Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier Le Vinatier à lui verser une indemnité globale de 3 028 446,42 euros en réparation intégrale des divers préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'accident de service dont il a été victime le 3 novembre 2007, de déclarer le jugement à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et de mettre à la charge du centre hospitalier Le Vinatier une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1304960 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier Le Vinatier à verser à M. B... une indemnité de 300 906,90 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2016 et des mémoires, enregistrés le 3 avril et 5 mai 2017, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 octobre 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Le Vinatier à lui verser une indemnisation totale de 3 059 603,68 euros en réparation du préjudice découlant de son accident du travail.
3°) de déclarer le jugement à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Le Vinatier la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* la responsabilité du centre hospitalier Le Vinatier est entière dans la survenance de l'accident du 3 novembre 2007.
* le jugement est entaché d'erreur dès lors que le centre hospitalier Le Vinatier a mis à sa dispositions des équipements inadaptés et en mauvais état, en méconnaissance des articles R. 4321-1 à 5 et R 4323-1 à 5 du code du travail, qu'il a occulté le fait qu'il avait perdu la vue de l'oeil gauche et qu'il n'existait aucun autre lieu de stockage des containers à proximité du quai de déchargement. Il ressort des témoignages des chauffeurs une récurrence des problèmes liés aux portes dégondées, le problème de roues grippées, absence de consigne pour gérer le matériel défectueux. La faute du centre hospitalier Le Vinatier est exclusivement à l'origine de l'accident.
* Le témoignage de M.G..., livré 4 jours après l'accident est incohérent. Les autres témoins n'ont pas assisté à la scène. Par habitude les portes cassées étaient placées contre le mur et non sur le dessus du chariot. M. G...ne lui a pas indiqué qu'il avait posé la porte sur le container et n'a pas procédé comme habituellement, si tel avait été le cas il aurait pris ses précautions et d'autant plus qu'il y était attentif du fait de son handicap. Dans ces conditions ni son ancienneté ni la connaissance des usages ne pouvait lui éviter l'accident
* Il n'a lui-même commis aucune faute.
* Il doit être indemnisé de son entier préjudice dont l'évaluation par le tribunal administratif de Lyon a été insuffisante et doit faire l'objet d'un nouvel examen.
* Sur le préjudice patrimonial, il doit être remboursé :
o de l'achat d'une canne blanche (104 euros),
o de frais divers de matériel (123 144 euros)
o des dépenses annuelles viagères (258 831, 70 euros),
o de frais d'assistance à expertise (600 euros), pour le rapport d'évaluation situationnelle d'ergothérapie (1679 euros),
o de frais de trajet (325 246, 88 euros),
o des incidences professionnelles en raison d'une perte sérieuse de valorisation sur le marché du travail car ses perspectives d'avenir professionnel sont limitées, il subit une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession et n'exerce plus l'activité souhaitée de cuisinier (95 598, 69 euros soit 497,9 euros par mois jusqu'à sa retraite dans 16 ans),
o des frais de logement adaptés (76 519 euros),
o d'assistance par tierce personne à raison de 6 heures par jour tous les jours de l'année (du 3 novembre 2007 au 6 avril 2012 : 204 421,14 euros ; du 7 avril 2012 au 30 juin 2014 : 103 032, 30 euros, pour le futur : 1 087 643,72 euros) le tribunal administratif de Lyon ne pouvait limiter l'indemnité au motif que M. B... pouvait recourir à un salarié et non à un prestataire de service alors qu'il n'avait pas à limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable).
