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19/05/2022 | FRANCE | N°451210

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 19 mai 2022, 451210


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de constater l'inexistence de la délibération par laquelle le jury d'examen du diplôme de master 2 " management international ", spécialité " affaires internationales ", programme " commerce extérieur " de l'institut d'administration des entreprises de l'université Jean Moulin Lyon III l'a ajourné au titre de l'année universitaire 2013-2014, et à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération et d'enjoindre à l'université Jean Moulin Lyon III d

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de constater l'inexistence de la délibération par laquelle le jury d'examen du diplôme de master 2 " management international ", spécialité " affaires internationales ", programme " commerce extérieur " de l'institut d'administration des entreprises de l'université Jean Moulin Lyon III l'a ajourné au titre de l'année universitaire 2013-2014, et à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération et d'enjoindre à l'université Jean Moulin Lyon III de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement. Par un jugement n° 1607114 du 16 mai 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02355 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 28 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. B... et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'université Jean Moulin Lyon III ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un courrier du 17 mai 2016, M. A... B..., étudiant en master 2 " management international ", spécialité " affaires internationales ", programme " commerce extérieur " à l'institut d'administration des entreprises (IAE) de l'université Jean Moulin Lyon III pendant l'année universitaire 2013-2014, a demandé au directeur de cet IAE de présenter l'épreuve de soutenance de mémoire de stage que comportait ce diplôme. Par un courrier du 27 juillet 2016, le directeur de l'IAE, par délégation du président de l'université Jean Moulin Lyon III, a informé M. B... que, faute d'avoir procédé à la soutenance de son mémoire de stage avant le mois de mars 2015, le jury d'examen du master 2 dans lequel il était inscrit avait prononcé son ajournement au titre de l'année universitaire 2013-2014. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la délibération par laquelle le jury d'examen du master 2 a prononcé son ajournement au titre de l'année universitaire 2013-2014. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 janvier 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon puis rejeté sa demande.

Sur le pourvoi de M. B... :

2. Aux termes du 1) du F du III du règlement des études et des examens de l'université Jean Moulin Lyon III de l'année universitaire 2013-2014 pour l'obtention du diplôme de master en sciences du management, mention " management international ", relatif aux modalités d'évaluation de la seconde année de master : " (...) Programme commerce extérieur (...) : Les étudiants doivent obligatoirement effectuer un stage pendant le semestre 4B dont la durée peut être comprise entre 6 mois en équivalent temps plein et 9 mois (...) ". Aux termes du 3) du F, du III de ce règlement : " Le stage donne lieu à la rédaction d'un mémoire. L'évaluation portera sur trois aspects : 1er : sur le stage (25 % de la note finale) ; 2ème : sur le mémoire (50 % de la note finale) ; 3ème : sur la soutenance devant un jury (25 % de la note finale). Le mémoire est à soutenir devant un jury composé du tuteur de l'entreprise ou de l'organisme et de l'enseignant suiveur. Les notes du stage et du mémoire sont proposées par le jury de soutenance. Les notes sont validées par l'enseignant, seul compétent en l'espèce. En cas d'absence de tuteur de l'entreprise, un rapport circonstancié devra être envoyé au responsable du diplôme ". Aux termes du 4) du F, du III de ce règlement : " La date limite de soutenance est fixée au 30 septembre 2014 (...) ". Enfin, aux termes du I. du III de ce règlement : " pour obtenir le grade de master l'étudiant doit avoir une moyenne générale aux enseignements au moins égale à 10/20 sur l'ensemble des semestres, une note au moins égale à 10/20 au stage (note résultant de l'évaluation du stage, de la note de synthèse et de la soutenance) du semestre 2, et une note au moins égale à 10/20 au stage (note résultant de l'évaluation du stage, du mémoire et de la soutenance) du semestre 4 ".

3. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que M. B... n'avait pas remis son mémoire de stage du semestre 4, au cours de sa seconde année de master 2 et qu'il n'avait pas présenté l'épreuve de soutenance de ce rapport avant le 31 mars 2015, alors même qu'il avait bénéficié d'une prorogation du délai de soutenance fixé par le 4) du F, du III du règlement des études et examens, de sorte que le jury de soutenance n'avait pas été en mesure de proposer une note d'évaluation de son mémoire de stage et de sa soutenance, à l'enseignant chargé de valider les notes, lequel avait alors attribué à M. B... la note de zéro sur vingt au titre de son stage du semestre 4, la cour administrative d'appel a jugé que l'intéressé ne remplissait pas l'une des conditions prévues par le règlement des études et des examens de l'université, cité au point 2, pour obtenir le diplôme du master. En déduisant de ces circonstances que le jury d'examen du master 2 " management international ", spécialité affaires internationales, programme commerce extérieur, de l'institut d'administration des entreprises de l'université Jean Moulin Lyon III au titre de l'année 2013-2014 se trouvait dans une situation de compétence liée pour prononcer l'ajournement de M. B... et que les autres moyens qu'il avait soulevés à l'encontre de la délibération contestée étaient par conséquent inopérants, alors que ce jury était conduit à porter une appréciation sur les mérites de l'intéressé et les circonstances à l'origine de l'évaluation de son stage avant, le cas échéant, de prononcer son ajournement, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi ni sur la substitution de motifs sollicitée par l'université Jean Moulin Lyon III, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur la circonstance que le jury d'examen était en situation de compétence liée pour ne pas se prononcer sur les moyens, qui n'était pas inopérants, dirigés à l'encontre de la décision attaquée. Par suite, le tribunal administratif a entaché d'irrégularité sont jugement qui doit, dès lors, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions aux fins de déclaration d'inexistence :

8. D'une part, la circonstance que l'université Jean Moulin Lyon III n'a pas produit la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " management international ", spécialité affaires internationales, programme commerce extérieur, de l'IAE au titre de l'année 2013-2014 n'est pas de nature à établir que ce jury n'aurait pas délibéré sur la situation de M. B.... D'autre part, le courrier du directeur de l'IAE du 27 juillet 2016 a révélé que le jury avait décidé d'ajourner M. B... au titre de cette année universitaire. Il s'ensuit que les conclusions tendant à constater l'inexistence de la décision attaquée doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

9. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jury n'était pas régulièrement composé n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

10. En deuxième lieu, aux termes du huitième alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle tiennent compte des contraintes spécifiques des étudiants accueillis au titre de la formation continue. Elles sont adaptées aux contraintes spécifiques des étudiants ou personnes bénéficiant de la formation continue présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé. Elles doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année ".

11. Si M. B... soutient, par la voie de l'exception, que le règlement des études et des examens de l'université Jean Moulin Lyon III de l'année universitaire 2013-2014 pour l'obtention du diplôme de master en sciences du management, mention " management international ", serait illégal par méconnaissance des dispositions mentionnées au point 10, en ce que l'université a dérogé pour certains étudiants à l'échéance du délai de soutenance fixée au 30 septembre 2014 par le 4) du F du III de ce règlement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement a fait l'objet de modification sur ce point. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé, par courriel du 11 septembre 2014, de ce qu'il bénéficiait, à l'instar d'autres étudiants, d'une prolongation du délai de soutenance de son mémoire de stage jusqu'à la fin du mois de mars 2015, afin de tenir compte de ce que son stage était mené conjointement avec une université italienne. En se fondant, pour ajourner M. B..., sur la circonstance qu'il n'avait pas soutenu son mémoire dans les délais impartis, alors que ceux-ci avait été préalablement porté à sa connaissance et qu'il avait bénéficié au demeurant d'une dérogation qui lui était favorable, le jury n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, les droits de la défense.

13. En quatrième lieu, si, en règle générale, le principe d'égalité devant la loi impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Si M. B... soutient qu'une étudiante a bénéficié d'un délai supplémentaire pour la soutenance de son rapport de stage lors de l'année universitaire 2013-2014, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été dans une situation identique à la sienne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.

14. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à l'absence de diligence dont a fait preuve M. B... pour la soutenance de son mémoire de stage, que le jury d'examen aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de l'ajourner au titre de l'année universitaire 2013-2014.

15. Il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III qui n'est pas, dans la présence instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 janvier 2021 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2019 est annulé.

Article 3 : La demande de M. B... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. B... et de l'université Jean Moulin Lyon III présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'université Jean Moulin Lyon III.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 avril 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 mai 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Sylvain Monteillet

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 451210
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2022, n° 451210
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451210.20220519
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