Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2017 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1701154 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17LY03896 du 6 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février 2019 et 10 et 15 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC), est entrée en France en mai 2015, selon ses déclarations, accompagnée de ses quatre enfants et de sa belle-fille, également de nationalité congolaise. En juillet 2015, elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 février 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 novembre 2016. Par un arrêté du 28 mars 2017, le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que Mme B... avait manifesté son intention, dans un courrier au préfet de l'Allier du 21 novembre 2016, de déposer une demande de titre de séjour fondée, à titre principal, sur le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, sur le 6° de l'article L. 313-11 du même code. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour aurait dénaturé les faits ou les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit en estimant que la requérante n'établissait pas avoir accompli les démarches nécessaires à l'instruction de sa demande fondée sur le 11° de l'article L. 313-11 avant l'intervention de l'arrêté en litige et en en déduisant que celui-ci était suffisamment motivé sur ce point et que le préfet avait procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.
4. En second lieu, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour estimer que le préfet de l'Allier avait pu refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que le préfet avait produit des éléments précis et suffisamment circonstanciés de nature à établir que la reconnaissance de paternité souscrite en faveur de l'enfant de Mme B... présentait un caractère frauduleux. Elle a ainsi notamment retenu, d'une part, que l'enfant de l'intéressée, né trois mois après sa date d'entrée en France, avait été reconnu par un ressortissant français marié ayant eu deux enfants avec son épouse en 2001 et 2003 et qui avait déjà reconnu en 2013 un enfant né d'une autre mère, d'autre part, que Mme B... ne démontrait aucune vie commune avec ce ressortissant français, ni en RDC ni en France, où elle est arrivée enceinte de plusieurs mois et, enfin, que la requérante n'apportait aucune précision factuelle sur les conditions dans lesquelles elle aurait rencontré ce ressortissant français lors d'un séjour de celui-ci en RDC. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits et pièces du dossier.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.