Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 952 527 euros en réparation des conséquences dommageables de la vaccination contre le virus H1N1 dont il a fait l'objet le 5 janvier 2010.
Par un jugement n° 1301166 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 61 900 euros en réparation du préjudice qu'il a subi.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 12 janvier 2015, 10 février 2016, 26 septembre 2016 et 31 octobre 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1301166 du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 61 900 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation du préjudice qu'il a subi ;
2°) de porter à la somme de 952 527 euros le montant de l'indemnité due à titre de réparation ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise pour déterminer son préjudice économique et financier et sa faculté de reclassement ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la paralysie faciale dont il est atteint est imputable à la vaccination contre le virus de la grippe A H1N1 qu'il a reçue le 5 janvier 2010.
Par trois mémoires, enregistrés les 19 mai 2015, 5 février 2016 et 7 octobre 2016, l'ONIAM, représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M.B... ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à M. B...les sommes de 25 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent qu'il a subi ;
- de ramener à la somme de 18 900 euros le montant de l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel permanent et à la somme de 7 201 euros celui dû au titre du préjudice esthétique permanent.
Il soutient que :
- les pertes de gains professionnels actuels et futurs ne sont pas démontrées ;
- le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 15 % compte tenu du barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux annexé au décret n° 2003-314 du 4 avril 2003.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2003-314 du 4 avril 2003 ;
- l'arrêté du 4 novembre 2009 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 ;
- l'arrêté du 13 janvier 2010 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laso ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me A...représentant M.B....
1. Considérant que M. B...a reçu une injection du vaccin " Pandemrix " contre la grippe A (H1N1) le 5 janvier 2010 ; que, le 12 janvier 2010, il a présenté une paralysie faciale droite avec impossibilité de fermer l'oeil droit ; qu'après la réalisation, notamment, d'un électromyogramme en décembre 2010, le diagnostic d'une atteinte axono-myélinique sévère du nerf facial droit a été posé ; qu'imputant la survenance de cette paralysie faciale à la vaccination, M. B...a sollicité l'indemnisation de ses préjudices auprès de l'ONIAM ; qu'il a refusé l'offre d'indemnisation adressée par l'ONIAM et a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande indemnitaire ; que, par un jugement du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'ONIAM à verser à M. B...la somme de 61 900 euros ; que M. B...relève appel de ce jugement ;
Sur l'obligation de l'ONIAM :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. (...) " ;
3. Considérant que, par arrêté en date du 4 novembre 2009 pris sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, le ministre de la santé et des sports a organisé, au titre des mesures d'urgence, une campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM d'assurer la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une telle mesure sanitaire d'urgence à condition qu'un lien de causalité soit établi par le demandeur entre ces préjudices et la vaccination intervenue dans le cadre de cette campagne eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté d'une pathologie ultérieurement diagnostiquée, et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents relatifs à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon établi le 6 juin 2012, que la paralysie faciale droite est apparue dès le 12 janvier 2010, soit une semaine après l'administration du vaccin, alors que M. B...ne présentait aucun antécédent médical ayant pu favoriser cette affection ; que la paralysie faciale est une complication de la vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) qui, bien que rare, est décrite dans la littérature médicale ; que 31 cas de paralysie faciale ont été signalés sur 28,9 millions de patients vaccinés par " Pandemrix " selon un courrier du 6 janvier 2011 du centre régional de pharmacovigilance de Nice et qu'une étude américaine publiée en 2011 rapporte 212 cas de complications neurologiques après la vaccination H1N1 de 2009 dont 5,7 % concernent une paralysie du nerf crânien ; qu'enfin, il ressort de ce rapport que l'imputabilité de la paralysie faciale de M. B...