Vu la procédure suivante :
M. G... L... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 septembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité de contrôle n° 1 du Val-de-Marne a autorisé son licenciement par la société Chronopost. Par un jugement n° 1709008 du 5 avril 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision.
Par un arrêt n° 19PA01394 du 20 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Chronopost contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 février et 3 avril 2020 et 19 avril et 16 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Chronopost demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge M. L... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Chronopost et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. L... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. L... a été recruté en octobre 2002 par la société Chronopost en qualité de chauffeur-livreur et qu'il a été titulaire d'un mandat de délégué syndical d'établissement au sein de cette société entre juin 2015 et avril 2017. Par une décision du 20 septembre 2017, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle du Val-de-Marne a autorisé la société Chronopost à le licencier pour faute, un manquement à son obligation de loyauté lui étant reproché pour avoir travaillé, en qualité de coursier, auprès d'un autre employeur durant des périodes de suspension de son contrat de travail, notamment dans le cadre d'un arrêt de travail consécutif à un accident de travail. Par un jugement du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Melun, à la demande de M. L..., a annulé pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail. La société Chronopost se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. L... avait à plusieurs reprises travaillé en qualité de coursier, durant des périodes de suspension de son contrat de travail, auprès de la société Labo Express, que sa mission, qui consistait à procéder au transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé, différait de celle accomplie au profit de la société Chronopost, l'activité de ces deux sociétés ne se recouvrant pas et n'étant pas concurrentes et qu'en outre, il n'était pas établi que M. L... avait transmis, comme le lui reprochait son employeur, des informations confidentielles à la société Labo Express, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que, dès lors qu'il n'était ainsi pas établi que l'activité professionnelle accomplie par M. L... auprès d'un autre employeur avait porté préjudice à la société Chronopost, elle n'était pas de nature à caractériser un manquement à son obligation de loyauté. En statuant ainsi, alors que la société Chronopost s'est bornée à soutenir devant les juges du fond, d'une part, qu'elle et la société Labo Express étaient concurrentes, d'autre part, que M. L... était susceptible d'avoir transmis des informations confidentielles à la société Labo Express, enfin, qu'elle avait subi un préjudice en termes d'image et de réputation, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, ni commis d'erreur de droit. Enfin, et en tout état de cause, la requérante ne peut faire valoir utilement que M. L... aurait également commis une faute en sollicitant, pour un motif mensonger, un congé pour enfant malade, en vue d'accomplir une de ses missions auprès de la société Labo Express, dès lors qu'elle s'en prévaut pour la première fois en cassation.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Chronopost n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. L... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Chronopost une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Chronopost est rejeté.
Article 2 : La société Chronopost versera une somme de 3 000 euros à M. L... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Chronopost et à M. G... L....
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme A... N..., Mme D... M..., présidentes de chambre ; M. J... H..., Mme I... K..., Mme B... F..., M. Damien Botteghi conseillers d'Etat ; Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.
Rendu le 4 février 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Thalia Breton
La secrétaire :
Signé : Mme C... E...