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23/05/2011 | FRANCE | N°344678

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 23 mai 2011, 344678


Vu 1°), sous le n° 344678, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 0709782 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE SANTANDER ASSET MANAGEMENT SGIIC SA, dont le siège est situé avenida de Cantabria s/n à Boadilla Del Monte, Madrid (28660), Espagne, anciennement dénommée Santander Gestion de Activos SA SGIIC, au nom du FIM Santander Top 25 Euro Fi, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au tit

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Vu 1°), sous le n° 344678, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 0709782 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE SANTANDER ASSET MANAGEMENT SGIIC SA, dont le siège est situé avenida de Cantabria s/n à Boadilla Del Monte, Madrid (28660), Espagne, anciennement dénommée Santander Gestion de Activos SA SGIIC, au nom du FIM Santander Top 25 Euro Fi, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au titre des années 2004 et 2005, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) S'agissant de l'imposition des distributions en provenance de sociétés françaises résultant d'investissements réalisés par le truchement d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), la comparaison des situations tendant à l'appréciation d'une différence de traitement constitutive d'une entrave au regard de la liberté de circulation des capitaux, affirmée par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, doit-elle se faire au niveau du véhicule d'investissement, de celui du porteur de parts ou globalement '

2°) Si le véhicule d'investissement est le point de comparaison retenu, un OPCVM imposé à un taux très faible dans son Etat de résidence peut-il être regardé comme étant dans une situation objectivement comparable à celle des OPCVM français '

3°) En fonction du niveau de comparaison qui doit être retenu, l'application de la retenue à la source à des distributions effectuées par des sociétés françaises à des OPCVM non résidents constitue-t-elle une entrave à la liberté de circulation des capitaux, alors que les distributions de même nature sont exonérées de toute imposition lorsqu'elles sont effectuées en faveur d'OPCVM établis en France '

4°) Si cette différence de traitement constitue une entrave au sens de l'article 56 du traité, celle-ci est-elle justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général '

Vu 2°), sous le n° 344679, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 0709887 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE SANTANDER ASSET MANAGEMENT SGIIC SA, dont le siège est situé Avenida de Cantabria s/n à Boadilla Del Monte, Madrid (28660), Espagne, anciennement dénommée Santander Gestion de Activos SA SGIIC, au nom de la société Carteria Mobiliara SA SICAV, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au titre des années 2004 et 2005, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les mêmes questions que dans le jugement visé au 1°) ;

Vu 3°), sous le n° 344680, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1002473 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE INTERNATIONALE KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, dont le siège est situé Breite Strasse 29-31 à Düsseldorf, Allemagne, au nom du fonds d'investissement Alltri Inka, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au titre des années 2004 et 2005, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les première, troisième et quatrième questions mentionnées dans le jugement visé au 1°) ;

Vu 4°), sous le n° 344681, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1005888 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE ALLIANZ GLOBAL INVESTORS KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, au nom du fonds d'investissement DBI-Fonds APT n° 737, dont le siège est situé Mainzer Landstrasse 11-13 à Francfort-sur-le-Main, Allemagne, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2006 à 2008 assortie d'intérêts moratoires, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les première, troisième et quatrième questions mentionnées dans le jugement visé au 1°) ;

Vu 5°), sous le n° 344682, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1006838 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SICAV KBC SELECT IMMO, dont le siège est situé 2 avenue du Port à Bruxelles, Belgique, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2008, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les première, troisième et quatrième questions mentionnées dans le jugement visé au 1°) ainsi que la question suivante :

L'OPCVM non résident, qui conteste la retenue à la source appliquée aux distributions effectuées à son profit par une société française, doit-il, à l'appui de sa réclamation, et afin de satisfaire aux conditions de forme de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, justifier que les revenus effectivement versés ont été amputés de cette retenue ou du versement effectif de ce prélèvement, notamment par la production d'une attestation de l'établissement payeur précisant la date et les modalités de liquidation de la retenue '

Vu 6°), sous le n° 344683, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1007188 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE SGSS DEUTSCHLAND KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, venant aux droits de la société Pioneer Investments Kapitalanlagegesellchaft mbH, anciennement dénommée Activest Investmentgesellschaft mbH, dont le siège est situé Apianstrasse 16-20 à Unterföhring (85774), Allemagne, au nom du fonds VKEW-Fonds, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2003 à 2006, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les première, troisième et quatrième questions mentionnées dans le jugement visé au 1°) ;