o d'une assistance animalière (54 609,12 euros)
* Sur le préjudice extra patrimonial, il doit être indemnisé :
o du déficit fonctionnel temporaire total du 3 novembre 2007 au 22 novembre 2007 (600 euros),
o du déficit fonctionnel partiel de 85% du 23 novembre 2007 au 05 avril 2012 (39 900 euros) (et au minimum, le tribunal aurait dû lui accorder 13 566 euros),
o des souffrances endurées de 4/7 qui doivent être réévaluées à 5/7 (20 000 euros),
o du déficit fonctionnel permanent à 85%, point sur lequel le tribunal a considéré à tort qu'une partie de ce déficit n'est pas imputable à l'accident de service de novembre 2007 : dès lors que son handicap est radicalement transformé, il n'est pas possible de soustraire de la cécité totale, la cécité partielle dont il souffrait antérieurement (558 000 euros),
o du préjudice esthétique temporaire lié à son alitement pendant 20 jours et sa marche hésitante jusqu'à sa consolidation (15 000 euros),
o du préjudice esthétique définitif de 4/7 dès lors que son visage est affecté d'une disharmonie oculaire et que sa marche est celle d'un non voyant qui dévalorise sont image externe (25 000 euros),
o du préjudice d'agrément dès lors qu'il est privé des activités sportives de plein air et bricolage qu'il pratiquait auparavant (50 000 euros),
o du préjudice exceptionnel en raison du surcoût lié aux frais de loisirs, point sur lequel le tribunal administratif de Lyon a jugé à tort que ce préjudice ne pouvait être indemnisé dès lors qu'il s'agit d'un nouveau loisir (19 316,43 euros)
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2017 le centre hospitalier Le Vinatier, représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement au sujet de l'absence de faute de l'hôpital, mais à sa réformation sur la faute de M. B... qu'il demande de porter à 90%. Sur les postes de préjudice, il demande la réformation du jugement sur les frais divers, acquisition de matériel, aménagement du logement, assistance par tierce personne, déficit fonctionnel temporaire total, déficit fonctionnel temporaire partiel, et déficit fonctionnel permanent.
Il soutient que :
* Il n'a pas commis de faute ;
* M. B... a commis une faute qui a concouru à la réalisation de l'accident dans une proportion de 90%.
* Le jugement doit être confirmé sur l'achat d'une canne blanche, les dépenses de santé futures, les dépenses de matériels informatiques, les frais d'assistance à expertises, les frais de trajet, l'incidence professionnelle, l'assistance animalière, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice exceptionnel de frais de loisirs ;
* Le jugement doit être réformé sur les frais de logement adapté, d'assistance par tierce personne, le déficit fonctionnel temporaire total, le déficit fonctionnel temporaire partiel, le déficit temporaire permanent.
Par ordonnance du 05 septembre 2018 la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
* le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Pierre Thierry,
* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
* et les observations de Me J...D..., représentant M. B..., et de Me A...substituant Me C... représentant centre hospitalier Le Vinatier.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ouvrier professionnel qualifié titulaire, alors affecté à la cuisine centrale du centre hospitalier Le Vinatier, a été victime, le 3 novembre 2007, d'un accident, reconnu imputable au service, qui a provoqué sa cécité complète et définitive. Par une réclamation du 29 mai 2013, il a demandé au centre hospitalier de l'indemniser des préjudices résultant de cet accident, puis a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner son employeur à lui verser une indemnité de 3 028 446 euros.
2. Par sa requête susvisée, M. B...relève appel du jugement du 20 octobre 2016 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Lyon, après avoir considéré que le centre hospitalier n'avait commis aucune faute à l'origine de son accident et que lui-même avait commis une imprudence ayant concouru, à hauteur de 50%, à la réalisation des préjudices susceptibles d'être indemnisés, a limité à 300 906 euros le montant des indemnités qu'il a condamné le centre hospitalier à lui payer. Par des conclusions d'appel incident, le centre hospitalier Le Vinatier demande la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a retenu qu'une faute de 50% à la charge de la victime et en ce qu'il l'a condamné à indemniser M. B... de préjudices découlant de frais de logement adapté et d'assistance par tierce personne ainsi que du déficit fonctionnel temporaire total, du déficit fonctionnel temporaire partiel et du déficit temporaire permanent.
Sur le principe de la réparation :
3. L'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 impose aux établissements de santé d'allouer aux fonctionnaires atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service entraînant une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement et versée à compter de la date de reprise des fonctions. L'article 4 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, a prévu que le montant de l'allocation est fixé à la fraction du traitement brut afférent à l'indice 100 correspondant au taux d'invalidité.
4. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent cette prestation, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, ces dispositions ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M.B..., victime d'un accident de service comme il a été dit au point 1, peut prétendre, en l'absence de faute du centre hospitalier Le Vinatier, à la réparation de l'ensemble des préjudices personnels et patrimoniaux qui ont résulté de cet accident, exception faite des préjudices résultant de l'incidence professionnelle. Dans le cas où cet accident serait imputable à une faute du centre hospitalier, il peut, en outre, prétendre à la réparation de ces derniers chefs de préjudice pour autant, toutefois, que ceux-ci ne soient pas déjà entièrement réparés par l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficie à raison de cet accident. En toute hypothèse, les indemnités susceptibles d'être mises à la charge de l'établissement employeur doivent être déterminées en tenant compte, le cas échéant, des fautes de la victime qui ont concouru à la réalisation de l'accident.
