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22/06/2017 | FRANCE | N°398082

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 22 juin 2017, 398082


Vu la procédure suivante :

La société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l'association Football Club Sochaux Montbéliard ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juillet 2014 par laquelle le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé, d'une part, d'accepter la proposition du Comité national olympique et sportif français de substituer à la mesure d'interdiction d'accession sportive en Ligue 1 du Racing Club de Lens une limitation de la masse salariale du club assortie d'un contrôle du

recrutement et, d'autre part, de demander à la direction nationale du co...

Vu la procédure suivante :

La société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l'association Football Club Sochaux Montbéliard ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juillet 2014 par laquelle le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé, d'une part, d'accepter la proposition du Comité national olympique et sportif français de substituer à la mesure d'interdiction d'accession sportive en Ligue 1 du Racing Club de Lens une limitation de la masse salariale du club assortie d'un contrôle du recrutement et, d'autre part, de demander à la direction nationale du contrôle de gestion de se réunir dans les meilleurs délais afin de déterminer les mesures appropriées à la participation du club de Lens à la Ligue 1. Par un jugement n° 1401378 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif a fait droit à leur demande.

Par un arrêt n° 15NC00582, 15NC00583 du 1er mars 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la Fédération française de football contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 18 mars, 17 juin et 22 novembre 2016 et le 27 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française de football demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et de l'association Football Club Sochaux Montbéliard la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- les statuts de la Fédération française de football ;

- la convention entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Fédération française de football, et à Me Balat, avocat du Football Club Sochaux Montbéliard et de l'association Football Club Sochaux Montbéliard ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les résultats sportifs des championnats de France de Ligue 1 et Ligue 2 à l'issue de la saison 2013-2014 conduisaient, en principe, pour la saison suivante, à l'accession à la Ligue 1 du Racing Club de Lens, classé 2ème du championnat de Ligue 2, et à la rétrogradation du Football Club de Sochaux Montbéliard, classé 18ème du championnat de Ligue 1 ; que, toutefois, par une décision du 26 juin 2014, la commission de contrôle des clubs professionnels de la direction nationale du contrôle de gestion créée par la Fédération française de football a refusé l'accession du Racing Club de Lens au championnat de France de Ligue 1 pour la saison 2014-2015 ; que cette décision a été confirmée par la commission d'appel de la direction nationale du contrôle de gestion le 17 juillet 2014 ; que le Racing Club de Lens a saisi le Comité national olympique et sportif français d'une demande de conciliation, à l'issue de laquelle le conciliateur du Comité a proposé, le 25 juillet 2014, de substituer à la mesure d'interdiction d'accession sportive en championnat de Ligue 1 une limitation de la masse salariale du club, assortie d'un contrôle du recrutement ; que, par une décision du 28 juillet 2014, le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé, d'une part, d'accepter la proposition de conciliation du Comité national olympique et sportif français et, d'autre part, de demander à la direction nationale du contrôle de gestion de se réunir dans les meilleurs délais afin de déterminer les mesures appropriées à la participation du Racing Club de Lens au championnat de Ligue 1 ;

2. Considérant que le tribunal administratif de Besançon, saisi par la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et par l'association Football Club Sochaux Montbéliard, a prononcé, par un jugement du 29 janvier 2015, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du comité exécutif de la Fédération du 28 juillet 2014 ; que la cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt du 1er mars 2016, a rejeté le recours formé par la Fédération française de football contre ce jugement ; que la Fédération se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

3. Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Nancy, en jugeant que la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l'association Football Club Sochaux Montbéliard avaient, en l'espèce, un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision du comité exécutif de la Fédération du 28 juillet 2014, n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 131-1 du code du sport : " Les fédérations sportives ont pour objet l'organisation de la pratique d'une ou de plusieurs disciplines sportives " ; que, selon l'article L. 131-14 du même code, dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération sportive agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports, laquelle a notamment pour mission, en vertu de l'article L. 131-15 du code du sport, d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ; que l'article L. 132-1 du code du sport prévoit que les fédérations sportives délégataires " peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 132-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, assurant le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu'elles organisent. / Cet organisme a pour objectif d'assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de l'équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 141-4 du code du sport : " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 141-5 du même code : " La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Fédération française de football a créé, en application des dispositions citées ci-dessus, une direction nationale du contrôle de gestion ; que, selon l'article 11 de l'annexe à la convention conclue entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel portant règlement de la direction nationale du contrôle de gestion, cette direction assure le contrôle juridique et financier des clubs affiliés et vérifie qu'ils répondent aux conditions fixées par les règlements nationaux et européens pour prendre part aux compétitions ; que cette direction peut, dans ce cadre, imposer aux clubs différentes mesures, prévues à l'article 11 de l'annexe, au nombre desquelles figurent notamment l'interdiction de recruter de nouveaux joueurs sous contrat, le recrutement contrôlé dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse salariale prévisionnelle limitée, la rétrogradation ou l'interdiction d'accession sportive ;

7. Considérant que, pour rejeter l'appel formé par la Fédération française de football contre le jugement qui a annulé la décision du comité exécutif de la Fédération en date du 28 juillet 2014, la cour administrative d'appel s'est fondée sur les motifs qu'une décision de la direction nationale du contrôle de gestion ne saurait être regardée comme une décision prise par la Fédération française de football dans un conflit auquel cette fédération est partie, de sorte que cette décision n'entrait pas dans le champ de la conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français, et que le comité exécutif de la Fédération n'avait pas compétence pour revenir sur la décision prise initialement par la direction nationale du contrôle de gestion ;

8. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 132-2 du code du sport qu'il incombe aux fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle de créer une direction nationale du contrôle de gestion ; que si le législateur a entendu garantir à cet organisme un pouvoir d'appréciation indépendant des autres organes de la fédération, il ne lui a pas conféré de personnalité morale distincte de la fédération ; qu'une telle direction présente, en conséquence, le caractère d'un organe de la fédération, au nom de laquelle elle prend les décisions relevant des compétences qui lui sont attribuées ; qu'il s'ensuit que les décisions ainsi prises par une direction nationale du contrôle de gestion sont au nombre des décisions prises par la fédération, au sens de l'article R. 141-5 du code du sport, soumises en vertu de cet article à la procédure de conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français ; qu'il en résulte que la cour administrative d'appel de Nancy, en jugeant que la décision initialement prise par la direction nationale du contrôle de gestion ne pouvait être regardée comme une décision prise par la Fédération française de football dans un conflit auquel cette fédération est partie, pour l'application de l'article R. 141-5 du code du sport, a commis une erreur de droit ;

9. Considérant, en dernier lieu, que la mission de conciliation prévue à l'article L. 141-4 du code du sport intervient " dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées ", et constitue, en vertu de l'article L. 141-5 de ce code, un préalable obligatoire à tout recours contentieux ; que l'article R. 141-7 du code du sport prévoit que le conciliateur du Comité national olympique et sportif français, dans le délai d'un mois suivant la saisine à fin de conciliation, propose des mesures de conciliation, après avoir entendu les intéressés et précise que " ces mesures sont présumées acceptées par les parties, sauf opposition notifiée au conciliateur et aux parties, dans un délai de quinze jours à compter de la formulation aux parties des propositions du conciliateur " ; qu'en vertu de l'article R. 141-22 du code du sport, un accord peut être constaté à l'audience de conciliation entre les parties à la conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français ; que l'article R. 141-23 du même code dispose que : " Les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties et doivent être appliquées dès leur notification. Les parties peuvent toutefois s'y opposer dans le délai de quinze jours à compter de cette notification (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la fédération au nom de laquelle est prise la décision qui donne lieu à conciliation en application de l'article R. 141-5 du code du sport est partie à cette conciliation ; qu'il appartient aux organes compétents de la fédération de prendre part à la conciliation et de statuer sur les mesures proposées par le conciliateur ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 18 des statuts de la Fédération française de football : " Le Comité Exécutif administre, dirige et gère la Fédération. Il suit l'exécution du budget. Il exerce l'ensemble des attributions que les présents Statuts n'attribuent pas à un autre organe de la Fédération " ; qu'en l'absence de disposition législative contraire et à défaut de disposition des statuts en disposant autrement, il revient au comité exécutif de la Fédération française de football de se prononcer sur les mesures proposées par le conciliateur du Comité national olympique et sportif français, même lorsqu'elles portent sur une décision prise initialement par la direction nationale de contrôle de gestion dans le cadre du pouvoir d'appréciation indépendant garanti par l'article L. 132-2 du code du sport ;

