Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 437612, la société Oxial a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le maire de Rouen a refusé de lui délivrer l'autorisation d'implanter un dispositif de publicité numérique sur un emplacement situé 97 avenue du Mont Riboudet, ainsi que la décision du 18 mai 2015 rejetant le recours gracieux formé à son encontre.
Par un jugement n° 1501995 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18DA00125 du 5 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel formé par la société Oxial, a annulé le jugement du
14 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen et les décisions des 21 janvier 2015 et
18 mai 2015 et a enjoint à la commune de Rouen de délivrer à la société Oxial l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 22 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Rouen demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai ;
3°) de mettre à la charge de la société Oxial la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 437614, la société Oxial a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le maire de Rouen a refusé de lui délivrer l'autorisation d'implanter un dispositif de publicité numérique sur un emplacement situé 126 avenue du Mont Riboudet, ainsi que la décision du 18 mai 2015 rejetant le recours gracieux formé à son encontre.
Par un jugement n° 1501997 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18DA00126 du 5 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel formé par la société Oxial, a annulé le jugement du
14 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen et les décisions des 21 janvier 2015 et
18 mai 2015 et a enjoint à la commune de Rouen de délivrer à la société Oxial l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 22 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Rouen demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai ;
3°) de mettre à la charge de la société Oxial la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 437615, la société Oxial a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le maire de Rouen a refusé de lui délivrer l'autorisation d'implanter un dispositif de publicité numérique sur un emplacement situé 39 route de Neufchâtel, ainsi que la décision du 18 mai 2015 rejetant le recours gracieux formé à son encontre.
Par un jugement n° 1501994 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18DA00127 du 5 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel formé par la société Oxial, a annulé le jugement du
14 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen et les décisions des 21 janvier 2015 et
18 mai 2015 et a enjoint à la commune de Rouen de délivrer à la société Oxial l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 22 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Rouen demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai ;
3°) de mettre à la charge de la société Oxial la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la commune de Rouen, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Oxial ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêtés du 21 janvier 2015, le maire de Rouen a refusé de délivrer à la société Oxial l'autorisation d'implanter un dispositif de publicité numérique sur des emplacements situés à Rouen, respectivement 97 avenue du mont Riboudet, 126 avenue du Mont Riboudet et 39 route de Neufchâtel. Par trois jugements du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de la société Oxial tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés et des décisions du 18 mai 2015 rejetant ses recours gracieux. La commune de Rouen se pourvoit en cassation contre les trois arrêts du 5 novembre 2019 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit aux appels de la société, a annulé ces jugements et les décisions des 21 janvier et 18 mai 2015 et enjoint au maire de Rouen de délivrer à la société Oxial les autorisations sollicitées.
2. Aux termes de l'article L. 581-9 du code de l'environnement : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 581-14-3 du même code : " Les réglementations spéciales qui sont en vigueur à la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement restent valables jusqu'à leur révision ou modification et pour une durée maximale de dix ans à compter de cette date. Elles sont révisées ou modifiées selon la procédure prévue à l'article L. 581-14-1 ". Aux termes de l'article L. 581-10 de ce code, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du
12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Dans tout ou partie d'une agglomération, il peut être institué, selon la procédure définie à l'article L. 581-14, des zones de publicité restreinte ou des zones de publicité élargie, où la publicité est soumise à des prescriptions spéciales fixées par les actes instituant lesdites zones ". Aux termes de l'article
L. 581-11 du même code, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la même loi du
12 juillet 2010 : " I. - L'acte instituant une zone de publicité restreinte y soumet la publicité à des prescriptions plus restrictives que celles du régime fixé en application de l'article L. 581-9. / II. - Il peut en outre : / 1° Déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise ; / 2° Interdire la publicité ou des catégories de publicités définies en fonction des procédés et des dispositifs utilisés ".
3. Les dispositions de l'actuel article L. 581-14 du code de l'environnement, ainsi que celles précitées des articles L. 581-10 et L. 581-11 de ce code, applicables antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010, permettent au règlement local de publicité de définir une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l'affichage, qui leur permet notamment d'interdire dans ces zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés.
4. Il ressort des termes du règlement local de publicité de la commune de Rouen, adopté par arrêté du 9 mars 2001, resté valable en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 581-14-3 du code de l'environnement, qu'il a institué des zones de publicité restreinte, dont un secteur B', correspondant aux entrées de ville, dans lequel est interdite toute publicité lumineuse, le glossaire annexé au règlement précisant que les dispositifs publicitaires ne supportant que des affiches éclairées par projection ou transparence ne sont pas considérés comme de la publicité lumineuse.
5. Pour caractériser l'erreur manifeste d'appréciation entachant ce règlement local de publicité et juger illégale, par voie d'exception, l'interdiction dans le secteur B' des dispositifs de publicité lumineuse, incluant la publicité numérique, qu'il prévoit, la cour administrative d'appel de Douai s'est bornée à relever que la commune de Rouen n'apportait aucune justification à interdiction. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait du préambule du règlement, dont la commune de Rouen se prévalait devant la cour, que l'institution de zones de publicité restreinte avait pour objet, notamment, d'améliorer la qualité des matériels publicitaires, d'harmoniser la présentation des enseignes et d'adapter la publicité extérieure à l'évolution du tissu urbain, en recherchant une meilleure répartition des dispositifs sur le territoire communal et leur intégration maximale au site et que, selon les motifs de l'arrêté portant règlement, les restrictions de publicité devaient assurer une protection du paysage constitué par la Seine et les collines, désigné comme " un site de grande valeur ", et en n'énonçant pas d'éléments de fait à l'appui de son appréciation, la cour a insuffisamment motivé ses arrêts. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la commune de Rouen est fondée à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Oxial une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Rouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Rouen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Douai du 5 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La société Oxial versera une somme de 3 000 euros à la commune de Rouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Oxial au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Rouen et à la société Oxial.