., M. F... A..., Mme M... G... ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la société Ferme éolienne d

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Vu la procédure suivante :

La commune de Courcival, la commune de Nauvay, la commune de Péray, la commune de Saint-Fulgent-des-Ormes, l'association pour la protection du Perche du sud (APPS), l'association pour la qualité de la vie à Saint-Germain-de-la-Coudre, Préval et les communes avoisinantes, M. H... B..., M. E... de P..., M. I... J..., M. O... C..., M. N... D..., M. K... L..., M. F... A..., Mme M... G... ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la société Ferme éolienne de Saint-Cosme une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cosme-en-Vairais. Par un arrêt avant-dire droit n° 19NT04020 du 21 mai 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à statuer jusqu'à ce que l'Etat produise un arrêté de régularisation relatif au montant des garanties financières exigées de l'entreprise. Par un second arrêt n° 19NT04020 du 7 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la commune de Courcival et autres.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 11 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Courcival et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ces deux arrêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne de Saint-Cosme la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le code de l'environnement, notamment son article L. 515-44 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune de Courcival, et autres et au cabinet Briard, avocat de la société Ferme éolienne de Saint-Cosme ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2022, présentée par la commune de Courcival et autres.

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " Les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l'article L. 511-2, au plus tard le 12 juillet 2011. La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur au 13 juillet 2010 et ayant encore cette destination dans les documents d'urbanisme en vigueur, cette distance étant appréciée au regard de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres. L'autorisation d'exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l'article L. 222-1, si ce schéma existe ".

3. La commune de Courcival et autres soutiennent que la troisième phrase de ce dernier alinéa de l'article L. 515-44, fixant une distance minimale de 500 mètres entre les éoliennes et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation, est contraire aux articles 1 et 3 de la Charte de l'environnement ainsi qu'au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

4. Dans sa décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 139 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, modifiant le dernier alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, aujourd'hui repris au dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, et qui fixaient notamment la règle selon laquelle les installations soumises à ces dispositions doivent, pour être autorisées, être éloignées des constructions et immeubles d'habitation par une distance au moins égale à 500 mètres, ne méconnaissaient " ni le principe de la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle " et étaient dès lors " conformes à la Constitution ".

5. Il suit de là que la disposition contestée par les requérants a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Les requérants font toutefois valoir qu'un changement dans les circonstances de fait serait intervenu depuis cette décision du Conseil constitutionnel, qui justifierait que ce dernier puisse être à nouveau saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions. Cependant, les évolutions invoquées par les requérants, découlant selon eux d'une évolution de la taille et de la puissance des éoliennes ne sont pas telles qu'elles caractériseraient un changement dans les circonstances de fait justifiant que le Conseil constitutionnel soit à nouveau saisi de la constitutionnalité de ces dispositions.

6. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur les autres moyens :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation des arrêts qu'ils attaquent, la commune de Courcival et autres soutiennent qu'ils sont entachés :

S'agissant de l'arrêt avant-dire droit du 21 mai 2021 :

- d'erreur de droit, en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions du 7° de l'article D. 314-23 du code de l'énergie et de celles de l'arrêté du 6 mai 2017 fixant les conditions du complément de rémunération de l'électricité produite par les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

- d'insuffisance de motivation, faute d'avoir visé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 314-20 du code de l'énergie et d'y avoir répondu ;

- de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu'il juge que l'absence d'inclusion de communes susceptibles d'être affectées par le projet éolien dans l'aire d'affichage de l'avis d'enquête publique n'a pas nui à l'information du public, ni exercé d'influence sur la décision de l'administration ;

- d'irrégularité, faute pour la cour d'avoir communiqué le dernier mémoire en défense présenté, le 30 novembre 2020, par la société pétitionnaire ;

- d'erreur de droit, en ce qu'il n'analyse pas si les insuffisances et carences de l'étude acoustique ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ;

- de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu'il estime que l'étude acoustique n'est entachée d'aucune insuffisance ;

- d'erreur de droit, en ce qu'il juge que l'étude d'impact n'avait pas à rechercher les effets des éoliennes sur les prix de l'immobilier ;

- de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu'il estime que les photomontages réalisés pour l'étude paysagère étaient suffisants ;

- d'insuffisance de motivation, faute d'avoir répondu au moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article R. 122-7 du code de l'environnement ;

- d'erreur de droit, en ce qu'il juge que l'inconventionnalité de l'article R. 122-7 du code de l'environnement ne pouvait être invoquée ;

- d'erreur de droit, en ce qu'il juge que les habitations les plus proches sont situées à plus de 500 mètres des éoliennes ;

- d'erreur de droit, en ce qu'il juge que la règle de l'émergence sonore maximale ne méconnaît pas le principe d'égalité ;

- de méconnaissance du contradictoire et de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu'il estime que la société justifiait de capacités financières et techniques suffisantes.

S'agissant de l'arrêt du 7 janvier 2022 :

- d'erreur de droit en ce qu'il écarte le moyen tiré de la contrariété de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour l'environnement, tel que modifié par un arrêté du 22 juin 2020, aux dispositions de l'article R. 515-101 du code de l'environnement.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Courcival et autres.

Article 2 : Le pourvoi de la commune de Courcival et autres n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Courcival, première dénommée pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la société Ferme éolienne de Saint-Cosme.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 9 juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 460644
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2022, n° 460644
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460644.20220609
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