Vu la procédure suivante :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier spécialisé Le Vinatier à lui verser une indemnité de 3 028 446,42 euros en réparation de divers préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'accident de service dont il a été victime le 3 novembre 2007. Par un jugement n° 1304960 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à verser à M. A... une indemnité de 300 906,90 euros.
Par un arrêt n° 16LY04280 du 15 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. A..., porté à 708 492 euros la somme que le centre hospitalier est condamné à verser à M. A..., réformé le jugement de première instance et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 mars et 18 juin 2019, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de son appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Le Vinatier une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision du 10 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis les conclusions du pourvoi dirigées contre cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice extrapatrimonial lié aux déficits fonctionnels temporaires et permanents.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, le centre hospitalier spécialisé Le Vinatier conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme B... D..., rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A... et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier le Vinatier.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., ouvrier professionnel qualifié en service au centre hospitalier spécialisé Le Vinatier à Bron (Rhône), à la suite d'un décollement de la rétine survenu en 2004, a conservé une cécité totale et définitive de l'oeil gauche. Le 3 novembre 2007, un accident à l'oeil droit, reconnu imputable au service, a provoqué sa cécité complète et définitive. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 janvier 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur son appel dirigé contre le jugement du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Lyon, porté à 708 492 euros l'indemnité due par le centre hospitalier, en tant que cet arrêt rejette le surplus de ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité plus élevée. Par une décision du 10 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis les conclusions de son pourvoi dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice extrapatrimonial lié aux déficits fonctionnels temporaires et permanents. Par les moyens qu'il invoque, M. A... doit être regardé comme demandant l'annulation de l'arrêt en tant qu'il limite à 150 000 euros l'indemnité due au titre du préjudice de déficit fonctionnel permanent.
2. Pour évaluer le montant de l'indemnité due au titre du préjudice de déficit fonctionnel permanent imputable à un accident alors que la victime souffrait antérieurement d'une infirmité de même nature, il appartient aux juges du fond de se livrer, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à une estimation du préjudice de déficit fonctionnel permanent résultant directement de l'événement ayant causé la nouvelle infirmité. Par suite, si, pour évaluer le montant de l'indemnité due à M. A... au titre du préjudice de déficit fonctionnel permanent résultant de l'accident ayant causé une cécité totale de son oeil droit, il appartenait à la cour administrative d'appel de tenir compte, ainsi qu'elle l'a fait, de la cécité totale préexistante de son oeil gauche, elle ne pouvait en revanche, sans erreur de droit, fixer une indemnisation fondée sur la différence entre le taux de déficit permanent fonctionnel imputable à sa cécité totale résultant de l'accident et le taux de déficit fonctionnel permanent dont il souffrait antérieurement. En effet, une telle différence entre deux taux, s'agissant de l'évaluation du déficit fonctionnel permanent, ne permet pas d'évaluer le préjudice résultant directement de l'accident.
3. M. A... est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant que celui-ci statue sur le montant de l'indemnité due au titre du préjudice de déficit fonctionnel permanent.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L.821-2 du code de justice administrative.
5. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise, que M. A... souffre, en raison de sa cécité totale, d'un taux de déficit fonctionnel permanent de 85%. Compte tenu, d'une part, du montant de l'indemnisation correspondant à un tel taux de déficit fonctionnel permanent pour une personne de son âge et, d'autre part, de la circonstance qu'il souffrait, avant l'accident en litige, d'un déficit fonctionnel permanent lié à la perte totale d'un de ses deux yeux, il sera fait, eu égard à l'indemnisation correspondant à cette infirmité d'un oeil, une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 250 000 euros.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Le Vinatier une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 15 janvier 2019 est annulé en tant qu'il statue sur le montant de l'indemnité due au titre du préjudice de déficit fonctionnel permanent.
Article 2 : L'indemnité que le centre hospitalier le Vinatier est condamné à payer à M. A... est portée de 708 492 euros à 808 492 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé Le Vinatier versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au centre hospitalier spécialisé Le Vinatier.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.