Sur les préjudices d'incidence professionnelle de M.B... :
6. Les possibilités d'évolution professionnelle susceptibles d'être offertes à M.B..., qui a été reclassé dans un emploi adapté de standardiste, sont moindres que celles de l'emploi de cuisinier qu'il occupait avant son accident. Toutefois, et dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'à sa rémunération, qui n'a pas subi de diminution, s'ajoute une allocation temporaire d'invalidité d'un montant mensuel de 623,93 euros, il y a lieu de considérer que, dans les circonstances de l'espèce, les préjudices d'incidence professionnelle qui ont résulté de cet accident sont entièrement réparés par l'allocation temporaire d'invalidité dont bénéficie M.B..., ce dont il résulte qu'en supposant même que cet accident serait imputable à une faute de son employeur, les conclusions par lesquelles il demande qu'une indemnité de 95.598 euros lui soit allouée à ce titre doivent être rejetées.
Sur les autres préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des frais liés à la réadaptation :
7. M. B... demande la prise en charge, pour un montant de 70 813 euros selon le devis qu'il a produit, d'un séjour de six mois au sein de l'institut " ARAMAV ", établissement de santé de rééducation pour déficients visuels, ainsi que la prise en charge de séances complémentaires par un constructeur en locomotion, d'un coût de 5 109 euros.
8. Il est constant qu'à la suite de son accident, M. B... a perdu une grande partie de son autonomie et que son état requiert une rééducation locomotrice dont le caractère nécessaire est d'ailleurs reconnu par le centre hospitalier Le Vinatier qui, s'il admet la nécessité d'un séjour de six mois au sein de l'institut ARAMAV, demande toutefois que soient retranchées du montant réclamé, les sommes qu'il a déjà versées à l'organisme FIDEV, centre de rééducation et d'insertion pour déficients visuels à Lyon. Il résulte cependant de l'instruction que le séjour de six mois à l'institut ARAMAV, dont la durée ne peut être réduite, poursuit une finalité différente de celles des séances dont a bénéficié M. B... auprès de l'organisme FIDEV. Il y a donc lieu d'admettre que M. B...est fondé à soutenir que le coût intégral d'un séjour de six mois à l'institut AMARAV doit figurer au nombre des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime.
9. Il n'est, en revanche, pas établi que le handicap dont est atteint M. B... nécessiterait, en complément de ce séjour à l'institut ARAMAV et des différentes formations dont il a déjà bénéficié, des séances complémentaires assurées par un constructeur en locomotion pour le montant réclamé de 5 109 euros. La demande de M. B... sur ce point doit, par suite, être rejetée.
S'agissant de divers matériels adaptés :
10. M. B... demande le remboursement de l'achat d'une canne blanche et de dépenses de santé futures. De telles demandes doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 9 et 10 de son jugement du 20 octobre 2016.
11. M. B... demande également la prise en charge de divers matériels tels qu'une canne blanche électronique, du matériel informatique et divers objets adaptés aux besoins courants des personnes non-voyantes, ainsi qu'un capital destiné à couvrir le renouvellement périodique requis par leur vieillissement. Il y a lieu sur ces points de condamner le centre hospitalier Le Vinatier à verser à M. B... une somme de 4000 euros destinée à couvrir le coût d'acquisition d'une canne blanche électronique et son renouvellement et de rejeter les autres demandes par adoption des motifs figurant aux points 12 et 13 du jugement attaqué, par lesquels le tribunal administratif a, à bon droit, refusé de les admettre.
S'agissant des honoraires de praticiens :
12. M. B... demande le remboursement d'une somme de 600 euros pour des honoraires versés au docteur Basmadjian et une somme de 1 679 euros au titre des honoraires versés à MmeH..., ergothérapeute, pour la rédaction d'un rapport.
13. Les honoraires du docteur Basmadjan correspondent à sa prestation d'assistance dans le cadre de l'expertise amiable menée contradictoirement avec un autre médecin représentant le centre hospitalier Le Vinatier, laquelle a permis d'établir les préjudices subis par le requérant. Le rapport de Mme H...a, quant à lui, pour objet d'établir les besoins liés à la cécité de M. B... et de recenser les matériels et les aménagements permettant de pallier les inconvénients liés à son handicap. Ces honoraires, qui rémunèrent des prestations dont l'utilité est indiscutable au regard des conséquences de l'accident en cause, doivent, dès lors, être pris en compte pour leur totalité.
