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21/01/2021 | FRANCE | N°428299

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 21 janvier 2021, 428299


Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande, reçue le 31 décembre 2013, tendant, d'une part, au versement d'un supplément d'indemnités au titre des heures supplémentaires annualisées accomplies au cours des années scolaires 2009-2010, 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, la somme de 13 386,52 euros au titre de cette perte d

e rémunération et la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice ...

Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande, reçue le 31 décembre 2013, tendant, d'une part, au versement d'un supplément d'indemnités au titre des heures supplémentaires annualisées accomplies au cours des années scolaires 2009-2010, 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, la somme de 13 386,52 euros au titre de cette perte de rémunération et la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la méconnaissance des dispositions réglementaires applicables. Par un jugement n° 1401730 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA00082 du 18 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. D..., annulé ce jugement, condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, renvoyé M. D... devant l'administration afin qu'il soit procédé à la liquidation du supplément d'indemnité auquel il a droit au titre des heures supplémentaires annualisées pour les années scolaires 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014 et rejeté le surplus de sa demande, relatif à l'année scolaire 2009-2010.

Par un pourvoi enregistré le 21 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 50-582 du 25 mai 1950 ;

- le décret n°50-1253 du 6 octobre 1950 ;

- le décret n° 61-1362 du 6 décembre 1961 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D..., professeur agrégé de sciences-physiques, enseigne en section de technicien supérieur au lycée polyvalent Rouvière de Toulon. A la suite de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande, reçue le 31 décembre 2013, tendant au versement d'un supplément d'indemnités au titre des heures supplémentaires annualisées accomplies au cours des années scolaires 2009-2010, 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014 ainsi qu'à la réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi en raison du non-versement des indemnités lui étant dues, M. D... a demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, la somme de 13 386,52 euros au titre de la perte de rémunération résultant de l'absence de versement d'un supplément d'indemnités des heures supplémentaires annualisées et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Par jugement du 10 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Sur appel de M. D..., la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, a condamné l'Etat à réparer le préjudice moral de M. D... à hauteur de 2 000 euros, a rejeté comme irrecevables les conclusions du requérant en tant qu'elles tendaient au versement d'une somme correspondant au montant de l'indemnité due au titre des heures supplémentaires annualisées accomplies au cours de l'année scolaire 2009-2010 et a renvoyé l'intéressé devant l'administration aux fins de liquidation du supplément d'indemnités d'heures supplémentaires annualisées auquel la cour a jugé que M. D... avait droit au titre des années scolaires 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre cet arrêt. Eu égard aux moyens qu'il invoque, il doit être regardé comme n'en demandant l'annulation qu'en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. D... un supplément d'indemnités au titre des heures supplémentaires annualisées pour les années scolaires 2010-2011, 2012-2013 et 2013-2014.

2. Aux termes de l'article 1er du décret n°50-582 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maxima de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres du personnel enseignant dans les établissements énumérés ci-après : (...) collèges techniques et établissements assimilés, sont tenus de fournir sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année, les maxima de service suivants : A) Enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et artistiques : / Agrégés : quinze heures. (...) / C) Enseignements pratiques : / Professeurs techniques : / Ecoles nationales d'arts et métiers et écoles assimilées, trente heures. / Autres établissements, trente-deux heures. / Professeurs techniques adjoints : / Ecoles nationales d'arts et métiers et écoles assimilées, trente heures. / Autres établissements, trente-huit heures. / Chefs des travaux pratiques d'écoles nationales d'arts et métiers et écoles assimilées, vingt-cinq heures. / Professeurs techniques adjoints de commerce, dix-huit heures. (...) ". L'article 5 du même texte, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que " Les maximums de service prévus à l'article 1er sont diminués d'une heure pour les professeurs de première chaire. / Sont professeurs de première chaire les professeurs d'enseignement littéraire, scientifique ou technique théorique qui donnent au moins six heures d'enseignement dans les classes suivantes : (...) / 3° Sections de techniciens supérieurs ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1950 fixant les taux de rémunération des heures supplémentaires d'enseignement effectuées pour les personnels enseignants des établissements d'enseignement du second degré : " Les personnels visés par les décrets n° 50-581 à 50-583 du 25 mai 1950 susvisés dont les services hebdomadaires excèdent les maxima de services réglementaires reçoivent, par heure supplémentaire et sous réserve des dispositions légales relatives au cumul des traitements et indemnités, une indemnité non soumise à retenue pour pension civile. (...) ". En outre, selon les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1er du décret du 6 décembre 1961 modifiant et complétant le décret du 25 mai 1950 relatif aux maximums de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique : " Pour l'application des maximums de service hebdomadaire fixés par les articles 1er (§ A) et 4 du décret n° 50-582 du 25 mai 1950 susvisé, chaque heure effective d'enseignement littéraire, scientifique ou technique théorique donnée dans les sections de techniciens définies par le décret du 26 août 1957 est décomptée pour la valeur d'une heure et quart, sous réserve : (...) / Que le service d'enseignement hebdomadaire accompli par les professeurs ci-dessous visés ne soit pas de ce fait inférieur : / A treize heures et demie pour les professeurs agrégés (...) ". Ces dernières dispositions ont pour objet de tenir compte des conditions particulières d'exercice des fonctions exercées par les enseignants dans les sections de techniciens supérieurs, en pondérant d'un quart d'heure supplémentaire les heures d'enseignement effectivement dispensées dans ces sections, sous réserve que leur service horaire hebdomadaire effectif soit supérieur ou égal à treize heures trente, tant pour déterminer le service d'enseignement hebdomadaire qu'un enseignant est tenu d'accomplir au regard de son maximum de service que pour calculer le montant de la rémunération majorée versée à raison de l'éventuel dépassement de ce maximum.