Vu 7°), sous le n° 344684, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1008779 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande du FONDS INTERNATIONAL VALUES SERIES OF THE DFA INVESTMENT TRUST COMPANY, dont le siège est situé 6300 Bee Cave Road Building One à Austin, Etats-Unis, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2008 assortie d'intérêts moratoires, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les première, troisième et quatrième questions mentionnées dans le jugement visé au 1°) ainsi que les questions suivantes :

1°) Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur une norme juridique interne d'un Etat membre peut-il être regardé, et à quelles conditions, comme une décision juridictionnelle de nature à révéler la non-conformité de la règle de droit française à une règle de droit supérieure, au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, alors même que la Cour n'a pas été saisie d'une question préjudicielle émanant d'une juridiction française ou d'un recours en manquement dirigé contre la France et comme constituant un évènement nouveau au sens du c de l'article R. 196-1 du même livre '

2°) A quelles conditions un fonds d'investissement établi sur le territoire d'un Etat tiers à l'Union européenne peut-il se prévaloir de la non-conformité de la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts au regard de la liberté de circulation prévue à l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que l'article 57 du même traité permet le maintien des restrictions existant au 31 décembre 1993 s'agissant des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs '

Vu 8°), sous le n° 344685, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1008780 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande du FONDS CONTINENTAL SMALL COMPANY SERIES OF THE DFA INVESTMENT TRUST COMPANY, dont le siège est situé 6300 Bee Cave Road Building One à Austin, Etats-Unis, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2008 assortie d'intérêts moratoires, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les mêmes questions que dans le jugement visé au 7°) ;

Vu 9°), sous le n° 344686, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1008861 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SICAV GA FUND B, dont le siège est situé 3 Montagne du Parc à Bruxelles (Belgique), tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2007, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les mêmes questions que dans le jugement visé au 5°) ;

Vu 10°), sous le n° 344687, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement n° 1009683 du 1er décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE GENERALI INVESTMENTS DEUTSCHLAND KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, anciennement dénommée AMB Generali Asset Managers Kapitalanlagegesellschaft mbH, dont le siège est situé Unter Sachsenhausen 27 à Cologne (Allemagne), au nom du fonds d'investissement AMB Generali Aktien Euroland, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2003 à 2008 assortie d'intérêts moratoires, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les mêmes questions que dans le jugement visé au 5°) ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique du 31 août 1994 en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention entre la République française et le Royaume d'Espagne du 10 octobre 1995 en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 juin 2007 Amurta SGPS (C-379-05), du 22 décembre 2008 Truck Center SA (C-282/07), du 18 juin 2009 Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy (C-303/07), du 19 novembre 2009 Commission c. République italienne (C-540/07) et du 1er juillet 2010 Gerard Dijkman (C-233/09) ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

REND L'AVIS SUIVANT :

Par dix jugements du 1er décembre 2010, le tribunal administratif de Montreuil a soumis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les questions de droit visées ci-dessus, pour partie identiques, portant, en premier lieu, sur la conformité au principe de liberté de circulation des capitaux, d'une part, entre Etats membres et, d'autre part, avec les Etats tiers, de l'imposition résultant de la retenue à la source applicable, en vertu du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, aux revenus distribués par des sociétés françaises aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non résidents de France, en deuxième lieu sur la portée, au regard des articles L. 190 et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans ce domaine, et en troisième et dernier lieu, sur les justificatifs à produire à l'appui d'une réclamation tendant à la restitution de cette retenue à la source.

Il y a lieu d'y répondre par un avis unique.

I - Sur la conformité du dispositif de retenue à la source au principe de liberté de circulation des capitaux :

En vertu des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et de l'article 187 du même code, les revenus distribués par des sociétés françaises aux OPCVM non résidents de France sont imposés au taux de 25 %, par application d'une retenue à la source alors que de tels revenus ne sont pas imposés lorsqu'ils sont versés à des OPCVM résidents de France.

D'une part, le 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, stipule que : "1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites".

D'autre part, aux termes de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : "1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis / (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56.".