S'agissant des frais de transport :
14. M. B... demande le versement d'une somme de 325 604 euros correspondant aux frais de transports par une société " optibus " pour ses allers-retours à son travail et à des frais de taxi. Il y a lieu, pour la cour, d'écarter cette demande en adoptant les motifs par lesquels les premiers juges ont, au point 15 de leur jugement, refusé à juste titre d'y faire droit.
S'agissant de l'adaptation du logement :
15. M. B... demande la condamnation du centre hospitalier Le Vinatier à lui verser une somme de 76 519 euros au titre de frais de logement adapté. Dans les circonstances de l'espèce et par les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter, il y a lieu de limiter l'évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 2 000 euros.
S'agissant de l'assistance d'une tierce personne :
16. M. B..., qui expose que l'importante perte d'autonomie qu'il subit en raison de sa cécité le rend dépendant, pour une grande partie des gestes de la vie quotidienne, de l'assistance d'une tierce personne, demande que lui soient versées à ce titre des indemnités de 307 453 pour la période du 3 novembre 2007 au 30 juin 2014 et de 1 087 643 pour la période postérieure et le futur. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, un tel préjudice n'est pas couvert par l'allocation temporaire d'invalidité et doit donc être intégralement pris en compte, quel que soit le fondement sur lequel sa responsabilité est engagée à l'égard de la victime.
17. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, eu égard à la situation du demandeur, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
18. Il résulte de l'instruction que la perte d'autonomie de M. B... lui rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne pour chaque jour de la semaine. Toutefois, il n'est pas établi par les pièces du dossier que cette perte d'autonomie justifie, comme il le soutient, une telle assistance à raison de six heures par jour pour la période passée comme pour l'avenir. Au regard des éléments du dossier il y a lieu de considérer que son état de santé justifiait le recours à une assistance pour une durée quotidienne de six heures au cours de deux années qui ont suivi l'accident, puis de trois heures et demi les deux années suivantes et, enfin, de deux heures quotidiennes à partir du début de la cinquième année.
19. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi d'ailleurs que le prévoit le référentiel de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Il sera dès lors fait une juste appréciation du préjudice en cause en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros pour la période comprise entre 3 novembre 2007 et le 18 décembre 2018 et à 14 euros pour la période à venir.
20. En conséquence de ce qui vient d'être dit, le préjudice résultat pour de M. B... de la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne doit être évalué à la somme de 177 800 euros pour la période s'achevant le 18 décembre 2018 et à la somme de 248 600 euros pour la période courant à compter de cette dernière date.
S'agissant de l'assistance animalière :
21. Pour les mêmes motifs que ceux, retenus à bon droit par le tribunal administratif de Lyon au point 19 de son jugement, et qu'il y a lieu, pour la cour d'adopter, les conclusions par lesquelles M. B... demande qu'un tel préjudice soit évalué à la somme de 54 609 euros doivent être rejetées.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des déficits fonctionnels temporaire et permanent :
22. En premier lieu, M. B... expose sans être contredit qu'il a subi pour la période du 3 au 22 novembre 2007 un déficit fonctionnel temporaire total, pour lequel il sollicite une indemnité de 600 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction et, en particulier, des deux rapports d'expertise médicales dont les conclusions ne sont pas discutées sur ce point, qu'il a été victime d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 85% du 23 novembre 2007 au 5 avril 2012, date de sa consolidation, pour lequel il demande l'attribution d'une indemnité de 39 900 euros. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, ce préjudice, en lien direct avec l'accident de service est au nombre de ceux qui ouvrent droit à indemnisation, quel que soit le fondement sur lequel la responsabilité de l'administration est engagée. Dans les circonstances de l'espèce il sera fait une juste évaluation de l'indemnité réparant ces deux préjudices en la fixant à 20 000 euros.
23. En deuxième lieu, M. B... demande une indemnité de 558 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent dont il demeure atteint, qui a été évalué à 85% par les experts médicaux. Eu égard à la circonstance que, depuis 2004, M. B... souffrait d'une cécité totale de l'oeil gauche qui entre pour partie dans le déficit fonctionnel permanent dont il demeure atteint, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 150 000 euros.