3. Il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 25 mai 1950, citées au point précédent, que les professeurs agrégés dispensent des enseignements littéraires, scientifiques ou techniques théoriques, quelles qu'en soient les modalités, alors que les enseignements pratiques sont les enseignements dispensés par les professeurs techniques, les professeurs techniques adjoints, les chefs des travaux pratiques d'écoles nationales d'arts et métiers et écoles assimilées et les professeurs techniques adjoints de commerce. Par conséquent, les professeurs agrégés sont, pour l'ensemble de leurs enseignements en sections de techniciens supérieurs, susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 1er du décret du 6 décembre 1961, lesquelles pondèrent d'un quart d'heure supplémentaire les heures d'enseignement qui y sont dispensées, sous réserve que le service d'enseignement hebdomadaire accompli ne soit pas inférieur à treize heures trente.

4. Par suite, en jugeant, après avoir relevé que M. D... est professeur agrégé, que les enseignements qu'il a assurés en section de technicien supérieur sous la forme de séances de travaux dirigés de sciences appliquées ou de cours d'essais de systèmes dispensés sous forme de travaux pratiques d'atelier sont au nombre des enseignements susceptibles de faire l'objet de la majoration instituée à l'article 1er du décret du 6 décembre 1961, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ou de contradiction de motifs et n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 6 décembre 1961 que les professeurs agrégés bénéficient de la majoration horaire prévue par ces dispositions sous réserve que le service d'enseignement hebdomadaire qu'ils accomplissent effectivement ne soit pas inférieur à treize heures trente. Par suite, en appliquant la majoration horaire prévue par l'article 1er du décret du 6 décembre 1961 à la durée du service accompli par M. D... en section de technicien supérieur pour déterminer la durée du service d'enseignement hebdomadaire de l'intéressé au titre de l'année scolaire 2013-2014, alors qu'il lui appartenait, à l'inverse, de rechercher au préalable si le service d'enseignement hebdomadaire effectif de celui-ci n'était pas, avant application de la majoration, inférieur à treize heures trente, pour déterminer si la majoration pouvait légalement lui être appliquée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque qu'en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2016 en ce qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. D... relative aux indemnités qu'il estime lui être dues au titre de l'année scolaire 2013-2014 et qu'il le renvoie devant l'administration pour la liquidation du supplément d'indemnité d'heures supplémentaires annualisées relatives à l'année scolaire 2013-2014.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de l'instruction que la durée de l'enseignement hebdomadaire effectivement dispensé par M. D... au titre de l'année scolaire 2013-2014 s'élevait à treize heures. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 1er du décret du 6 décembre 1961 citées au point 2 font obstacle à ce qu'il puisse prétendre au bénéfice de la majoration horaire en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant au versement d'indemnités au titre d'heures supplémentaires annualisées pour l'année scolaire 2013-2014.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 décembre 2018 est annulé en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2016 en ce qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. D... relative aux indemnités qu'il estime lui être dues au titre de l'année scolaire 2013-2014 et qu'il le renvoie devant l'administration pour la liquidation du supplément d'indemnité d'heures supplémentaires annualisées relatives à l'année scolaire 2013-2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'appel de M. D... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2016 en ce qu'il statue sur les conclusions de sa demande relatives au versement d'indemnités au titre d'heures supplémentaires annualisées pour l'année-scolaire 2013-2014 et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. C... D....


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428299
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 2021, n° 428299
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Roux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP LEDUC, VIGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:428299.20210121
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