11. Considérant, par suite, qu'en jugeant que la décision du 28 juillet 2014 par laquelle le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé d'accepter la proposition du Comité national olympique et sportif français du 25 juillet 2014 relative à la participation du Racing Club de Lens au championnat de France de Ligue 1 pour la saison 2014-2015 était entachée d'incompétence, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération française de football est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et de l'association Football Club Sochaux Montbéliard le versement d'une somme globale de 3 000 euros à la Fédération française de football au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, au même titre, à la charge de la Fédération française de football, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er mars 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : La société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l'association Football Club Sochaux Montbéliard verseront à la Fédération française de football une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l'association Football Club Sochaux Montbéliard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de football, à la société Football Club Sochaux Montbéliard SA, à l'association Football Club Sochaux Montbéliard, à la société Racing Club de Lens SA et à l'association Racing Club de Lens. Copie en sera adressée à la Ligue de football professionnel et au ministre des sports.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398082
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05-01 SPORTS ET JEUX. SPORTS. FÉDÉRATIONS SPORTIVES. - 1) DIRECTION NATIONALE DE CONTRÔLE DE GESTION (ART. L. 132-2 DU CODE DU SPORT) - A) ORGANE DE LA FÉDÉRATION - EXISTENCE - B) CONSÉQUENCE - DÉCISIONS SOUMISES À LA PROCÉDURE DE CONCILIATION ORGANISÉE DEVANT LE CNOSF (ART. L. 141-4 DU CODE DU SPORT) - 2) CONCILIATION PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 141-4 DU CODE DU SPORT - CAS OÙ LA DÉCISION DONNANT LIEU À CONCILIATION EST PRISE AU NOM D'UNE FÉDÉRATION - A) QUALITÉ DE LA FÉDÉRATION - PARTIE À LA CONCILIATION - B) ORGANES COMPÉTENTS POUR STATUER SUR LES MESURES PROPOSÉES PAR LE CONCILIATEUR - I) CAS GÉNÉRAL - II) CAS DE LA FFF.

63-05-01 1) a) Il résulte des dispositions de l'article L. 132-2 du code du sport qu'il incombe aux fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle de créer une direction nationale du contrôle de gestion. Si le législateur a entendu garantir à cet organisme un pouvoir d'appréciation indépendant des autres organes de la fédération, il ne lui a pas conféré de personnalité morale distincte de la fédération. Une telle direction présente, en conséquence, le caractère d'un organe de la fédération, au nom de laquelle elle prend les décisions relevant des compétences qui lui sont attribuées.... ,,b) Il s'ensuit que les décisions ainsi prises par une direction nationale du contrôle de gestion sont au nombre des décisions prises par la fédération, au sens de l'article R. 141-5 du code du sport, soumises en vertu de cet article à la procédure de conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).,,,2) a) Il résulte des articles R. 141-7, R. 141-22 et R. 141-23 du code du sport que la fédération au nom de laquelle est prise la décision qui donne lieu à conciliation en application de l'article R. 141-5 du code du sport est partie à cette conciliation.... ,,b) i) Il appartient aux organes compétents de la fédération de prendre part à la conciliation et de statuer sur les mesures proposées par le conciliateur.... ,,ii) En l'absence de disposition législative contraire et à défaut de disposition des statuts en disposant autrement, il revient au comité exécutif de la Fédération française de football (FFF) de se prononcer sur les mesures proposées par le conciliateur du CNOSF, même lorsqu'elles portent sur une décision prise initialement par la direction nationale de contrôle de gestion dans le cadre du pouvoir d'appréciation indépendant garanti par l'article L. 132-2 du code du sport.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2017, n° 398082
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Malverti
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398082.20170622
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