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08/02/2021 | FRANCE | N°430936

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 08 février 2021, 430936


Vu la procédure suivante :

M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... A... H...-C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 19 mai 2016 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser leur changement de nom en " Le H...-G... ", ensemble les décisions du 31 août 2016 rejetant leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 1619178/4-3 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18PA01314 du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de

Paris a rejeté l'appel formé par M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H......

Vu la procédure suivante :

M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... A... H...-C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 19 mai 2016 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser leur changement de nom en " Le H...-G... ", ensemble les décisions du 31 août 2016 rejetant leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 1619178/4-3 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18PA01314 du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... A... H...-C... contre ce jugement et n'a pas transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa de l'article 61 du code civil tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante du Conseil d'Etat.

Par un pourvoi sommaire, un nouveau mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 et 22 mai et 8 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... A... H...-C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de M. F... Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. A... H...-C... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. IL ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par des requêtes publiées au Journal officiel du 6 juillet 2012 présentées par leur mère en qualité de représentante légale, M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... Le Floch-Raggi ont sollicité le changement de leur nom en " A... H...-G... ". M. F... et Mme B... A... FlochRaggi, devenus majeurs, ont repris cette demande à leur compte. Par trois décisions du 19 mai 2016, confirmées par trois décisions du 31 août 2016 prises sur recours gracieux, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leurs demandes. Par un jugement du 22 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... Le Floch-Raggi, devenu majeur en cours d'instance, tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 21 mars 2019, contre lequel ils se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. F... A... H...-C..., Mme B... A... H...-C... et M. D... Le Floch-Raggi contre ce jugement et n'a pas transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa de l'article 61 du code civil tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante du Conseil d'Etat.

Sur la contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. L'article 61 du code civil dispose que : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...). Le changement de nom est autorisé par décret ".

4. Devant la cour administrative d'appel, les consorts A... H...-C... soutenaient que l'article 61 du code civil tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante du Conseil d'État subordonnant l'intérêt légitime requis par ces dispositions pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, au titre de motifs d'ordre affectif, à des circonstances exceptionnelles, et, au titre de la possession d'état, à une durée d'usage présentant un caractère suffisamment ancien et constant méconnaît le droit à la vie privée qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

5. Toutefois, en estimant que l'interprétation jurisprudentielle de l'article 61 permet de concilier le droit au respect de la vie privée et l'intérêt général qui s'attache à la stabilité du nom de famille, en vue d'assurer la stabilité de l'état civil et la sécurité juridique des rapports sociaux, et, par suite, en regardant, en tout état de cause, comme dépourvue de caractère sérieux la question tirée de la méconnaissance par l'article 61 du code civil de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants, nés en 1995, 1996 et 1999, ont porté à leur naissance le nom de leur père, " Le H... ", conformément aux règles de dévolution du nom de famille alors applicables. Par un jugement du 29 octobre 2008, le tribunal de grande instance a prononcé l'adoption simple de M. E... A... H..., père des requérants, par M. C... et énoncé qu'il porterait désormais le nom de " A... H...-C... ". Ce jugement ordonne la mention du changement du nom du père et de ses enfants mineurs en marge des actes de naissance. Pour demander le changement de leur nom en " A... H...-G... ", les requérants ont fait valoir que le nom " G... " est celui de leur mère, qu'ils ont fait usage du nom sollicité depuis leur naissance et qu'ils n'ont entretenu aucun lien avec M. C..., sans faire état d'aucune circonstance exceptionnelle, ni d'aucun trouble sérieux résultant du port du nom " Le H...-C... ". En jugeant, sur la base de ces éléments, que MM. et Mme A... H...-C... ne justifiaient pas, faute de circonstances exceptionnelles, d'un intérêt légitime à demander un changement de nom, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

7. En deuxième lieu, l'article 61-3 du code civil dispose : " Tout changement de nom de l'enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l'établissement ou d'une modification d'un lien de filiation. / L'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du nom de famille des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement. "

8. Si les requérants soutenaient devant la cour que l'article 61-3 du code civil, qui subordonne le changement de nom de l'enfant de plus de treize ans à son consentement personnel, avait été méconnu, dès lors que F... Le H...-C..., âgé de plus de 13 ans à la date du jugement d'adoption du 29 octobre 2008, n'aurait pas consenti au changement de nom, la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant le moyen inopérant, dès lors que le litige dont elle était saisie portait, ainsi qu'elle l'a relevé, sur l'appréciation de l'existence ou non d'un intérêt légitime, pour la seule application du premier alinéa de l'article 61 du code civil.

9. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, et pour les motifs mentionnés au point 5, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que le rejet de la demande de changement de nom des requérants ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de MM. et Mme A... H...-C... doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de MM. et Mme A... H...-C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. F... A... H...-C..., premier requérant dénommé, et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 430936
Date de la décision : 08/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2021, n° 430936
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabio Gennari
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:430936.20210208
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