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29/07/2020 | FRANCE | N°426357

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 29 juillet 2020, 426357


Vu la procédure suivante :

La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Football Club de Metz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la Fédération française de football à lui verser une somme de 11 302 963 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2013, en réparation du préjudice résultant pour elle de l'illégalité de la décision du 25 juillet 2012 par laquelle son comité exécutif a décidé, pour la saison sportive 2012-2013, de maintenir en championnat Ligue 2 l'équipe première de la SASP Le Mans FC.

Par un jug

ement n° 1304590 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejet...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Football Club de Metz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la Fédération française de football à lui verser une somme de 11 302 963 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2013, en réparation du préjudice résultant pour elle de l'illégalité de la décision du 25 juillet 2012 par laquelle son comité exécutif a décidé, pour la saison sportive 2012-2013, de maintenir en championnat Ligue 2 l'équipe première de la SASP Le Mans FC.

Par un jugement n° 1304590 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC01701 du 16 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, rejeté l'appel formé par la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Football Club de Metz contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 décembre 2018, le 18 mars 2019 et le 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société sportive professionnelle Football club de Metz demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société anonyme sportive professionnelle Football Club de Metz, et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Fédération française de football ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de l'examen de la situation comptable et financière de la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Le Mans FC, dont l'équipe première était classée 17ème du championnat de France de Ligue 2 au terme de la saison sportive 2011-2012, la commission de contrôle des clubs professionnels de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) de la Fédération française de football (FFF) a décidé, le 21 juin 2012, de procéder à la rétrogradation de cette équipe en championnat de National. Le 11 juillet 2012, la commission d'appel de la DNCG a confirmé cette mesure. La SASP Le Mans FC a alors saisi le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) d'une demande de conciliation, à l'issue de laquelle le conciliateur a proposé le 20 juillet 2012, de soumettre à un examen de la commission d'appel de la direction nationale du contrôle de gestion les éléments produits par la SASP Le Mans FC au cours de la conciliation. A la suite de la réunion de commission d'appel de la DNCG du 25 juillet 2012, le comité exécutif de la Fédération française de football, par une décision du même jour, a décidé de maintenir l'équipe première de la SASP Le Mans FC en championnat de France de Ligue 2. La SASP Football Club de Metz, dont l'équipe était classée 18ème du championnat de Ligue 2 au terme de la saison 2011-2012, et avait été reléguée en championnat de National pour la saison suivante, a alors saisi la FFF d'une demande tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 25 juillet 2012 de son comité exécutif. La SASP Football Club de Metz se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 octobre 2018 par lequel cour administrative d'appel de Nancy a rejeté ses prétentions indemnitaires.

2. D'une part, en vertu des dispositions des articles L. 131-1, L. 131-14 et L. 131-15 du code du sport, une fédération sportive agréée reçoit, dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une délégation du ministre chargé des sports en vue notamment, d'organiser les compétitions sportives à 1'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. Selon les articles L. 132-1 et L. 132-2 du même code, les fédérations sportives qui ont constitué " une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives ", doivent créer un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, chargé d'assurer le contrôle administratif, juridique et financier de ces associations et sociétés sportives. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 132-2 du code du sport en sa rédaction applicable au litige: " Cet organisme a pour objectif d'assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de 1'équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions ".