1/ En ce qui concerne les Etats membres de l'Union européenne :

Les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, en tant qu'elles introduisent une différence de traitement fiscal au détriment des OPCVM, non résidents de France, qui sont soumis à la retenue à la source, par rapport aux OPCVM, résidents de France, qui ne sont pas soumis à cette retenue, constituent une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, qui ne peut être admise, au regard de l'article 58, que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si la restriction est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.

A cet égard la question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM, est essentielle.

En effet, si l'on ne prenait pas en compte les porteurs de parts mais seulement les OPCVM, ces derniers, qu'ils soient résidents de France ou résidents d'un autre Etat membre, ne pourraient qu'être regardés comme étant dans une situation objectivement comparable. Ainsi, sous réserve, le cas échéant, de la possibilité ouverte par des conventions bilatérales relatives aux doubles impositions, d'imputer effectivement, complètement et sans désavantage de trésorerie, la retenue à la source sur les impôts déjà dus ou de bénéficier d'un crédit d'impôt équivalent, cette imposition serait susceptible de dissuader les OPCVM établis dans d'autres Etats membres de procéder à des investissements en France.

Dans cette hypothèse, la différence de traitement ne pourrait, en outre, être regardée comme justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. D'une part, les motifs tirés de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre la France et les autres Etats membres et de la volonté de prévenir des comportements de nature à compromettre le droit de la France d'exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire, ne sauraient être invoqués par l'administration pour justifier l'imposition des OPCVM établis dans un autre Etat membre dès lors que la France a choisi de ne pas imposer les OPCVM français. D'autre part, le motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux ne pourrait, eu égard aux possibilités ouvertes par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, qu'être écarté.

A l'inverse, si, compte tenu, d'une part, de l'objet exclusif des OPCVM, qui est d'assurer, comme simples intermédiaires, non nécessairement dotés de la personnalité morale, des placements pour le compte d'investisseurs, et d'autre part de l'imposition effective des dividendes pesant, soit directement, du fait du régime fiscal des OPCVM établis en France, soit indirectement, du fait de la retenue à la source appliquée aux OPVCM non résidents, sur les porteurs de parts, qu'ils soient résidents ou non résidents, il y avait lieu de tenir compte non seulement de la situation des OPCVM mais également de celle de leurs porteurs de parts, la conformité de la retenue à la source au principe de libre circulation des capitaux pourrait être admise dans tous les cas où, soit les situations ne pourraient, compte tenu de l'ensemble du régime fiscal applicable, être regardées comme objectivement comparables, soit une raison impérieuse d'intérêt général tirée de l'efficacité des contrôles fiscaux justifierait la différence de traitement.

Cette double question de savoir si, pour les raisons évoquées ci-dessus, la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM et, dans une telle hypothèse, de déterminer quelles sont les conditions dans lesquelles la retenue à la source litigieuse pourrait être regardée comme conforme au principe de libre circulation des capitaux présente une difficulté de nature à justifier qu'elle soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne.

2/ En ce qui concerne les Etats tiers :

En vertu du 1 de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs.

Aux termes de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les investissements directs visés par les stipulations précitées sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise, c'est-à-dire qui permettent à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société.

Ainsi, ce n'est que dans les cas exceptionnels où les investissements des OPCVM peuvent être qualifiés de directs au sens des stipulations précitées, que la circonstance que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sont antérieures au 31 décembre 1993 est de nature à justifier l'éventuelle atteinte qu'elles portent à la liberté de circulation des capitaux.

Dans les autres cas, il ne saurait être exclu, dès lors que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de l'Union européenne, que l'administration puisse démontrer que la retenue à la source litigieuse est justifiée par un motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux. Toutefois un tel motif ne saurait, en principe, être opposé aux contribuables d'un Etat tiers qui, comme les Etats-Unis pour ce qui est des dossiers transmis par le tribunal administratif de Montreuil, est lié à la France par une convention fiscale prévoyant une assistance administrative mutuelle visant à prévenir l'évasion et la fraude fiscales.

II - Sur la portée, au regard des articles L. 190 et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne :

D'une part, en vertu de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, l'action en restitution des sommes versées, fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application aux traités européens ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où les décisions du Conseil d'Etat, les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ainsi que les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle révélant la non-conformité, sont intervenus. D'autre part, en vertu du c) de l'article R. 196-1 du même livre, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent, pour être recevables, être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l'événement qui motive la réclamation.

Seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. En principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. En l'espèce, aucune décision de la Cour de justice de l'Union européenne n'a, à ce jour, révélé, au sens des dispositions précitées, la non-conformité au principe de libre circulation des capitaux des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.

III - Sur les justificatifs à produire à l'appui d'une réclamation tendant à la restitution de la retenue à la source :

Ni le d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition ne précisent la nature des pièces justifiant le montant de la retenue à la source qui doivent, à peine d'irrecevabilité de la réclamation, accompagner cette dernière. Le contribuable peut donc produire toutes pièces établissant le versement de la retenue litigieuse pour peu qu'elles en précisent la date et l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code. Lorsque l'omission de pièces a motivé le rejet de la réclamation, ce vice de forme peut être régularisé devant le tribunal administratif jusqu'à la clôture de l'instruction, sur le fondement de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montreuil, à la SOCIETE SANTANDER ASSET MANAGEMENT SGIIC SA, à la SOCIETE INTERNATIONALE KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, à la SOCIETE ALLIANZ GLOBAL INVESTORS KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, à la SICAV KBC SELECT IMMO, à la SOCIETE SGSS DEUTSCHLAND KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH, au FONDS INTERNATIONAL VALUES SERIES OF THE DFA INVESTMENT TRUST COMPANY, au FONDS CONTINENTAL SMALL COMPANY SERIES OF THE DFA INVESTMENT TRUST COMPANY, à la SICAV GA FUND B, à la SOCIETE GENERALI INVESTMENTS DEUTSCHLAND KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT MBH et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344678
Date de la décision : 23/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE - RETENUE À LA SOURCE APPLICABLE AUX REVENUS DISTRIBUÉS PAR DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES À DES OPCVM NON RÉSIDENTS DE FRANCE (ART - 119 BIS DU CGI) - CONFORMITÉ AU PRINCIPE DE LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX - 1) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UE [RJ1] - A) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM - CONSÉQUENCES - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT NE POUVANT ÊTRE JUSTIFIÉE PAR UNE RAISON IMPÉRIEUSE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - B) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM ET PORTEURS DE PARTS - CONSÉQUENCES - QUESTION PRÉJUDICIELLE - 2) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UE ET ETATS TIERS - CONSÉQUENCES [RJ2] - NON-RENVOI.

