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08/07/2020 | FRANCE | N°426049

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 08 juillet 2020, 426049


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser une somme de 417 853,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'hôpital Cochin le 4 juillet 2011. Par un jugement n° 1613322 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 82 490,61 euros.

Par un arrêt n° 18PA00605 du 4 octobre 2018, rectifié par un arrêt n°s 18PA03694 et 18PA03

748 du 19 février 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser une somme de 417 853,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'hôpital Cochin le 4 juillet 2011. Par un jugement n° 1613322 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 82 490,61 euros.

Par un arrêt n° 18PA00605 du 4 octobre 2018, rectifié par un arrêt n°s 18PA03694 et 18PA03748 du 19 février 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme A..., porté à 102 540,46 euros, déduction faite de la provision de 13 300 euros qui lui avait été versée, la somme mise à la charge de l'ONIAM et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2018 et les 5 mars et 26 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de Mme A... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de sa prise en charge par l'hôpital Cochin, le 4 juillet 2011, pour une thyroïdectomie, Mme A... a éprouvé divers troubles dont elle a demandé réparation. A la suite de l'avis rendu le 7 octobre 2014 par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) d'Ile-de-France, l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) a présenté à Mme A..., le 2 mars 2015, au titre de la solidarité nationale, une proposition d'indemnisation couvrant cinq postes de préjudices non patrimoniaux et a réservé l'indemnisation des autres postes dans l'attente de la production par l'intéressée de pièces justificatives complémentaires. Mme A..., qui n'a pas donné suite à cette offre d'indemnisation, a saisi le tribunal administratif de Paris le 29 août 2016 d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à réparer l'ensemble de ses préjudices. Par un jugement du 22 décembre 2017, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 82 490,61 euros au titre de l'ensemble des préjudices nés de l'opération chirurgicale du 4 juillet 2011, en rejetant toutefois comme tardives ses conclusions tendant à l'indemnisation des cinq chefs de préjudice ayant fait l'objet de l'offre de l'ONIAM du 2 mars 2015. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 octobre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, tout en portant à 110 023,46 euros le montant de l'indemnité due par l'ONIAM, a rejeté le surplus de ses conclusions et, notamment, jugé tardive et, par suite, irrecevable sa demande d'indemnisation des cinq chefs de préjudices ayant fait l'objet de l'offre du 2 mars 2015.

Sur le droit applicable :

2. L'article L. 1142-17 du code de la santé publique prévoit que, lorsque la CRCI estime que le dommage est indemnisable par la mise en jeu de la solidarité nationale, au titre du II de l'article L. 1142-1 du même code ou au titre de son article L. 1142-1-1, l'ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. En vertu du premier alinéa de l'article L. 1142-20 de ce code, la victime ou ses ayants droit disposent du droit d'action en justice contre l'office si aucune offre ne leur a été présentée ou s'ils n'ont pas accepté l'offre qui leur a été faite.

3. Lorsque l'ONIAM fait à la victime ou à ses ayants droit une offre partielle, qui ne porte que sur certains postes de préjudice, ou qu'il refuse l'indemnisation de certains postes, une telle offre partielle ou un tel refus partiel constitue une décision qui lie, pour les préjudices sur lesquels l'Office s'est prononcé, le contentieux indemnitaire devant le juge administratif. Le délai de recours de cette action indemnitaire ne court qu'à compter de la notification de l'ultime proposition de l'ONIAM ou de sa décision de rejet d'indemnisation pour les postes de préjudices restants.

4. Par ailleurs, s'il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. Il en va notamment ainsi des recours indemnitaires engagés par les victimes d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou à leurs ayants droit, auxquels l'ONIAM a adressé ou refusé une offre d'indemnisation, que ce soit à titre partiel ou à titre global et définitif.

