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02/02/2022 | FRANCE | N°441511

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 02 février 2022, 441511


Vu la procédure suivante :

La société Sofina a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui lui ont été distribués de 2008 à 2011 par plusieurs sociétés françaises. Par deux jugements n° 1207775 et n° 1304902 des 20 septembre 2013 et 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.

Par deux arrêts n° 14VE00289 et n° 15VE00914 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels de la société Sofina contre c

es jugements.

Par une décision n°s 398662, 398663, 398666, 398672, 398674, 398675 ...

Vu la procédure suivante :

La société Sofina a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui lui ont été distribués de 2008 à 2011 par plusieurs sociétés françaises. Par deux jugements n° 1207775 et n° 1304902 des 20 septembre 2013 et 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.

Par deux arrêts n° 14VE00289 et n° 15VE00914 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels de la société Sofina contre ces jugements.

Par une décision n°s 398662, 398663, 398666, 398672, 398674, 398675 du 27 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ces arrêts et renvoyé les affaires devant la cour administrative de Versailles.

Par un arrêt n° 19VE00738 du 27 février 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête de la société Sofina tendant à la restitution des retenues à la source acquittée au cours des années 2009 et 2010, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions d'appel.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2020 et le 5 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sofina demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 27 février 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 janvier 2021, présentée par la société Sofina ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Sofina ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit belge Sofina a demandé la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu'elle avait perçus de 2008 à 2010. Par un jugement du 20 septembre 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par une décision du 27 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 10 décembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles avait rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement, La société Sofina demande l'annulation de l'article 2 de l'arrêt du 27 février 2020 par lequel, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant après renvoi, a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les retenues à la sources prélevées en 2009 et 2010 et rejeté le surplus des conclusions d'appel dirigées contre le jugement du 20 septembre 2013, s'agissant des retenues prélevées en 2008.

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".

3. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / (...) / b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues ".

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que la réclamation formée par la société Sofina contre les retenues à la source prélevées en 2008 avait été déposée le 22 décembre 2011, après l'expiration du délai prévu par le b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la cour a jugé que les conclusions tendant à la décharge de ces impositions présentées devant le tribunal administratif de Montreuil étaient irrecevables.

5. En opposant la tardiveté de la réclamation préalable de la société Sofina sur le fondement des dispositions du b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la cour a soulevé d'office un motif d'irrecevabilité différent de celui, fondé sur le b) de la première partie de cet article, invoqué par le ministre à l'appui de la fin de non-recevoir pour tardiveté qu'il avait soulevée devant elle. Dès lors que le motif d'irrecevabilité retenu par la cour appelait un débat contradictoire sur des éléments distincts de ceux relatifs à la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, il ne pouvait être régulièrement soulevé d'office par la cour que dans le respect des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle invoque, la société Sofina est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il y a lieu, dans la mesure de la cassation prononcée au point 5 ci-dessus, de régler l'affaire au fond.

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales citées au point 3, que les réclamations contestant l'application de retenues à la source doivent être déposées dans le délai prévu au b) de la seconde partie de cet article. En application de ces dispositions, le délai de réclamation dont disposait la société Sofina pour contester les retenues à la source en litige prélevées en 2008 expirait le 31 décembre 2009.

8. Pour écarter l'application des dispositions du b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la société Sofina soutient que ces dispositions méconnaissent la liberté de circulation des capitaux garantie par les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que les principes du droit de l'Union d'équivalence et d'effectivité.

9. Le principe d'équivalence impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté garantie par le droit de l'Union ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. Lorsqu'il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, d'appliquer au contribuable non-résident des règles procédurales de nature à rétablir une équivalence de traitement

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'application, aux contestations des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçues par une société non-résidente, d'un délai de réclamation, prévu au b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, d'une durée inférieure à celui prévu au b) de la première partie du même article, applicable à la réclamation d'une société résidente contestant l'impôt sur les sociétés dû à raison de ces mêmes dividendes, sans que cette différence soit justifié par une différence objective de situation, méconnaît le principe d'équivalence garanti par le droit de l'Union. Par suite, il y a lieu d'écarter l'application, à la réclamation présentée par la société Sofina contestant les retenues à la source en litige, des dispositions du b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, il y a lieu d'appliquer les dispositions du b) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales dont il résulte que le délai de réclamation dont la société Sofina disposait pour contester les retenues à la source en litige expirait le 31 décembre 2010.

12. Les dispositions du b) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales s'appliquent indifféremment à toute réclamation, que le contribuable invoque une violation du droit de l'Union ou une disposition de droit interne. Elles aménagent un délai de réclamation suffisant. Par suite, la société Sofina n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'équivalence et d'effectivité.

