La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2007 | FRANCE | N°289233

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 13 juillet 2007, 289233


Vu 1°), sous le n° 289233, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 17 mai 2006, présentés pour la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, dont le siège est 11, avenue de Boursonne, B.P. 62 à Villers-Cotterêts Cedex (02601) ; la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 3, 4, 5 et 6 de l'arrêt du 17 novembre 2005 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de deux jugements rendus le 4 février 2003 par le tribunal administratif

d'Amiens en tant qu'ils ne lui ont accordé que la réduction des supplé...

Vu 1°), sous le n° 289233, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 17 mai 2006, présentés pour la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, dont le siège est 11, avenue de Boursonne, B.P. 62 à Villers-Cotterêts Cedex (02601) ; la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 3, 4, 5 et 6 de l'arrêt du 17 novembre 2005 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de deux jugements rendus le 4 février 2003 par le tribunal administratif d'Amiens en tant qu'ils ne lui ont accordé que la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989, et d'autre part, annulé ces deux jugements en tant qu'ils lui avaient accordé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration, dans son résultat imposable pour l'exercice clos en 1989, de la provision pour engagement de reprise des véhicules vendus à une société de location de voitures ;

2°) statuant au fond, de la décharger des suppléments d'impôt sur les sociétés demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 289261, le recours, enregistré le 20 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 7 de l'arrêt du 17 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement rendu le 4 février 2003 par le tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a accordé à la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultés de la réintégration dans son résultat imposable pour l'exercice clos en 1989 d'une provision constituée sous la dénomination de provision pour protection du stock concessionnaires ;

2°) statuant au fond, de remettre à la charge de la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE les suppléments d'impôt sur les sociétés résultés de la réintégration, dans son résultat imposable pour l'exercice clos en 1989, de la provision constituée sous la dénomination de provision pour protection du stock concessionnaires ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré produite pour la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE le 20 juin 2007 ;

Vu la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE VOLKSWAGEN FRANCE,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et la requête présentée pour la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Douai ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, qui a importé des véhicules de marques Volkswagen et Audi dont elle assure la distribution par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos les 31 décembre 1987, 1988 et 1989 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration fiscale a réintégré dans les résultats imposables de ces trois exercices des provisions pour dépréciation des prêts consentis au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et des provisions dites Kulanz constituées au titre d'extensions de garanties accordées par la société à ses concessionnaires ; que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de 1987 le coût de voyages effectués par les épouses de certains salariés, et dans le résultat imposable de 1988, la somme versée à titre transactionnel le 29 juin 1988 sur le fondement des articles 410, 411 et 350 du code des douanes ; qu'enfin elle a également réintégré dans le résultat imposable de 1989, une provision dite pour protection du stock concessionnaires, une provision pour engagement de reprise des véhicules vendus à une société de location de voitures et une provision pour dépréciation du stock de véhicules neufs ; que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE se pourvoit en cassation contre les articles 3, 4, 5 et 6 de l'arrêt du 17 novembre 2005 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation des deux jugements rendus le 4 février 2003 par le tribunal administratif d'Amiens en tant qu'ils avaient maintenu à sa charge l'ensemble des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant des réintégrations susmentionnées, exception faite de ceux résultés de la réintégration, dans son résultat imposable de 1989, de la provision pour engagement de reprise des véhicules vendus à une société de location de voitures, et d'autre part, a fait droit à l'appel du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant à ce que soit remis à sa charge les suppléments d'impôt sur les sociétés résultés de la réintégration, dans son résultat imposable de 1989, de la même provision pour engagement de reprise ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'article 7 du même arrêt, par lequel la cour a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du 4 février 2003 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE des suppléments d'impôt sur les sociétés résultés de la réintégration, dans le résultat imposable de 1989, de la provision dite pour protection du stock concessionnaires ;

Sur le pourvoi de la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE :

En ce qui concerne la réintégration des provisions :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : / (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice … ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et qu'en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogène, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ;