15-03-02-01 1) Les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), en tant qu'elles introduisent une différence de traitement fiscal au détriment des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), non résidents de France, qui sont soumis à la retenue à la source, par rapport aux OPCVM, résidents de France, qui ne sont pas soumis à cette retenue, constituent une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), qui ne peut être admise, au regard de l'article 58, que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si la restriction est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. A cet égard la question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM, est essentielle.... ...a) Si l'on ne prenait pas en compte les porteurs de parts mais seulement les OPCVM, ces derniers, qu'ils soient résidents de France ou résidents d'un autre Etat membre, ne pourraient qu'être regardés comme étant dans une situation objectivement comparable. Ainsi, sous réserve, le cas échéant, de la possibilité ouverte par des conventions bilatérales relatives aux doubles impositions, d'imputer effectivement, complètement et sans désavantage de trésorerie, la retenue à la source sur les impôts déjà dus ou de bénéficier d'un crédit d'impôt équivalent, cette imposition serait susceptible de dissuader les OPCVM établis dans d'autres Etats membres de procéder à des investissements en France. Dans cette hypothèse, la différence de traitement ne pourrait, en outre, être regardée comme justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. D'une part, les motifs tirés de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre la France et les autres Etats membres et de la volonté de prévenir des comportements de nature à compromettre le droit de la France d'exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire, ne sauraient être invoqués par l'administration pour justifier l'imposition des OPCVM établis dans un autre Etat membre, dès lors que la France a choisi de ne pas imposer les OPCVM français. D'autre part, le motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux ne pourrait, eu égard aux possibilités ouvertes par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, qu'être écarté.,,b) A l'inverse, si, compte tenu, d'une part, de l'objet exclusif des OPCVM, qui est d'assurer, comme simples intermédiaires, non nécessairement dotés de la personnalité morale, des placements pour le compte d'investisseurs, et d'autre part, de l'imposition effective des dividendes pesant, soit directement, du fait du régime fiscal des OPCVM établis en France, soit indirectement, du fait de la retenue à la source appliquée aux OPVCM non résidents, sur les porteurs de parts, qu'ils soient résidents ou non résidents, il y avait lieu de tenir compte non seulement de la situation des OPCVM mais également de celle de leurs porteurs de parts, la conformité de la retenue à la source au principe de libre circulation des capitaux pourrait être admise dans tous les cas où, soit les situations ne pourraient, compte tenu de l'ensemble du régime fiscal applicable, être regardées comme objectivement comparables, soit une raison impérieuse d'intérêt général tirée de l'efficacité des contrôles fiscaux justifierait la différence de traitement. Cette double question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM et, dans une telle hypothèse, de déterminer quelles sont les conditions dans lesquelles la retenue à la source litigieuse pourrait être regardée comme conforme au principe de libre circulation des capitaux présente une difficulté de nature à justifier qu'elle soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).,,2) En vertu du 1 de l'article 57 du TCE, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs. Aux termes de la jurisprudence de la CJUE, les investissements directs visés par les stipulations précitées sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise, c'est-à-dire qui permettent à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société. Ainsi, ce n'est que dans les cas exceptionnels où les investissements des OPCVM peuvent être qualifiés de directs au sens des stipulations précitées, que la circonstance que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du CGI sont antérieures au 31 décembre 1993 est de nature à justifier l'éventuelle atteinte qu'elles portent à la liberté de circulation des capitaux. Dans les autres cas, il ne saurait être exclu, dès lors que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de l'Union européenne, que l'administration puisse démontrer que la retenue à la source litigieuse est justifiée par un motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux. Toutefois un tel motif ne saurait, en principe, être opposé aux contribuables d'un Etat tiers qui est lié à la France par une convention fiscale prévoyant une assistance administrative mutuelle visant à prévenir l'évasion et la fraude fiscales.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT DE L'UNION - PORTÉE - AU REGARD DES ARTICLES L - 190 ET R - 196-1 DU LPF - DES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CJUE.

15-03-03-01 Seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF), et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. En principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la CJUE concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX - RETENUE À LA SOURCE APPLICABLE AUX REVENUS DISTRIBUÉS PAR DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES À DES OPCVM NON RÉSIDENTS DE FRANCE (ART - 119 BIS DU CGI) - 1) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE [RJ1] - A) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM - CONSÉQUENCES - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT NE POUVANT ÊTRE JUSTIFIÉE PAR UNE RAISON IMPÉRIEUSE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - B) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM ET PORTEURS DE PARTS - CONSÉQUENCES - QUESTION PRÉJUDICIELLE - 2) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE ET ETATS TIERS - CONSÉQUENCES [RJ2] - NON-RENVOI.