13. Par ailleurs, en prévoyant un délai de réclamation expirant au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du paiement de l'impôt, les dispositions prévues au b) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales n'instaurent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre sociétés résidentes et sociétés non-résidentes. La circonstance que la date de paiement de l'impôt diffère selon qu'il s'agisse du prélèvement de retenues à la source pour les sociétés non-résidentes ou du paiement de l'impôt sur les sociétés pour les sociétés résidentes, est inhérente à la différence de technique d'imposition liée à des modalités de recouvrement différentes et ne confère, en tout état de cause, aux sociétés résidentes aucun avantage constitutif d'une entrave à la libre circulation des capitaux.

14. En second lieu, seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. En principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français.

15. La société Sofina se prévaut, sur le fondement du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-284/09 du 20 octobre 2011 par lequel la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'Allemagne avait manqué à ses obligations en soumettant les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes à une imposition plus lourde que celle grevant les dividendes distribués à des sociétés résidentes. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que cet arrêt ne saurait être regardé comme ayant révélé l'incompatibilité avec la libre circulation des capitaux de l'assujettissement à la retenue à la source des sociétés non résidentes déficitaires. Par suite, cet arrêt ne constitue pas un évènement au sens et pour l'application du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la réclamation présentée par la société Sofina le 22 décembre 2011, après l'expiration du délai prévu au b) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, au titre des retenues à la source prélevées en 2008, lequel expirait le 31 décembre 2010, était tardive. Dès lors, les conclusions tendant à la restitution de ces impositions présentées devant le tribunal administratif de Montreuil étaient irrecevables.

17. Par suite, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, la société Sofina n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des retenues à la source acquittées au titre de l'année 2008. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce remboursement, assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, ne peuvent qu'être rejetées.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 27 février 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Sofina devant la cour administrative d'appel de Versailles et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Sofina et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. E... D..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme G... A..., M. B... C..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 février 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme F... H...


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 441511
Date de la décision : 02/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT DE L’UNION - DÉCISION DE LA CJUE INVOQUÉE PAR UN CONTRIBUABLE AFIN DE BÉNÉFICIER DU DÉLAI DE RÉCLAMATION COURANT JUSQU’À LA FIN DE LA DEUXIÈME ANNÉE SUIVANT CELLE DE CET ÉVÈNEMENT (C DE LA 1ÈRE PARTIE DE L’ART - R - 196-1 DU LPF) – 1) CONDITIONS [RJ1] – 2) ESPÈCE – ABSENCE.

15-03-03-01 1) Seules les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) retenant une interprétation du droit de l’Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d’une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d’un tel événement, au sens et pour l’application de l’article R. 196-1 du LPF, et de la période sur laquelle l’action en restitution peut s’exercer en application de l’article L. 190 du même livre. En principe, tel n’est pas le cas d’arrêts de la CJUE concernant la législation d’un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l’hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l’interprétation qu’elle donne d’une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. ...2) Il en résulte que l’arrêt C-284/09 du 20 octobre 2011 par lequel la CJUE a jugé que l’Allemagne avait manqué à ses obligations en soumettant les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes à une imposition plus lourde que celle grevant les dividendes distribués à des sociétés résidentes ne saurait être regardé comme ayant révélé l’incompatibilité avec la libre circulation des capitaux de l’assujettissement à la retenue à la source des sociétés non résidentes déficitaires. Par suite, cet arrêt ne constitue pas un évènement au sens et pour l’application du c) de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - PRINCIPE D’ÉQUIVALENCE – 1) PORTÉE – 2) CONSÉQUENCE SUR LES DÉLAIS DE L’ARTICLE R - 196-1 DU LPF APPLICABLES À LA RÉCLAMATION D’UN NON-RÉSIDENT CONTRE UNE RETENUE À LA SOURCE – A) INAPPLICABILITÉ DU B DE LA 2E PARTIE – B) APPLICABILITÉ DU B DE LA 1ÈRE PARTIE [RJ2] – C) ECART ENTRE LES DATES DE PAIEMENT DE L’IS ET DE LA RETENUE À LA SOURCE – CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

