Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une somme de 952 527 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une vaccination contre le virus H1N1. Par un jugement n° 1301166 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 61 900 euros.
Par un arrêt n° 15MA00106 du 19 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a porté le montant de l'indemnisation due par l'ONIAM à la somme de 76 900 euros.
Par une décision n° 408199 du 30 mars 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant seulement qu'il statue sur les conclusions de M. A... tendant à la réparation par l'ONIAM des pertes de revenus professionnels futurs et de l'incidence professionnelle et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel.
Par un arrêt n° 18MA01514 du 11 avril 2019, la cour administrative d'appel, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 142 771 euros et rejeté le surplus de l'appel de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 11 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de son appel ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. A... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui a été atteint d'une paralysie faciale à la suite d'une vaccination contre le virus H1N1 réalisée en janvier 2010, s'est vu reconnaître l'imputabilité de ses troubles à cette vaccination et a obtenu, par un arrêt du 19 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille, le versement par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une indemnité globale de 76 900 euros pour les divers préjudices subis à ce titre. Par une décision du 30 mars 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il avait statué sur le préjudice de perte de revenus professionnels futurs et sur le préjudice d'incidence professionnelle. Par un nouvel arrêt du 11 avril 2019 contre lequel M. A... se pourvoit en cassation en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à sa demande indemnitaire, la cour administrative d'appel a, pour ces deux chefs de préjudice, mis à la charge de l'ONIAM la somme totale de 142 771 euros.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la perte de revenus professionnels futurs :
2. D'une part, l'article L.3131-4 du code de la santé publique, applicable à la vaccination subie par M. A..., dispose que : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L.3131-1 ou L.3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L.1142-22. / L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite (...) des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice ".
3. D'autre part, l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le revenu de solidarité active a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'insertion sociale et professionnelle ". L'article L. 262-2 du même code dispose que : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour évaluer les pertes de revenus subies par la victime d'un accident médical mentionné à l'article L.3131-4 du code de la santé publique, lorsque celle-ci a été contrainte de cesser son activité professionnelle à la suite de cet accident, il y a lieu de déduire des gains professionnels qu'elle pouvait escompter percevoir en l'absence de son incapacité, le montant du revenu de solidarité active qui lui est, le cas échéant, versé du fait de cette perte de revenus.
5. Par suite, en évaluant, ainsi qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué, le préjudice de perte de revenus professionnels de M. A... comme la différence entre les gains professionnels qui auraient été les siens en l'absence des conséquences dommageables de sa vaccination et le montant du revenu de solidarité active qui lui est versé depuis son accident, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le préjudice d'incidence professionnelle :
6. En second lieu, il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions de M. A... tendant à la réparation de l'incidence professionnelle de son handicap, la cour s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé, qui ne pouvait plus exercer son métier de plombier, ne justifiait pas, avant son accident, de chances sérieuses d'évolution professionnelle, n'avait pas exposé de dépenses de formation à la suite de son accident et, enfin, n'était plus susceptible d'opérer une reconversion professionnelle. En statuant ainsi, alors que l'incidence professionnelle d'un dommage corporel peut comporter les conséquences de toute nature qui, au-delà des pertes de revenus professionnel, y compris futurs, résultent directement de l'impossibilité de poursuivre un projet professionnel et alors que M. A... faisait valoir, au titre de ce préjudice, devant les juges du fond les souffrances qu'il endurait à ne plus pouvoir exercer une activité d'artisan plombier qui lui donnait de l'estime de lui-même et de nombreuses relations sociales, la cour, qui n'a, par ailleurs, pas indemnisé ce préjudice à un autre titre, a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il statue sur le préjudice d'incidence professionnelle.
8. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
9. Il résulte de l'instruction que, du fait des conséquences invalidantes de la vaccination subie en 2010, M. A... a été contraint d'abandonner la profession de plombier qu'il exerçait depuis 1980 et, n'étant plus susceptible d'opérer une reconversion professionnelle, a été privé des bénéfices relationnels et sociaux que lui procurait ce métier d'artisan. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'incidence professionnelle, distinct de la perte de gains professionnels futurs, en mettant à la charge de l'ONIAM une somme de 15 000 euros à lui verser à ce titre. Cette somme correspondant à celle déjà retenue par le tribunal administratif de Toulon, M. A... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 avril 2019 est annulé en tant qu'il statue sur le préjudice d'incidence professionnelle.
Article 2 : Les conclusions de l'appel de M. A... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 décembre 2014 en tant qu'il statue sur le préjudice d'incidence professionnelle sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.