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09/09/2020 | FRANCE | N°429100

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09 septembre 2020, 429100


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) ZF Holding a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance du 20 janvier 2016, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a transmis, en application des dispositions des articles R. 312-1 et R. 351-3 du code de justice administrative, cette demande au tribunal

administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1600677 du 9 février 2017,...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) ZF Holding a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance du 20 janvier 2016, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a transmis, en application des dispositions des articles R. 312-1 et R. 351-3 du code de justice administrative, cette demande au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1600677 du 9 février 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17VE01127 du 23 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir donné acte à la société ZF Holding du désistement de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à raison de la réintégration de produits constatés d'avance, a rejeté le surplus des conclusions de son appel tendant à l'annulation du jugement du 9 février 2017 du tribunal administratif de Montreuil.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2019 et le 1er juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société ZF Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société ZF Holding ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Autolille, qui exerce une activité de concession de véhicules automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à raison, notamment, de la remise en cause d'une provision pour engagement de reprise de véhicules cédés à des clients. Par jugement du 9 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS ZF Holding, société mère du groupe de sociétés fiscalement intégré dont la société Autolille est membre au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, tendant à la décharge de ces impositions. La société ZF Holding se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 janvier 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits correspondant à ces charges et, en ce qui concerne les provisions pour pertes, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Autolille a déduit des résultats imposables de ses exercices clos en 2009 et 2010 des sommes correspondant à l'agrégation des moins-values anticipées lors de la revente de véhicules cédés à des clients en application de contrats de vente par lesquels elle s'engageait à reprendre à l'acheteur le véhicule qu'elle lui cédait pour un prix fixé à l'avance, à une date ou à l'issue d'une période déterminée ou après que ce véhicule aura parcouru un nombre de kilomètres défini dans le contrat de cession.

4. Une entreprise peut déduire des résultats de l'exercice au cours duquel sont intervenues des ventes une provision représentant une estimation de l'ensemble des coûts ou pertes qu'elle devra probablement supporter en conséquence de ces ventes, tels que ceux que peuvent impliquer les promesses faites à des clients de leur racheter tout ou partie des biens qu'elle leur a vendus. Après avoir relevé que le montant des provisions constituées par la société Autolille, rattachées à l'exercice au cours duquel les véhicules ont fait l'objet de leur première cession, a été déterminé par les écarts, lorsqu'ils sont négatifs, entre le prix de rachat des véhicules et leur valeur probable de revente au jour de leur rachat et que, ce faisant, la société a entendu anticiper un évènement de nature à diminuer son bénéfice au cours d'un exercice futur lié, non pas à la charge que représenterait le rachat de véhicules en exécution d'une clause d'engagement de reprise, mais à la perte qui serait générée par leur revente à un prix inférieur au prix de rachat, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les provisions en cause en jugeant qu'elles avaient le caractère de provisions pour perte.

5. En second lieu, une société réalisant des opérations telles que celles en cause n'est fondée à constituer une provision que dans le cas et dans la mesure où le bilan prévisionnel du plus grand des ensembles identifiables d'opérations suffisamment homogènes au sein duquel gains et pertes peuvent être pertinemment calculés de manière agrégée fait apparaître un solde négatif. La cour administrative d'appel, après avoir relevé que l'ensemble des contrats concernés reposait sur un modèle économique et juridique unique, quels que soient la catégorie de véhicules et les clients concernés, a analysé ces contrats comme formant un ensemble d'opérations suffisamment homogène au sein duquel gains et pertes devaient être calculés de manière agrégée pour la détermination du montant de la provision correspondante. En statuant ainsi, et en en déduisant que l'administration avait à bon droit remis en cause la déductibilité des provisions en cause à concurrence du montant des opérations bénéficiaires, la cour a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société ZF Holding doit être rejeté, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société ZF Holding est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée ZF Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 429100
Date de la décision : 09/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. PROVISIONS. - PROVISION POUR PERTE - 1) CONDITIONS DE DÉDUCTIBILITÉ - PROBABILITÉ DE LA PERTE ÉTABLIE PAR LA COMPARAISON, POUR UNE OPÉRATION OU UN ENSEMBLE D'OPÉRATIONS SUFFISAMMENT HOMOGÈNES, ENTRE LES COÛTS À SUPPORTER ET LES RECETTES ESCOMPTÉES [RJ1] - 2) PROVISION POUR ENGAGEMENT DE REPRISE - A) QUALIFICATION [RJ2] - B) NOTION D'OPÉRATIONS SUFFISAMMENT HOMOGÈNES DANS UNE TELLE HYPOTHÈSE.

19-04-02-01-04-04 1) Les provisions pour charges ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits correspondant à ces charges et les provisions pour pertes ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.,,,2) a) Une entreprise peut déduire des résultats de l'exercice au cours duquel sont intervenues des ventes une provision représentant une estimation de l'ensemble des coûts ou pertes qu'elle devra probablement supporter en conséquence de ces ventes, tels que ceux que peuvent impliquer les promesses faites à des clients de leur racheter tout ou partie des biens qu'elle leur a vendus. Les provisions constituées à raison de l'écart anticipé entre le prix de rachat des biens fixé par le contrat de vente et leur valeur probable au jour de leur rachat ont le caractère de provision pour perte.... ,,b) Une société réalisant des ventes assorties d'un engagement de reprise à un prix fixé à l'avance n'est fondée à constituer une provision que dans le cas et dans la mesure où le bilan prévisionnel du plus grand des ensembles identifiables d'opérations suffisamment homogènes au sein duquel gains et pertes peuvent être pertinemment calculés de manière agrégée fait apparaître un solde négatif.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Assemblée, 28 juin 1991, Ministre du budget c/ Société Générale, n° 77921, p. 261.,,

[RJ2]

Cf. CE, 13 juillet 2007, Société Volkswagen France et ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, n°s 289233 289261, p. 341.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 sep. 2020, n° 429100
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429100.20200909
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