15-05-002 1) Le principe d'équivalence garanti par le droit de l’Union européenne impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté garantie par le droit de l’Union ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. Lorsqu’il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l’administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l’impôt, d’appliquer au contribuable non-résident des règles procédurales de nature à rétablir une équivalence de traitement....2) a) Il en résulte que l’application, aux contestations des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçues par une société non-résidente, d’un délai de réclamation, prévu au b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF, d’une durée inférieure à celui prévu au b de la première partie du même article, applicable à la réclamation d’une société résidente contestant l’impôt sur les sociétés dû à raison de ces mêmes dividendes, sans que cette différence soit justifiée par une différence objective de situation, méconnaît le principe d’équivalence garanti par le droit de l’Union....Par suite et dans un tel cas, il y a lieu d’écarter l’application du b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF....b) Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il y a lieu d’appliquer le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF dont il résulte que le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement....Ce b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF s’applique indifféremment à toute réclamation, que le contribuable invoque une violation du droit de l’Union ou une disposition de droit interne. Il aménage un délai de réclamation suffisant. Par suite, il ne méconnaît pas les principes d’équivalence et d’effectivité....c) Par ailleurs, en prévoyant un délai de réclamation expirant au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du paiement de l’impôt, le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF n’instaure, par lui-même, aucune différence de traitement entre sociétés résidentes et sociétés non-résidentes. La circonstance que la date de paiement de l’impôt diffère selon qu’il s’agisse du prélèvement de retenues à la source pour les sociétés non-résidentes ou du paiement de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les sociétés résidentes, est inhérente à la différence de technique d’imposition liée à des modalités de recouvrement différentes et ne confère, en tout état de cause, aux sociétés résidentes aucun avantage constitutif d’une entrave à la libre circulation des capitaux.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RÉCLAMATIONS AU DIRECTEUR - DÉLAI - DÉLAIS DE L’ARTICLE R - 196-1 DU LPF APPLICABLES À LA RÉCLAMATION CONTRE UNE RETENUE À LA SOURCE – 1) RÈGLE GÉNÉRALE – APPLICABILITÉ DU B DE LA 2E PARTIE [RJ3] – 2) CONTRIBUABLE NON-RÉSIDENT INVOQUANT LE PRINCIPE D’ÉQUIVALENCE – A) PORTÉE DE CE PRINCIPE – B) INAPPLICABILITÉ DU B DE LA 2E PARTIE – C) APPLICABILITÉ DU B DE LA 1ÈRE PARTIE [RJ2] – D) ECART ENTRE LES DATES DE PAIEMENT DE L’IS ET DE LA RETENUE À LA SOURCE – CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE – 3) CONTRIBUABLE INVOQUANT UNE DÉCISION DE LA CJUE – APPLICABILITÉ DU C DE LA 1ÈRE PARTIE – A) CONDITIONS [RJ1] – B) ESPÈCE – ABSENCE.

19-02-02-02 1) Il résulte de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que les réclamations contestant l’application de retenues à la source doivent être déposées dans le délai prévu au b de la seconde partie de cet article, soit au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle ces retenues à la source ont été opérées....2) a) Le principe d'équivalence garanti par le droit de l’Union européenne impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté garantie par le droit de l’Union ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. Lorsqu’il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l’administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l’impôt, d’appliquer au contribuable non-résident des règles procédurales de nature à rétablir une équivalence de traitement....b) Il en résulte que l’application, aux contestations des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçues par une société non-résidente, d’un délai de réclamation, prévu au b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF, d’une durée inférieure à celui prévu au b de la première partie du même article, applicable à la réclamation d’une société résidente contestant l’impôt sur les sociétés dû à raison de ces mêmes dividendes, sans que cette différence soit justifiée par une différence objective de situation, méconnaît le principe d’équivalence garanti par le droit de l’Union....Par suite et dans un tel cas, il y a lieu d’écarter l’application du b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF....c) Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il y a lieu d’appliquer le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF dont il résulte que le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement....Ce b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF s’applique indifféremment à toute réclamation, que le contribuable invoque une violation du droit de l’Union ou une disposition de droit interne. Il aménage un délai de réclamation suffisant. Par suite, il ne méconnaît pas les principes d’équivalence et d’effectivité....d) Par ailleurs, en prévoyant un délai de réclamation expirant au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du paiement de l’impôt, le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF n’instaure, par lui-même, aucune différence de traitement entre sociétés résidentes et sociétés non-résidentes. La circonstance que la date de paiement de l’impôt diffère selon qu’il s’agisse du prélèvement de retenues à la source pour les sociétés non-résidentes ou du paiement de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les sociétés résidentes, est inhérente à la différence de technique d’imposition liée à des modalités de recouvrement différentes et ne confère, en tout état de cause, aux sociétés résidentes aucun avantage constitutif d’une entrave à la libre circulation des capitaux. ...3) a) Seules les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) retenant une interprétation du droit de l’Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d’une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d’un tel événement, au sens et pour l’application de l’article R. 196-1 du LPF, et de la période sur laquelle l’action en restitution peut s’exercer en application de l’article L. 190 du même livre. En principe, tel n’est pas le cas d’arrêts de la CJUE concernant la législation d’un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l’hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l’interprétation qu’elle donne d’une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. ...b) Il en résulte que l’arrêt C-284/09 du 20 octobre 2011 par lequel la CJUE a jugé que l’Allemagne avait manqué à ses obligations en soumettant les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes à une imposition plus lourde que celle grevant les dividendes distribués à des sociétés résidentes ne saurait être regardé comme ayant révélé l’incompatibilité avec la libre circulation des capitaux de l’assujettissement à la retenue à la source des sociétés non résidentes déficitaires. Par suite, cet arrêt ne constitue pas un évènement au sens et pour l’application du c) de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - COTISATIONS D`IR MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS - RETENUES À LA SOURCE - DÉLAIS DE L’ARTICLE R - 196-1 DU LPF APPLICABLES À LA RÉCLAMATION CONTRE UNE RETENUE À LA SOURCE – 1) RÈGLE GÉNÉRALE – APPLICABILITÉ DU B DE LA 2E PARTIE [RJ3] – 2) CONTRIBUABLE NON-RÉSIDENT INVOQUANT LE PRINCIPE D’ÉQUIVALENCE – A) PORTÉE DE CE PRINCIPE – B) INAPPLICABILITÉ DU B DE LA 2E PARTIE – C) APPLICABILITÉ DU B DE LA 1ÈRE PARTIE [RJ2] – D) ECART ENTRE LES DATES DE PAIEMENT DE L’IS ET DE LA RETENUE À LA SOURCE – CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE – 3) CONTRIBUABLE INVOQUANT UNE DÉCISION DE LA CJUE – APPLICABILITÉ DU C DE LA 1ÈRE PARTIE – A) CONDITIONS [RJ1] – B) ESPÈCE – ABSENCE.

