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29/09/2021 | FRANCE | N°437875

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29 septembre 2021, 437875


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 1 241 746,93 euros ou, subsidiairement, un capital de 57 330 euros et une rente annuelle de 19 110 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des vaccinations imposées dans le cadre de ses activités professionnelles. Par un jugement n° 1601158 du 22 juin 2017, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM

à lui verser un capital de 367 418,29 euros et une rente annuel...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 1 241 746,93 euros ou, subsidiairement, un capital de 57 330 euros et une rente annuelle de 19 110 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des vaccinations imposées dans le cadre de ses activités professionnelles. Par un jugement n° 1601158 du 22 juin 2017, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser un capital de 367 418,29 euros et une rente annuelle de 9 911 euros.

Par un arrêt n° 17NT02615 du 26 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'ONIAM, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier, 8 avril et 3 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme B... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., infirmière au centre hospitalier universitaire de Caen, a été vaccinée à plusieurs reprises entre 1992 et 2002, à titre obligatoire en raison de ses activités professionnelles, d'une part contre l'hépatite B et, d'autre part, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Ayant ressenti, à partir de novembre 2007, divers troubles de paresthésie et de fourmillements dorso-lombaires, elle les a attribués à des symptômes d'une myofasciite à macrophages, par ailleurs diagnostiquée en avril 2009, en lien avec ces vaccinations. Elle a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui l'a rejetée le 14 avril 2016. Par un jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit à sa demande d'indemnisation. L'intéressée se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Etat. Cette réparation est versée pour le compte de l'Etat par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22 (...) ".

3. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter la demande d'indemnisation de Mme B..., la cour administrative d'appel a estimé, en se fondant sur les travaux de l'Académie nationale de médecine, du Haut conseil de santé publique, de l'Académie nationale de pharmacie et de l'Organisation mondiale de la santé consacrés aux liens susceptibles d'exister entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques et le développement de différents symptômes constitués de lésions histologiques de myofasciite à macrophages, de fatigue chronique, de douleurs articulaires et musculaires et de troubles cognitifs, qu'aucun lien de causalité n'avait, à la date de son arrêt, été scientifiquement établi.

4. Toutefois, en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, la cour a commis une erreur de droit. En effet, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration d'adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe.

5. Il appartenait ensuite à la cour, après avoir procédé à la recherche mentionnée au point précédent, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter l'appel de Mme B..., soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressée et les symptômes qu'elle avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.

6. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au seul point 4 que Mme B... est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3000 euros à verser à Mme B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'ONIAM au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme B... une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'ONIAM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 437875
Date de la décision : 29/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 2021, n° 437875
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437875.20210929
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