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16/04/2021 | FRANCE | N°425524

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 16 avril 2021, 425524


Vu la procédure suivante :

La Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans la convention collective nationale relative à l'édition phonographique. Par un arrêt n° 17PA03112 du 20 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 novembre 2018 et le 2

0 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération...

Vu la procédure suivante :

La Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans la convention collective nationale relative à l'édition phonographique. Par un arrêt n° 17PA03112 du 20 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 novembre 2018 et le 20 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Communication Conseil Culture CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération Communication Conseil Culture (f3c) CFDT et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application de l'article L. 2122-11 du code du travail, la ministre du travail a pris, le 21 juillet 2017, un arrêté " fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l'édition phonographique (n°2770) ". L'article 1er de l'arrêté dresse la liste des organisations représentatives : la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), la Confédération générale du travail (CGT). Son article 2 définit, dans cette branche, pour la négociation des accords collectifs en application de l'article L.2232-6 du code du travail, le poids de chacune des organisations syndicales représentatives, soit 37,67 % (CFE-CGC), 29,31 % (CFDT), 16,67 % (CGT-FO), 16,36 % (CGT). Par un arrêt du 20 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle (...) en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-12 du même code : " Un décret détermine les modalités de recueil et de consolidation des résultats aux élections professionnelles pour l'application du présent chapitre ". Aux termes de l'article D. 2122-6 du même code : " Le système de centralisation des résultats des élections professionnelles mentionnées aux articles L. 2122-5 à L. 2122-10 afin de mesurer l'audience des organisations syndicales doit : / a) Garantir la confidentialité et l'intégrité des données recueillies et traitées ; / b) Permettre de s'assurer, par des contrôles réguliers, de la fiabilité et de l'exhaustivité des données recueillies et consolidées (...) ".

3. Pour l'application des dispositions rappelées au point 2, l'audience des organisations syndicales par branche professionnelle est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 du code du travail. A cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail. Si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience.

4. Par suite, en jugeant, au motif que le contentieux des élections professionnelles relève de la seule compétence du juge judiciaire, que la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT ne pouvait utilement faire valoir, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le champ de la convention nationale de l'édition phonographique, que la ministre du travail n'aurait pas dû prendre en compte, pour l'élaboration de cet arrêté, les suffrages émis lors des élections professionnelles organisées au sein de la société Harmonia Mundi, dès lors que la mention figurant sur le procès-verbal transmis par cette entreprise quant à sa branche professionnelle de rattachement était erronée, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT, qui demande l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2017 en tant seulement qu'il fixe en son article 2 le poids respectif des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche en cause et notamment celui de la CFDT, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre ces dispositions. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut qu'être écartée.

8. En second lieu, la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT fait valoir que les résultats des élections professionnelles au sein de la société Harmonia Mundi Livre ont été pris en compte pour mesurer l'audience du syndicat CGT dans la branche de l'édition phonographique, alors que l'activité de cette société ne relève pas de la convention collective nationale de l'édition phonographique.

9. Dans le cadre du contrôle qu'il opère selon les règles rappelées au point 2, le ministre chargé du travail, auquel il n'appartient pas de vérifier si l'application d'une convention collective au sein d'une entreprise correspond à son activité principale au sens du premier alinéa de l'article L. 2261-2 du code du travail en vertu duquel " La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ", est tenu de prendre en compte la déclaration de l'identifiant de la convention collective de rattachement (IDCC) de l'entreprise ou de l'établissement qui figure sur les procès-verbaux des élections organisées en son sein, sauf à ce qu'il apparaisse qu'il résulte d'une erreur purement matérielle.

10. Par suite, le code IDCC porté sur les procès-verbaux des élections professionnelles organisées au sein de la société Harmonia Mundi Livre, dont il est constant qu'il ne procède d'aucune erreur matérielle, mentionnant celui de la branche de l'édition phonographique, la ministre du travail, en prenant en compte les suffrages exprimés dans cette société pour fixer la liste des organisations syndicales représentatives dans la branche de l'édition phonographique et déterminer le poids de chacune de ces organisations pour la négociation des accords collectifs, n'a méconnu aucune des exigences requises pour l'établissement de la mesure d'audience de la branche de l'édition phonographique.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT, au titre de l'instance engagée devant la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, une somme de 750 euros à verser à la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT et d'autre part, une somme de 750 euros à verser à la Fédération de la culture, de la communication et du spectacle CFE-CGC, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 septembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT est rejetée.

Article 3 : La Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT versera une somme de 750 euros à la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT et une somme de 750 euros à la Fédération de la culture, de la communication et du spectacle CFE-CGC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT, à la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT, à la Fédération de la culture, de la communication et du spectacle CFE-CGC et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion,

Copie en sera adressée à la Confédération générale du travail-Force ouvrière.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425524
Date de la décision : 16/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 TRAVAIL ET EMPLOI. SYNDICATS. REPRÉSENTATIVITÉ. - FIXATION DE LA LISTE DES ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES ET DE LEURS AUDIENCES RESPECTIVES (ART. L. 2122-5 ET L. 2122-11 DU CODE DU TRAVAIL) - RECOURS CONTRE L'ARRÊTÉ DU MINISTRE [RJ1] - CONTESTATION DE LA PRISE EN COMPTE DES SUFFRAGES DANS UNE SOCIÉTÉ EN RAISON D'UNE ERREUR ALLÉGUÉE QUANT À SA BRANCHE DE RATTACHEMENT - MOYEN OPÉRANT - EXISTENCE.

66-05-01 Pour l'application des articles L. 2122-5, L. 2122-11 et L. 2122-12 du code du travail, l'audience des organisations syndicales par branche professionnelle est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 de ce code. A cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail. Si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience.,,,Dans le cadre de ces traitements, le ministre chargé du travail ne saurait se substituer à l'entreprise et corriger, sans son accord exprès, le numéro d'identifiant de convention collective mentionné dans le procès-verbal des opérations électorales lorsque celui-ci ne correspond à aucun numéro existant.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de l'office du ministre du travail, CE, 30 décembre 2015, Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT- FO), n° 387420, p. 489 ;

CE, décision du même jour, Ministre du travail, n° 434611, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2021, n° 425524
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:425524.20210416
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