S'agissant de la provision pour dépréciation des prêts consentis au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a choisi de se libérer de son obligation de participation des employeurs à l'effort de construction sous la forme de prêts à vingt ans, sans intérêts, consentis à des organismes habilités ; que la société a déduit de son résultat imposable pour les trois exercices clos les 31 décembre 1987, 1988 et 1989, la provision qu'elle avait constituée en vue de faire face à la dépréciation affectant, selon elle, la valeur nominale de ces prêts en raison de l'absence d'intérêts à percevoir durant la longue période devant s'écouler jusqu'à leur remboursement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts : La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts que, lorsqu'une société a choisi de se libérer de son obligation de participation des employeurs à l'effort de construction sous la forme de prêts à long terme, sans intérêts, consentis à des organismes habilités, elle n'est en droit de déduire une provision destinée à tenir compte de la dépréciation affectant la valeur nominale de ces prêts en raison de l'absence d'intérêts à percevoir durant la longue période devant s'écouler jusqu'à leur remboursement qu'à la condition de justifier que la valeur probable de réalisation de ces prêts est inférieure à leur valeur nominale ; qu'il suit de là qu'en estimant que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, faute de faire état d'aucune circonstance rendant probable la cession de ces prêts avant leur date d'échéance ou d'une défaillance des débiteurs, impliquant la perte de valeur définitive des créances, n'était pas en droit de déduire de son résultat imposable la provision qu'elle avait constituée pour faire face à leur dépréciation, la cour, qui a répondu au moyen dont elle était saisie, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que le fait de renoncer à percevoir un produit qui n'est pas comptabilisé ne constitue pas une charge ; qu'en jugeant que l'absence d'intérêts rémunérant les prêts consentis par la société avait le caractère d'un manque à gagner et non d'une charge, la cour a donc exactement qualifié les faits ;

Considérant, en troisième lieu, qu'un élément d'actif ne peut être inscrit au bilan pour une valeur supérieure à son prix d'acquisition ; que la valeur d'acquisition des prêts consentis par la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE au titre de sa participation à l'effort de construction correspond à la valeur nominale de ces créances ; qu'il suit de là qu'en estimant que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE ne pouvait les inscrire dans sa comptabilité pour une valeur supérieure à leur valeur nominale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, enfin, qu'en jugeant que la société n'était pas en droit de corriger l'erreur consistant, selon elle, à avoir omis de déduire la charge résultant de l'absence de rémunération de ces prêts, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ;

S'agissant de la provision dite Kulanz pour extension de garanties :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a constitué, au titre des exercices 1987, 1988 et 1989, une provision dite Kulanz destinée à faire face aux charges résultant des extensions de garantie consenties, au delà de la garantie contractuelle, à certains de ses concessionnaires et leur assurant, d'une part, que certaines catégories d'avaries seraient réparées sans consultation préalable, et d'autre part, que d'autres avaries seraient réparées, au cas par cas et sur demande particulière ; qu'en jugeant que, du seul fait que la prise en charge de ces réparations ne résultait pas d'un engagement contractuel pris à l'égard du client final, ces extensions de garanties ne revêtaient qu'un caractère éventuel insusceptible de justifier du caractère probable, et donc provisionnable, de cette charge sans rechercher si, bien qu'elles ne résultassent pas d'une obligation contractuelle, ces extensions correspondaient à un usage auquel cette société devait en pratique se soumettre, la cour a commis une erreur de droit ; que la société est par suite fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

S'agissant de la provision pour engagement de reprise des véhicules vendus à une société de location de voitures :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d'un contrat passé avec une société de location de voitures, la société s'est engagée à reprendre, entre le cinquième et le douxième mois suivant la vente des véhicules neufs à cette société, à un prix déterminé par un abattement mensuel sur le prix facturé ; que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a rapproché ce prix de reprise de celui attendu de la revente des véhicules repris, supposé égal à la valeur Argus, puis a déduit de son résultat imposable de l'exercice 1989 une provision correspondant à l'écart négatif entre ces deux prix, pondéré par une estimation du nombre des reprises et du délai moyen de retour ;

Considérant, en premier lieu, qu'une entreprise peut déduire des résultats de l'exercice au cours duquel est intervenue une vente, une provision représentant une estimation de l'ensemble des coûts ou pertes qu'elle devra probablement supporter en conséquence de cette vente, tels que ceux que peut impliquer la promesse faite au client de lui racheter, à un prix supérieur à leur valeur de revente, tout ou partie des biens qu'elle lui a vendus ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que la société avait calculé la provision qu'elle a constituée en conséquence de son engagement de reprise en fonction d'une estimation du prix de revente ultérieur des véhicules repris, la cour a exactement qualifié cette provision en jugeant qu'elle avait le caractère d'une provision pour perte ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une provision pour perte ne peut être déduite que si la perspective de cette perte est établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogène, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ; qu'en estimant qu'il appartenait à la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE de démontrer, par un calcul prévisionnel suffisamment précis, que les coûts à supporter, dans le cadre de l'engagement de reprise conclu avec la société de location de voitures, ne couvriraient pas les recettes escomptées, la cour n'a pas inversé la charge de la preuve ; qu'en estimant que cette preuve n'était pas apportée par la seule référence au prix Argus des véhicules, sans prise en compte des caractéristiques des véhicules ni d'aucun élément de nature à leur conférer une valeur différente au moment de leur revente, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation ; qu'en déduisant de ces constatations que la société n'était pas en droit de déduire ladite provision de son résultat imposable de 1989, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;

S'agissant de la provision pour dépréciation du stock de véhicules neufs :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a déduit de son résultat imposable de l'exercice 1989 une provision pour dépréciation des véhicules en stock à la clôture de cet exercice ; que cette provision a été calculée par la différence entre le prix de revient majoré des frais de garantie et le prix de vente prévisible, égal au prix de vente aux concessionnaires, diminué d'une remise quota, qui prend la forme de reversements postérieurement à la vente du véhicule, destiné à récompenser les concessionnaires lorsqu'ils atteignent les objectifs de revente qui leur sont impartis ;

Considérant que l'article 29 de la loi du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991 a ajouté au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts des dispositions selon lesquelles : S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte ; que ces dispositions, qui interdisent de provisionner les dépenses exposées, après la clôture de l'exercice, en vue de la commercialisation des produits en stock, ne sont applicables qu'aux exercices arrêtés à compter du 31 décembre 1991 ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, la cour n'a pas justifié son refus du droit de constituer la provision litigieuse sur une application rétroactive des dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1991, mais, au terme d'une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, s'est exclusivement fondée sur le motif que le versement des remises quota était purement éventuel, faute que soit établi son caractère probable, qui eut été de nature à altérer le cours du jour des produits en stock ;

En ce qui concerne la réintégration des charges :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges … celles-ci comprenant … notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature … ;

S'agissant des frais exposés au titre des voyages offerts aux conjoints de certains salariés :

Considérant que la déduction des frais généraux mentionnés au 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts n'est admise que si ces frais constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes ; que les frais exposés pour les voyages dont ont bénéficié les lauréats des concours de stimulation organisés par une société sont déductibles du résultat imposable ; qu'il en va de même des frais afférents à la prise en charge du voyage de tiers accompagnateurs à condition que l'intérêt de l'entreprise le justifie ; qu'en déduisant des pièces du dossier et de l'argumentaire qui lui avait été soumis que les frais de voyage exposés par les conjoints des salariés accompagnateurs des lauréats de concours de stimulation ne l'avaient pas été dans l'intérêt de l'entreprise, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits et n'a pas commis d'erreur de droit ;

S'agissant de la réintégration de la somme versée à titre transactionnel en application du code des douanes :

Considérant que les sommes affectées au paiement d'amendes pénales ne peuvent être regardées comme des charges au sens du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; que les pénalités infligées en application des articles 410 et 411 du code des douanes présentent le caractère de contraventions douanières dont il appartient aux tribunaux de police de connaître en application de l'article 436 du même code ; qu'elles revêtent ainsi, pour l'application des règles de déductibilité fiscale des charges, un caractère pénal ; que, pour l'application des mêmes règles, la somme versée à titre transactionnel dans le cadre de la procédure prévue à l'article 350 du code des douanes n'est pas davantage déductible que l'amende à laquelle elle se substitue, dès lors que la transaction a pour objet et pour effet de mettre fin aux poursuites judiciaires susceptibles d'être engagées à raison des infractions commises ; qu'il suit de là qu'en estimant que le montant de la transaction de 280 000 F signée le 29 juin 1988 par la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE, en application des articles 410, 411 et 350 du code des douanes, ne pouvait être déduit du résultat imposable de cette société au titre de 1988, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE n'est fondée à demander l'annulation des articles 3, 4, 5 et 6 de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'ils concernent la provision dite Kulanz pour extension de garanties ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dirigeants de la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE ont projeté, en octobre 1989, de baisser les prix de certains des véhicules qu'elle commercialise ; qu'ils ont toutefois subordonné ce projet à l'obtention d'aides qu'ils ont demandées à la société mère, dont le siège est en Allemagne, lesquelles ont été accordées le 20 décembre 1989 ; que c'est seulement le 11 janvier 1990 que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a rendu publique sa décision de baisse des prix et a informé les concessionnaires de son réseau de distribution que ceux des véhicules qui leur avaient été vendus avant le 31 décembre 1989, qui se trouvaient encore dans leurs stocks et qui seraient immatriculés avant le 31 mars 1990, donneraient lieu à l'attribution d'un avoir correspondant à la différence entre le prix auquel ils les avaient acquis et le prix réduit, applicable à compter du 11 janvier 1990, en leur indiquant que ces avoirs seraient défalqués des factures qui leur seraient adressées à compter du 11 janvier 1990 ; que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a déduit de son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 1989 une provision pour protection du stock concessionnaires, représentant l'estimation de ces avoirs ;

Considérant qu'en estimant que le montant de ces avoirs pouvait être regardé comme probable à la date de clôture de l'exercice 1989, alors qu'à cette date, la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE n'avait pas encore extériorisé sa décision de réduction tarifaire et d'attribution de réductions rétroactives aux concessionnaires, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'article 7 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler, dans la mesure de l'annulation prononcée, l'affaire au fond ;

Sur la provision pour protection du stock concessionnaires :

Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision interne d'attribution d'avoirs aux concessionnaires du réseau de distribution des marques Volkswagen et Audi n'a été extériorisée que le 11 janvier 1990 ; qu'ainsi les charges impliquées par cet événement postérieur à la clôture de l'exercice, et notamment les obligations qu'il pouvait entraîner vis à vis des concessionnaires ayant encore en stock des véhicules concernés par la baisse décidée, ne pouvaient donner lieu à une provision déductible des résultats de l'exercice 1989 déjà clos ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est donc fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a déchargé la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de 1989 à raison de la réintégration de cette provision dans son résultat ;

Sur la provision dite Kulanz pour extension de garanties :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE a adressé à ses concessionnaires un document par lequel elle expose la nature et les modalités des engagements de prise en charge des réparations de certains modèles de véhicules vendus par ceux-ci ; que, bien qu'elles ne constituassent pas un engagement juridique, ces extensions de garanties, qui présentaient le caractère d'un usage auquel elle se soumettait habituellement, devaient être regardées comme engageant la société ; que ce caractère n'est pas remis en cause par la circonstance que ces garanties extra-contractuelles étaient accordées par la société de manière discrétionnaire et à titre exceptionnel pour certains modèles de véhicules dans le cadre des directives données par la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société ne justifiait pas du caractère probable de cette charge à la clôture de l'exercice en se fondant sur le caractère éventuel de ces extensions de garanties ; qu'il suit de là que la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 4 février 2003 en tant qu'il a refusé de la décharger des conséquences du redressement litigieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société VOLKSWAGEN FRANCE de la somme de 4 000 euros dans l'instance n° 289233, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et de rejeter les conclusions de la société présentées au même titre dans l'instance n° 289261 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 17 novembre 2005 est annulé en tant, d'une part, qu'il a rejeté la requête de la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie à raison de la réintégration dans les résultats imposables des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 de la provision dite Kulanz pour extension de garanties et, d'autre part, qu'il a déchargé la société du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie à raison de la réintégration, dans son résultat imposable de l'exercice clos en 1989, de la provision constituée sous la dénomination de provision pour protection du stock concessionnaires.

Article 2 : La SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de la réintégration dans ses résultats imposables des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 de la provision dite Kulanz pour extension de garanties.

Article 3 : La SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés à raison de la réintégration, dans son résultat imposable de l'exercice clos en 1989, de la provision constituée sous la dénomination de provision pour protection du stock concessionnaires.

Article 4 : Le jugement du 4 février 2003 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la société VOLKSWAGEN FRANCE une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'instance n° 289233.

Article 5: Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE présentées devant le Conseil d'Etat et ses conclusions, présentées sous le n° 289261 et tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 6: La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SOCIETE GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 289233
Date de la décision : 13/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2007, n° 289233
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:289233.20070713
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award