3. La FFF est, selon l'article 18 de ses statuts, dirigée et gérée par un comité exécutif qui suit l'exécution du budget et exerce l'ensemble des attributions que ces statuts n'attribuent pas à un autre organe de la fédération. Les pouvoirs de ce comité exécutif sont précisés et complétés par le règlement intérieur et les règlements généraux de la fédération et comprennent en particulier celui de réformer par voie d'évocation toute décision autre que disciplinaire qu'il jugerait contraire à l'intérêt supérieur du football ou aux statuts et règlements. Par ailleurs, ayant constitué une ligue professionnelle dans les conditions prévues à l'article L. 132-1 du code du sport, la FFF a créé, conformément à l'article L. 132-2 du même code, la direction nationale du contrôle de gestion qui, selon l'article 11 de l'annexe à la convention passée entre la fédération et la Ligue de football professionnel, est chargée d'assurer, par ses commissions de contrôle et sa commission d'appel, le contrôle juridique et financier des clubs affiliés et de vérifier qu'ils répondent aux conditions fixées par les règlements nationaux et européens pour prendre part aux compétitions. Cette direction peut notamment, dans ce cadre, imposer aux clubs sportifs différentes mesures telles l'interdiction de recruter de nouveaux joueurs sous contrat, le recrutement contrôlé des joueurs dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse salariale prévisionnelle limitée, la rétrogradation du club ou son interdiction d'accession sportive. Bien que le législateur ait entendu garantir à un tel organisme un pouvoir d'appréciation indépendant des autres organes de la fédération, il ne lui a toutefois pas conféré de personnalité morale distincte de la fédération et la direction nationale du contrôle de gestion présente, en conséquence, le caractère d'un organe de la fédération, au nom de laquelle elle prend les décisions relevant des compétences qui 1ui sont attribuées.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-4 du code du sport : " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage (...) ". Aux termes de l'article R. 141-5 du même code : " La saisine du comité afin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts ".

5. Ces dernières dispositions instituent un recours préalable obligatoire avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts en vue de résoudre le conflit né de cette décision. Il appartient à l'autorité compétente de la fédération intéressée, partie à la conciliation, de se prononcer sur les mesures proposées par le ou les conciliateurs. Cette autorité prend ainsi une décision qui se substitue à la décision initiale, objet du litige, et qui, en cas d'acceptation des mesures proposées, ne consiste pas en une simple approbation du dispositif et des motifs de la proposition de conciliation mais constitue une décision propre de cette autorité.

6. En premier lieu, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le comité exécutif de la FFF, lorsqu'il prend sa décision à la suite de ce recours préalable obligatoire à une conciliation exerce ses pouvoirs sur le fondement des dispositions de l'article 18 des statuts et non le cadre de la procédure d'évocation prévue par les dispositions de l'article 199 des règlements généraux de la FFF, auquel renvoie l'article 13 de son règlement intérieur. Si dans le cadre de ce pouvoir d'évocation, le comité ne peut réformer la décision prise qu'en cas de violation des statuts et règlements de la fédération ou d'atteinte aux intérêts généraux dont la fédération a la charge, le comité n'est pas tenu par ces conditions dans le cadre des décisions prises, comme en l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article 18 des statuts.

7. La cour administrative d'appel de Nancy n'a, par suite, commis aucune erreur de droit en estimant, pour censurer le motif par lequel le tribunal administratif avait jugé illégale la décision du 25 juillet 2012 du comité exécutif de la FFF, que le pouvoir dévolu à ce comité ne s'exerçait pas dans le seul cadre de la procédure d'évocation précisée à l'article 199 des règlements généraux de la fédération, y compris lorsque la décision intervient à la suite de la procédure de conciliation prévue à l'article R. 141-5 du code du sport.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'annexe à la convention conclue entre la FFF et la Ligue de football professionnel portant règlement de la direction nationale du contrôle de gestion, lorsque la décision d'une des commissions de contrôle de cette direction est contestée devant sa commission d'appel: " (...)tout document et/ou engagement nouveau que le club voudrait présenter devra être impérativement produit au plus tard lors de son audition devant la Commission d'Appel et être, à cette date, dûment concrétisé ". Ces dispositions ne sont pas applicables au comité exécutif de la FFF qui, lorsqu'il statue dans le cadre de la procédure de conciliation, y compris lorsque celle-ci porte sur une décision de la commission d'appel de la DNCG, peut tenir compte d'éléments produits postérieurement à une telle décision. Il lui également loisible, préalablement à sa décision, de procéder à toute consultation qu'il juge utile. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le comité exécutif avait pu tenir compte d'éléments et engagements présentés devant le conciliateur par la SASP Le Mans FC après la décision du 11 juillet 2012, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En troisième lieu, en jugeant que les appréciations portées le 25 juillet 2012 par la commission d'appel sur les nouveaux éléments et engagements produits par la SASP Le Mans FC ne liaient pas le comité exécutif de la FFF et ne comportaient, au demeurant aucune conclusion quant à l'engagement de l'équipe première de la SASP Le Mans FC en championnat de Ligue 2 pour la saison sportive 2012-2013, la cour administrative, qui n'a pas méconnu la portée de l'avis rendu par la commission d'appel, n'a pas non plus commis d'erreur de droit, en l'absence de dispositions ou d'un principe faisant obligation, dans les circonstances de l'espèce au comité exécutif de suivre cet avis.