à sa vaccination est regardée comme probable ; que, dans ces conditions, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé la vaccination de l'apparition de la paralysie faciale, et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressé et à l'absence, chez lui, de tous antécédents relatifs à cette affection, le lien de causalité entre la vaccination et les complications subies doit être regardé comme établi, ce que, au demeurant, l'ONIAM ne conteste pas ; que, par suite, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la réparation de l'intégralité des préjudices subis par M. B...de ce fait ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des pertes de revenus :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents fiscaux produits par M.B..., artisan-plombier et associé-gérant d'une société qu'il a créée en avril 1998, que l'intéressé, dont le revenu annuel moyen provenant de son activité professionnelle s'est élevé à 13 377 euros au titre des trois années précédant celle au cours de laquelle les complications sont survenues, a déclaré avoir perçu des revenus de 17 935 euros en 2010 et de 17 082 euros en 2011 ; que, dès lors, M. B...auquel le régime social des indépendants a, au demeurant, versé des indemnités journalières pendant cette période, n'établit pas avoir subi une perte de revenus du 13 janvier 2010 au 28 février 2011, date de la consolidation de son état de santé ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que si la paralysie faciale dont M. B...est atteint rend impossible la poursuite de son activité d'artisan-plombier, une activité de gestion n'excédant pas un quart de temps est possible ; que l'intéressé qui ne justifie ni d'une inaptitude à l'exercice de toute activité professionnelle ni même de démarches qu'il aurait effectuées aux fins de requalification et de recherche d'emploi n'est, par suite, pas fondé à demander l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs ;
S'agissant de l'incidence professionnelle :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, du fait de la paralysie faciale qui rend impossible la poursuite de la profession qu'il exerçait depuis 1980 et du caractère très limité des activités susceptibles d'être effectuées, M. B...subira d'importantes difficultés pour retrouver un emploi sans subir de déclassement professionnel ; qu'eu égard à son âge et aux séquelles dont il reste atteint, il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en allouant à l'intéressé une somme de 20 000 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise pour déterminer les préjudices patrimoniaux, laquelle serait dépourvue d'utilité, que l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à verser à ce titre à l'intéressé doit être portée à la somme de 20 000 euros ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
9. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du déficit fonctionnel temporaire total de 19 jours correspondant aux périodes d'hospitalisation de M. B...et du déficit fonctionnel temporaire partiel, à hauteur de 25 % selon l'expert, pour la période du 13 janvier 2010 au 28 février 2011, en fixant les indemnisations dues, respectivement, à 300 et 1 600 euros ;
S'agissant des souffrances physiques :
10. Considérant que les souffrances endurées par l'intéressé, évaluées à 4,5 sur une échelle de 1 à 7, ont été suffisamment indemnisées par la somme de 10 000 euros que le tribunal lui a accordé à ce titre ;
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
11. Considérant que le déficit fonctionnel permanent a été évalué par l'expert à 25% ; que l'ONIAM a contesté ce taux, qu'il estime à 15 %, en se référant au barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux annexé au décret n° 2003-314 du 4 avril 2003 qui fixe, pour une paralysie faciale unilatérale, un taux de déficit fonctionnel permanent compris entre 5 et 15 % ; que, toutefois, il résulte du rapport d'expertise que le taux de 25 % correspond non seulement à la paralysie faciale mais également aux troubles oculaires et aux troubles de l'élocution subis par l'intéressé ; que, même si ces derniers sont qualifiés de légers, ils sont caractérisés notamment par le port d'un pansement occlusif sur l'oeil droit en permanence pour éviter une fatigue oculaire et des céphalées ; que, dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que le taux de déficit fonctionnel permanent doit être porté à 25 % ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en allouant à l'intéressé, âgé de 54 ans à la date de consolidation de son état de santé, une somme de 35 000 euros à ce titre ;
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
12. Considérant que les premiers juges n'ont ni insuffisamment ni excessivement apprécié le préjudice esthétique permanent subi par M.B..., évalué à 4 sur 7, en fixant l'indemnisation due à ce titre à la somme de 10 000 euros ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser, soit portée à 76 900 euros, sous déduction de la provision de 34 752 euros accordée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon ; que, d'une part, le jugement attaqué doit être réformé en ce sens et, d'autre part, les conclusions incidentes de l'ONIAM doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 61 900 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 décembre 2014 est portée à 76 900 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1301166 du tribunal administratif de Toulon du 11 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...et les conclusions de l'ONIAM présentées par la voie de l'appel incident sont rejetés.
Article 4 : L'ONIAM versera à M. B...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au Régime social des indépendants.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- M. Lafay , premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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15MA00106