Sur le pourvoi :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'offre d'indemnisation du 2 mars 2015 que l'ONIAM a adressée à Mme A..., qui ne portait que sur les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent, le préjudice sexuel et les frais de véhicule adapté et qui réservait explicitement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la position de l'office sur les autres préjudices dans l'attente de pièces justificatives complémentaires, ne comportait pas la mention du délai de recours dont disposait l'intéressée pour saisir la juridiction compétente si elle entendait contester le montant proposé. Par suite, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué juge que ce délai n'était pas opposable aux conclusions par lesquelles Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris la réparation des cinq préjudices mentionnés ci-dessus. L'arrêt juge toutefois que ces mêmes conclusions étaient tardives, en raison de ce qu'elles n'ont pas été présentées dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'intéressée a eu connaissance de l'offre d'indemnisation de l'ONIAM. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il est entaché d'erreur de droit.

6. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l'arrêt, Mme A... est, par suite, fondée à en demander, dans cette mesure, l'annulation.

7. En second lieu, pour rejeter les conclusions de Mme A... tendant à la réparation de sa perte de gains professionnels, la cour a jugé que cette perte avait été intégralement compensée par la pension d'invalidité versée par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France. Pour statuer ainsi, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, apprécier le montant de la perte de revenus en se référant à la rémunération perçue par l'intéressée en 2011, en application d'un contrat à durée déterminée conclu avec le Centre national de la recherche scientifique, sans prendre en compte les revenus très fluctuants perçus à l'étranger au cours des trois années précédentes. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la réparation des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel et des frais de véhicule adapté.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'ONIAM à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM, au même titre, le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme A....

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 4 octobre 2018 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant à la réparation des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel et des frais de véhicule adapté.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris dans cette mesure.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5: La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426049
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - OFFRE PARTIELLE OU REFUS PARTIEL D'INDEMNISATION DE L'ONIAM - DÉCISION LIANT LE CONTENTIEUX INDEMNITAIRE - EXISTENCE.

54-01-02 Lorsque l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) fait à la victime ou à ses ayants droit une offre partielle, qui ne porte que sur certains postes de préjudice, ou qu'il refuse l'indemnisation de certains postes, une telle offre partielle ou un tel refus partiel constitue une décision qui lie, pour les préjudices sur lesquels l'Office s'est prononcé, le contentieux indemnitaire devant le juge administratif.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - OFFRE PARTIELLE OU REFUS PARTIEL D'INDEMNISATION DE L'ONIAM - DÉCLENCHEMENT DU DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX - NOTIFICATION DE L'ULTIME PROPOSITION DE L'ONIAM OU DE SA DÉCISION DE REJET D'INDEMNISATION POUR LES POSTES DE PRÉJUDICE RESTANTS.

54-01-07 Lorsque l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) fait à la victime ou à ses ayants droit une offre partielle, qui ne porte que sur certains postes de préjudice, ou qu'il refuse l'indemnisation de certains postes, une telle offre partielle ou un tel refus partiel constitue une décision qui lie, pour les préjudices sur lesquels l'Office s'est prononcé, le contentieux indemnitaire devant le juge administratif. Le délai de recours de cette action indemnitaire ne court qu'à compter de la notification de l'ultime proposition de l'ONIAM ou de sa décision de rejet d'indemnisation pour les postes de préjudices restants.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITÉ SANS FAUTE - ACTES MÉDICAUX - OFFRE PARTIELLE OU REFUS PARTIEL D'INDEMNISATION DE L'ONIAM - 1) DÉCISION LIANT LE CONTENTIEUX INDEMNITAIRE - EXISTENCE - 2) DÉCLENCHEMENT DU DÉLAI DE RECOURS CONTENTIEUX - NOTIFICATION DE L'ULTIME PROPOSITION DE L'ONIAM OU DE SA DÉCISION DE REJET D'INDEMNISATION POUR LES POSTES DE PRÉJUDICE RESTANTS.

60-02-01-01-005-02 1) Lorsque l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) fait à la victime ou à ses ayants droit une offre partielle, qui ne porte que sur certains postes de préjudice, ou qu'il refuse l'indemnisation de certains postes, une telle offre partielle ou un tel refus partiel constitue une décision qui lie, pour les préjudices sur lesquels l'Office s'est prononcé, le contentieux indemnitaire devant le juge administratif.... ,,2) Le délai de recours de cette action indemnitaire ne court qu'à compter de la notification de l'ultime proposition de l'ONIAM ou de sa décision de rejet d'indemnisation pour les postes de préjudices restants.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2020, n° 426049
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426049.20200708
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