19-04-01-02-06-01 1) Il résulte de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que les réclamations contestant l’application de retenues à la source doivent être déposées dans le délai prévu au b de la seconde partie de cet article, soit au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle ces retenues à la source ont été opérées....2) a) Le principe d'équivalence garanti par le droit de l’Union européenne impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté garantie par le droit de l’Union ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. Lorsqu’il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l’administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l’impôt, d’appliquer au contribuable non-résident des règles procédurales de nature à rétablir une équivalence de traitement....b) Il en résulte que l’application, aux contestations des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçues par une société non-résidente, d’un délai de réclamation, prévu au b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF, d’une durée inférieure à celui prévu au b de la première partie du même article, applicable à la réclamation d’une société résidente contestant l’impôt sur les sociétés dû à raison de ces mêmes dividendes, sans que cette différence soit justifiée par une différence objective de situation, méconnaît le principe d’équivalence garanti par le droit de l’Union....Par suite et dans un tel cas, il y a lieu d’écarter l’application du b de la seconde partie de l’article R. 196-1 du LPF....c) Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il y a lieu d’appliquer le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF dont il résulte que le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement....Ce b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF s’applique indifféremment à toute réclamation, que le contribuable invoque une violation du droit de l’Union ou une disposition de droit interne. Il aménage un délai de réclamation suffisant. Par suite, il ne méconnaît pas les principes d’équivalence et d’effectivité....d) Par ailleurs, en prévoyant un délai de réclamation expirant au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du paiement de l’impôt, le b de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF n’instaure, par lui-même, aucune différence de traitement entre sociétés résidentes et sociétés non-résidentes. La circonstance que la date de paiement de l’impôt diffère selon qu’il s’agisse du prélèvement de retenues à la source pour les sociétés non-résidentes ou du paiement de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les sociétés résidentes, est inhérente à la différence de technique d’imposition liée à des modalités de recouvrement différentes et ne confère, en tout état de cause, aux sociétés résidentes aucun avantage constitutif d’une entrave à la libre circulation des capitaux. ...3) a) Seules les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) retenant une interprétation du droit de l’Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d’une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d’un tel événement, au sens et pour l’application de l’article R. 196-1 du LPF, et de la période sur laquelle l’action en restitution peut s’exercer en application de l’article L. 190 du même livre. En principe, tel n’est pas le cas d’arrêts de la CJUE concernant la législation d’un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l’hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l’interprétation qu’elle donne d’une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. ...b) Il en résulte que l’arrêt C-284/09 du 20 octobre 2011 par lequel la CJUE a jugé que l’Allemagne avait manqué à ses obligations en soumettant les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes à une imposition plus lourde que celle grevant les dividendes distribués à des sociétés résidentes ne saurait être regardé comme ayant révélé l’incompatibilité avec la libre circulation des capitaux de l’assujettissement à la retenue à la source des sociétés non résidentes déficitaires. Par suite, cet arrêt ne constitue pas un évènement au sens et pour l’application du c) de la première partie de l’article R. 196-1 du LPF.


Références :

[RJ3]

Cf. CE, Plénière, 19 décembre 1975, Société X, n° 86880, T. p. 958....

[RJ2]

Rappr., s’agissant du rétablissement de l’équivalence des règles d’assiette de l’impôt sur la base de la libre circulation des capitaux, CE, 6 décembre 2021, National pension service, n° 433301, à publier au Recueil....

[RJ1]

Cf. CE, 23 mai 2011, Société Santander Asset Management SGIIC SA et autres, n°s 344678 à 344687, p. 257.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2022, n° 441511
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:441511.20220202
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