15-05-01-03 1) Les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), en tant qu'elles introduisent une différence de traitement fiscal au détriment des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), non résidents de France, qui sont soumis à la retenue à la source, par rapport aux OPCVM, résidents de France, qui ne sont pas soumis à cette retenue, constituent une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), qui ne peut être admise, au regard de l'article 58, que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si la restriction est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. A cet égard la question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM, est essentielle.... ...a) Si l'on ne prenait pas en compte les porteurs de parts mais seulement les OPCVM, ces derniers, qu'ils soient résidents de France ou résidents d'un autre Etat membre, ne pourraient qu'être regardés comme étant dans une situation objectivement comparable. Ainsi, sous réserve, le cas échéant, de la possibilité ouverte par des conventions bilatérales relatives aux doubles impositions, d'imputer effectivement, complètement et sans désavantage de trésorerie, la retenue à la source sur les impôts déjà dus ou de bénéficier d'un crédit d'impôt équivalent, cette imposition serait susceptible de dissuader les OPCVM établis dans d'autres Etats membres de procéder à des investissements en France. Dans cette hypothèse, la différence de traitement ne pourrait, en outre, être regardée comme justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. D'une part, les motifs tirés de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre la France et les autres Etats membres et de la volonté de prévenir des comportements de nature à compromettre le droit de la France d'exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire, ne sauraient être invoqués par l'administration pour justifier l'imposition des OPCVM établis dans un autre Etat membre, dès lors que la France a choisi de ne pas imposer les OPCVM français. D'autre part, le motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux ne pourrait, eu égard aux possibilités ouvertes par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, qu'être écarté.,,b) A l'inverse, si, compte tenu, d'une part, de l'objet exclusif des OPCVM, qui est d'assurer, comme simples intermédiaires, non nécessairement dotés de la personnalité morale, des placements pour le compte d'investisseurs, et d'autre part, de l'imposition effective des dividendes pesant, soit directement, du fait du régime fiscal des OPCVM établis en France, soit indirectement, du fait de la retenue à la source appliquée aux OPVCM non résidents, sur les porteurs de parts, qu'ils soient résidents ou non résidents, il y avait lieu de tenir compte non seulement de la situation des OPCVM mais également de celle de leurs porteurs de parts, la conformité de la retenue à la source au principe de libre circulation des capitaux pourrait être admise dans tous les cas où, soit les situations ne pourraient, compte tenu de l'ensemble du régime fiscal applicable, être regardées comme objectivement comparables, soit une raison impérieuse d'intérêt général tirée de l'efficacité des contrôles fiscaux justifierait la différence de traitement. Cette double question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM et, dans une telle hypothèse, de déterminer quelles sont les conditions dans lesquelles la retenue à la source litigieuse pourrait être regardée comme conforme au principe de libre circulation des capitaux présente une difficulté de nature à justifier qu'elle soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).,,2) En vertu du 1 de l'article 57 du TCE, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs. Aux termes de la jurisprudence de la CJUE, les investissements directs visés par les stipulations précitées sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise, c'est-à-dire qui permettent à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société. Ainsi, ce n'est que dans les cas exceptionnels où les investissements des OPCVM peuvent être qualifiés de directs au sens des stipulations précitées, que la circonstance que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du CGI sont antérieures au 31 décembre 1993 est de nature à justifier l'éventuelle atteinte qu'elles portent à la liberté de circulation des capitaux. Dans les autres cas, il ne saurait être exclu, dès lors que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de l'Union européenne, que l'administration puisse démontrer que la retenue à la source litigieuse est justifiée par un motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux. Toutefois un tel motif ne saurait, en principe, être opposé aux contribuables d'un Etat tiers qui est lié à la France par une convention fiscale prévoyant une assistance administrative mutuelle visant à prévenir l'évasion et la fraude fiscales.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - COTISATIONS D`IR MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS - RETENUES À LA SOURCE - RETENUE À LA SOURCE APPLICABLE AUX REVENUS DISTRIBUÉS PAR DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES À DES OPCVM NON RÉSIDENTS DE FRANCE (ART - 119 BIS DU CGI) - 1) CONFORMITÉ AU PRINCIPE DE LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX - A) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE [RJ1] - I) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM - CONSÉQUENCES - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT NE POUVANT ÊTRE JUSTIFIÉE PAR UNE RAISON IMPÉRIEUSE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - II) COMPARABILITÉ ENTRE OPCVM ET PORTEURS DE PARTS - CONSÉQUENCES - QUESTION PRÉJUDICIELLE - B) ENTRE ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE ET ETATS TIERS - CONSÉQUENCES [RJ2] - NON-RENVOI - 2) RÉCLAMATIONS - A) PORTÉE - AU REGARD DES ARTICLES L - 190 ET R - 196-1 DU LPF - DES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CJUE - B) JUSTIFICATIFS À PRODUIRE À L'APPUI D'UNE RÉCLAMATION TENDANT À LA RESTITUTION DE CETTE RETENUE À LA SOURCE.