10. Il résulte de ce qui précède que la SASP Football Club de Metz n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Fédération française de football qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 3 000 euros à ce titre à la charge de la Société sportive professionnelle football club de Metz

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la Société sportive professionnelle Football club de Metz est rejeté.

Article 2 : la Société sportive professionnelle Football club de Metz versera à la Fédération française de football la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: La présente décision sera notifiée à la Société sportive professionnelle Football club de Metz et à la Fédération française de football.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426357
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

63-05-01 SPORTS ET JEUX. SPORTS. FÉDÉRATIONS SPORTIVES. - FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL - COMITÉ EXÉCUTIF STATUANT À LA SUITE DU RECOURS PRÉALABLE OBLIGATOIRE À UNE CONCILIATION (ART. L. 141-4 DU CODE DU SPORT) [RJ1] - 1) DÉCISION SOUMISE AUX CONDITIONS APPLICABLES À LA PROCÉDURE D'ÉVOCATION (ART. 199 DES RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DE LA FFF) - ABSENCE - 2) POSSIBILITÉ DE PRENDRE EN COMPTE DES ÉLÉMENTS POSTÉRIEURS À LA DÉCISION DE LA COMMISSION D'APPEL DE LA DNCG OBJET DE LA CONCILIATION ET DE PROCÉDER À TOUTE CONSULTATION UTILE PRÉALABLE - EXISTENCE.

63-05-01 1) Le comité exécutif de la Fédération française de football (FFF), lorsqu'il prend sa décision à la suite du recours préalable obligatoire à une conciliation prévu par les articles L. 141-4 et R. 141-5 du code du sport exerce ses pouvoirs sur le fondement de l'article 18 des statuts et non dans le cadre de la procédure d'évocation prévue par l'article 199 des règlements généraux de la FFF, auquel renvoie l'article 13 de son règlement intérieur. Si dans le cadre de ce pouvoir d'évocation, le comité ne peut réformer la décision prise qu'en cas de violation des statuts et règlements de la fédération ou d'atteinte aux intérêts généraux dont la fédération a la charge, le comité n'est pas tenu par ces conditions dans le cadre des décisions prises sur le fondement de l'article 18 des statuts.,,,2) L'article 5 de l'annexe à la convention conclue entre la FFF et la Ligue de football professionnel (LFP) portant règlement de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) n'est pas applicable au comité exécutif de la FFF qui, lorsqu'il statue dans le cadre de la procédure de conciliation, y compris lorsque celle-ci porte sur une décision de la commission d'appel de la DNCG, peut tenir compte d'éléments produits postérieurement à une telle décision. Il lui également loisible, préalablement à sa décision, de procéder à toute consultation qu'il juge utile.


Références :

[RJ1]

Cf., sur le régime général de cette conciliation préalable obligatoire, CE, 28 février 2020, Fédération française de football, n° 424347, à mentionner aux Tables ;

sur la compétence du comité exécutif de la FFF pour statuer à l'issue de la conciliation, y compris lorsqu'elle porte sur une décision de la DNCG, CE, 22 juin 2017, Fédération française de football, n° 398082, T. p. 820.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 426357
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426357.20200729
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