Vu la procédure suivante :
M. C... Baron B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 à raison de l'imposition d'une plus-value de cession de valeurs mobilières. Par un jugement n° 1700187 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les impositions litigieuses et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un arrêt n° 19NC01428 du 15 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, substitué à la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du même code et a rejeté le surplus des conclusions du ministre.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 décembre 2020, 15 mars 2021 et 24 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Baron B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a assorti les suppléments d'impôts sur le revenu qui lui ont été assignés de la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme A... de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. Baron B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Baron B... a cédé, le 6 mars 2012, l'intégralité des droits sociaux qu'il détenait dans le capital de la société de droit allemand GEM Elektromontagen Graber GmbH, dont il était le dirigeant. Il a réalisé, en conséquence de cette cession, une plus-value qu'il a placée sous le régime de l'abattement prévu à l'article 150 0 D ter du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause le bénéfice de cet abattement au double motif que M. Baron B... ne remplissait pas la condition de détention, directement ou par personne interposée, pendant cinq ans, d'au moins 25 % des droits dans la société dont les titres avaient été cédés et qu'il n'avait pas fait valoir ses droits à la retraite dans les vingt-quatre mois précédant ou suivant cette cession. M. Baron B... a été assujetti en conséquence à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, assortie de la majoration pour manquement délibéré et des intérêts de retard. Par un jugement du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré mais a rejeté les conclusions de M. Baron B... tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire. M. Baron B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que celle-ci a, sur l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la relance, mis à sa charge la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts.
2. L'article 150-0 A du code général des impôts soumet à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession de droits sociaux et valeur mobilières réalisées par les particuliers. Le I de l'article 150-0 D bis du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, a institué un abattement sur les gains nets retirés de la cession de tels droits sociaux et valeurs mobilières égal à un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième. L'article 150-0 D ter du même code a maintenu le bénéfice de cet abattement au titre de l'année d'imposition 2012, en cause dans le présent litige, à la condition prévue au b) du 2° du I, notamment, que le cédant ait " détenu directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ".
3. Aux termes, par ailleurs, de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue ". Lorsque le contribuable conteste l'application par l'administration de cette pénalité à raison d'une inexactitude ou d'une omission dans sa déclaration, il appartient au juge de l'impôt de se prononcer sur la réalité de cette inexactitude ou omission, alors même que le litige dont il est saisi ne porterait que sur la pénalité.
4. D'une part, dès lors que la cour était saisie en appel par le ministre d'une demande tendant à ce que la pénalité de l'article 1758 A du code général des impôts soit substituée à la pénalité pour manquement délibéré infligée à M. Baron B..., il lui appartenait de se prononcer sur la réalité de l'inexactitude dans la déclaration du contribuable invoquée par le ministre. Il s'ensuit qu'alors même que, par un jugement du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg avait définitivement rejeté la demande de M. Baron B... tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire résultant de la remise en cause de ce régime d'abattement, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le motif par lequel la cour s'est prononcée sur l'inexactitude invoquée pour justifier l'application de la pénalité de l'article 1758 A avait un caractère surabondant.
5. D'autre part, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour déterminer si M. Baron B..., en plaçant la plus-value réalisée lors de la cession des titres de la société GEM Elektromontagen Graber GmbH qu'il dirigeait, dans le champ du régime d'abattement de l'article 150-0 D ter du code général des impôt, avait fait une inexacte application de la loi fiscale dans sa déclaration de revenus, conduisant à une minoration de son impôt de nature à justifier l'application en conséquence de la pénalité de 10 % instituée par l'article 1758 A du code général des impôts, la cour a jugé que devaient être considérées comme " personnes interposées ", au sens du b) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, uniquement les sociétés ou groupements exerçant une activité civile soumis au régime d'imposition des sociétés de personnes visées à l'article 8 du code général des impôts. En statuant ainsi alors qu'il ne ressort pas des termes de la loi, qui est claire, qu'il y ait lieu de faire une distinction entre les droits détenus par l'intermédiaire d'une société de personnes et ceux détenus par l'intermédiaire d'une société de capitaux, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. Baron B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant que la cour a mis à sa charge la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 15 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. Baron B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... Baron B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 mai 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi présidents de chambre, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, M. Alain Seban, conseillers d'Etat, et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 25 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. David Moreau
La secrétaire :
Signé : Mme Naouel Adouane