19-04-01-02-06-01 1) a) Les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), en tant qu'elles introduisent une différence de traitement fiscal au détriment des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), non résidents de France, qui sont soumis à la retenue à la source, par rapport aux OPCVM, résidents de France, qui ne sont pas soumis à cette retenue, constituent une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, qui ne peut être admise, au regard de l'article 58, que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si la restriction est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. A cet égard la question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM, est essentielle.... ...i) Si l'on ne prenait pas en compte les porteurs de parts mais seulement les OPCVM, ces derniers, qu'ils soient résidents de France ou résidents d'un autre Etat membre, ne pourraient qu'être regardés comme étant dans une situation objectivement comparable. Ainsi, sous réserve, le cas échéant, de la possibilité ouverte par des conventions bilatérales relatives aux doubles impositions, d'imputer effectivement, complètement et sans désavantage de trésorerie, la retenue à la source sur les impôts déjà dus ou de bénéficier d'un crédit d'impôt équivalent, cette imposition serait susceptible de dissuader les OPCVM établis dans d'autres Etats membres de procéder à des investissements en France. Dans cette hypothèse, la différence de traitement ne pourrait, en outre, être regardée comme justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. D'une part, les motifs tirés de la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre la France et les autres Etats membres et de la volonté de prévenir des comportements de nature à compromettre le droit de la France d'exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire, ne sauraient être invoqués par l'administration pour justifier l'imposition des OPCVM établis dans un autre Etat membre, dès lors que la France a choisi de ne pas imposer les OPCVM français. D'autre part, le motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux ne pourrait, eu égard aux possibilités ouvertes par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, qu'être écarté.,,ii) A l'inverse, si, compte tenu, d'une part, de l'objet exclusif des OPCVM, qui est d'assurer, comme simples intermédiaires, non nécessairement dotés de la personnalité morale, des placements pour le compte d'investisseurs, et d'autre part, de l'imposition effective des dividendes pesant, soit directement, du fait du régime fiscal des OPCVM établis en France, soit indirectement, du fait de la retenue à la source appliquée aux OPVCM non résidents, sur les porteurs de parts, qu'ils soient résidents ou non résidents, il y avait lieu de tenir compte non seulement de la situation des OPCVM mais également de celle de leurs porteurs de parts, la conformité de la retenue à la source au principe de libre circulation des capitaux pourrait être admise dans tous les cas où, soit les situations ne pourraient, compte tenu de l'ensemble du régime fiscal applicable, être regardées comme objectivement comparables, soit une raison impérieuse d'intérêt général tirée de l'efficacité des contrôles fiscaux justifierait la différence de traitement. Cette double question de savoir si la situation des porteurs de parts doit être prise en compte, à côté de celle des OPCVM et, dans une telle hypothèse, de déterminer quelles sont les conditions dans lesquelles la retenue à la source litigieuse pourrait être regardée comme conforme au principe de libre circulation des capitaux présente une difficulté de nature à justifier qu'elle soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).,,b) En vertu du 1 de l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs. Aux termes de la jurisprudence de la CJUE, les investissements directs visés par les stipulations précitées sont ceux qui créent ou maintiennent des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise, c'est-à-dire qui permettent à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion ou au contrôle de cette société. Ainsi, ce n'est que dans les cas exceptionnels où les investissements des OPCVM peuvent être qualifiés de directs au sens des stipulations précitées, que la circonstance que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du CGI sont antérieures au 31 décembre 1993 est de nature à justifier l'éventuelle atteinte qu'elles portent à la liberté de circulation des capitaux. Dans les autres cas, il ne saurait être exclu, dès lors que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de l'Union européenne, que l'administration puisse démontrer que la retenue à la source litigieuse est justifiée par un motif tiré de l'efficacité des contrôles fiscaux. Toutefois un tel motif ne saurait, en principe, être opposé aux contribuables d'un Etat tiers qui est lié à la France par une convention fiscale prévoyant une assistance administrative mutuelle visant à prévenir l'évasion et la fraude fiscales.,,2) a) Seules les décisions de la CJUE retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF), et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. En principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la CJUE concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français.... ...b) Ni le d) de l'article R. 197-3 du LPF ni aucune autre disposition ne précisent la nature des pièces justifiant le montant de la retenue à la source qui doivent, à peine d'irrecevabilité de la réclamation, accompagner cette dernière. Le contribuable peut donc produire toutes pièces établissant le versement de la retenue litigieuse pour peu qu'elles en précisent la date et l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au CGI et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code. Lorsque l'omission de pièces a motivé le rejet de la réclamation, ce vice de forme peut être régularisé devant le tribunal administratif jusqu'à la clôture de l'instruction, sur le fondement de l'article R. 200-2 du LPF.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE, 14 décembre 2006, Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France, aff. 170/05 ;

CJCE, 8 novembre 2007, Amurta SGPS, aff. 379/05 ;

CJCE, 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy, aff. 303/07., ,

[RJ2]

Cf. CJCE, grande chambre, 18 décembre 2007, Skatteverket, aff. 101/05.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mai. 2011, n° 344678
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Aladjidi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:344678.20110523
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