Vu la procédure suivante :
La société Alea a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, l'a mise en demeure de faire cesser l'occupation d'un local lui appartenant à Paris, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1813181 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 20PA00932 du 29 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre des solidarités et de la santé contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 1er décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des solidarités et de la santé demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme A... B... de Sarigny, rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la Société Alea.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 15 mars 2018 pris sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a mis en demeure la société Alea de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un local dont elle est propriétaire. Le ministre des solidarités et de la santé se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 20 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la société Alea, annulé cet arrêté du 15 mars 2018.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige: " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 40-3 de l'arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris : " L'une au moins des pièces principales de logement doit avoir une surface au sens du décret du 14 juin 1969 supérieure à neuf mètres carrés. Les autres pièces d'habitation ne peuvent avoir une surface inférieure à sept mètres carrés. Dans le cas d'un logement comportant une seule pièce principale, ou constitué par une chambre isolée, la surface de ladite pièce doit être au moins égale à neuf mètres carrés. Pour l'évaluation de la surface de chaque pièce, les parties formant dégagement ou cul-de-sac d'une largeur inférieure à deux mètres ne sont pas prises en compte " et l'article 40-4 de ce même arrêté dispose que : " La hauteur sous plafond ne doit pas être inférieure à 2,20 mètres ". Si un local ne saurait être qualifié d'impropre par nature à l'habitation au seul motif qu'il méconnaîtrait l'une des prescriptions du règlement sanitaire départemental applicable, lequel n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, il appartient toutefois à l'administration, pour apprécier si un local est impropre par nature à l'habitation, de prendre en compte toutes les caractéristiques de celui-ci, notamment celles qui méconnaissent les prescriptions du règlement sanitaire départemental.
4. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si le local litigieux présente une surface totale au sol de 13 m2, il est cependant constitué de deux espaces d'environ quatre mètres de long chacun, situés dans l'alignement l'un de l'autre, le premier étant large d'un peu moins de deux mètres et le second étant large d'environ un mètre. Par suite, compte tenu de cette taille globale et de cette configuration particulière, et alors même que ce local dispose d'un éclairage naturel suffisant, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié ce local en jugeant qu'il n'était pas, par nature, impropre à l'habitation au sens des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le ministre des solidarités et de la santé est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, la société Alea.
D E C I D E:
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Article 1er : L'arrêt du 29 septembre 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions de la société Alea présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Alea et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 11 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Pearl Nguyên Duy
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire