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29/07/2020 | FRANCE | N°431087

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 29 juillet 2020, 431087


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet née du silence opposé par le maire de la commune d'Hénin-Beaumont à sa demande, présentée le 21 novembre 2013, de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral et de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision et la somme de 61 900 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont il a é

té victime.

Par un jugement n° 1401747 du 29 novembre 2016, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet née du silence opposé par le maire de la commune d'Hénin-Beaumont à sa demande, présentée le 21 novembre 2013, de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral et de condamner la commune d'Hénin-Beaumont à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision et la somme de 61 900 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont il a été victime.

Par un jugement n° 1401747 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 17DA00272 du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé ce jugement, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai 2019, 20 août 2019 et 11 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sauf à ce que la commune renonce de son côté à la demande qu'elle forme sur ce même fondement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la commune d'Henin-Beaumont ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., attaché territorial, a occupé, à compter du 1er février 2010, les fonctions de directeur général des services adjoint, chargé des affaires financières, de la commune d'Hénin-Beaumont. A la suite d'une altercation avec le directeur général des services, M. B... a été suspendu de ses fonctions à compter du 28 décembre 2012, pour une durée de quatre mois. Par un arrêté du 20 mars 2013, le maire de la commune a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services adjoint, à compter du 22 mars 2013 et l'a affecté, à compter du 29 avril 2013, sur un poste de chargé du développement territorial au sein de la maison du commerce, puis, à compter du 27 mai 2013, sur le poste de chargé de la mission " mise en réseau communautaire de la médiathèque municipale ". Par un courrier du 18 novembre 2013, M. B..., s'estimant victime de faits de harcèlement moral, a demandé à la commune de réparer le préjudice qu'il estime avoir subi et de lui accorder la protection fonctionnelle. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la somme de 61 900 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral. Par un jugement du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de protection fonctionnelle et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un arrêt du 21 mars 2019, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé le jugement, a à son tour jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que M. B... produisait divers éléments et témoignages, notamment le compte rendu par le médecin du travail d'une réunion tenue avec sa hiérarchie en mai 2014, attestant qu'il était, dans ses fonctions de chargé de mission à la médiathèque municipale, privé de responsabilités ou de missions ayant une réelle substance et, d'autre part, que la commune d'Hénin-Beaumont n'apportait aucun élément concret de nature à établir la consistance de ces missions, le seul témoignage qu'elle avait fourni, émanant de la directrice adjointe de la médiathèque, confirmant d'ailleurs la marginalisation de M. B... et le caractère mal défini de ses attributions. Ainsi, la cour administrative d'appel, qui s'est bornée à constater, après avoir relevé que ces fonctions avaient entraîné pour l'intéressé une diminution de responsabilités et une suppression des missions d'encadrement, qu'il ne résultait pas de la fiche de poste que l'emploi de chargé de mission ne correspondrait pas à des missions susceptibles d'être confiées à un attaché territorial et qu'il n'était pas établi que l'intéressé aurait été privé de toute activité réelle, a dénaturé les faits de l'espèce en jugeant que la commune d'Hénin-Beaumont établissait que les faits invoqués dont se prévalait M. B... étaient motivés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral et a, par suite, commis une erreur de qualification juridique en écartant l'existence d'un tel harcèlement. Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. B... qui bénéficie déjà de la protection fonctionnelle. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée au même titre par la commune d'Hénin-Beaumont, M. B... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 21 mars 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... et par la commune d'Hénin-Beaumont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune d'Hénin-Beaumont.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 431087
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 431087
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431087.20200729
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