S'agissant des souffrances physiques et du préjudice esthétique :
24. Il résulte de l'instruction et, en particulier, des rapports d'expertise médicales, que M. B... a enduré des souffrances de niveau 4 sur une échelle de 7 et demeure atteint d'un préjudice esthétique permanent évalué à 4 sur une échelle de 7, sans que soit établie l'existence d'un préjudice esthétique temporaire dont le requérant ne précise au demeurant ni la durée, ni en quoi il devrait être distingué du préjudice permanent de même nature. De tels préjudices seront, en l'espèce, justement évalués par les sommes de 7 000 euros s'agissant des souffrances physiques et de 5.000 euros en ce qui concerne le préjudice esthétique.
S'agissant des préjudices d'agrément :
25. M. B..., qui expose que sa cécité totale l'a contraint à mettre un terme aux activités de loisir qu'il pratiquait, telles que le ski ou la randonnée en moyenne montagne, la conduite de son quad, le bricolage et la lecture, demande en réparation de ces préjudices d'agrément une indemnité de 50 000 euros.
26. Les experts qui l'ont examiné ont relevé qu'il ne pouvait plus se livrer à ces activités et M. B... a produit en appel diverses attestations circonstanciées et concordantes permettant d'établir la réalité de ce préjudice. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier ce chef de préjudice, dont le lien avec l'accident de service est suffisamment établi, est au nombre de ceux qui doivent être indemnisés y compris en l'absence de faute de sa part. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la gravité du handicap supporté par M. B... qui l'empêche de pratiquer l'essentiel de ses anciens loisirs, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 21 000 euros.
27. M. B... précise également qu'il souhaite bénéficier de cours d'Anglais et de guitare spécifiquement dédiés aux non-voyants dont la spécificité engendre, par rapport à des cours accessibles à tous, un surcoût d'un montant de 19 316 euros. Toutefois, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... suivait des cours de guitare ou d'Anglais avant son accident, le préjudice qu'il invoque à ce titre, dépourvu de lien suffisant avec l'accident dont il a été victime, ne peut être retenu.
28. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des préjudices résultant de l'accident de service dont M. B...a été victime doit être évalué à la somme de 708 492 euros.
Sur la faute de la victime :
29. Pour la livraison dans les différents services des repas préparés en cuisine centrale, le centre hospitalier Le Vinatier utilise des containers métalliques isothermes fixés sur des plateaux à roulettes. Au retour des services les containers sont déchargés sur un quai prévu à cet effet et placés dans une pièce dédiée dans l'attente de leur lavage en machine dont M. B... avait la charge au moment de l'accident. En début de matinée du 3 novembre 2007, M.B..., souffrant déjà d'une cécité complète de l'oeil gauche, s'est grièvement blessé à l'oeil droit en heurtant violemment l'un des angles vifs de la porte d'un container hors service qui, dans l'attente de sa réparation, avait été placée par le livreur sur le dessus de ce container.
30. Pour faire valoir que M. B...a commis une faute qui devrait être regardée comme ayant concouru, à hauteur de 90%, à la survenance de cet accident de service, le centre hospitalier Le Vinatier expose que lorsqu'un container était hors d'état de servir et devait être confié pour réparation aux services techniques, l'usage bien connu des agents responsables, dont M.B..., était de le placer dans le fond de la pièce de stockage en laissant sur le dessus la porte endommagée.
31. En admettant même que, comme l'affirme le centre hospitalier, M. B...avait connaissance de la pratique consistant à placer les portes dégondées sur le dessus des containers hors service, avec un débord de plusieurs centimètres ayant pour effet de placer un de leurs angles vifs à hauteur de visage, les circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident ne permettent pas de considérer que la victime, déjà privée de la vision de son oeil gauche et bénéficiant de ce fait d'un champ visuel réduit, en serait, même partiellement, responsable pour avoir commis une faute d'inattention ou d'imprudence en se retournant à proximité immédiate de ce container.
32. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter le montant de l'indemnité allouée à M. B...par le tribunal administratif de Lyon à la somme de 708 492 euros et de rejeter le surplus des conclusions de sa requête ainsi que les conclusions d'appel incident du centre hospitalier Le Vinatier.
Sur les frais du litige :
33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Le Vinatier une somme de 1 500 euros qu'il paiera à M. B... au titre des frais du litige.
D E C I D E :
Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier Le Vinatier est condamné à payer à M. B...est portée à la somme de 708 492 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1304960 du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier Le Vinatier versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, ainsi que les conclusions d'appel incident du centre hospitalier Le Vinatier sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B...et au centre hospitalier Le Vinatier.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Pierre Thierry premier conseiller,
Mme F...E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.
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No 16LY04280