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04/10/2018 | FRANCE | N°18PA00605

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 octobre 2018, 18PA00605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser une somme de 417 853,30 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge à l'hôpital Cochin le 4 juillet 2011.

Par un jugement n° 1613322/6-1 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...une somme totale de 82 490,61 euros et a rejeté

le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser une somme de 417 853,30 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge à l'hôpital Cochin le 4 juillet 2011.

Par un jugement n° 1613322/6-1 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...une somme totale de 82 490,61 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 21 février 2018 et le 18 juin 2018, MmeA..., représentée par Me Wust, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1613322/6-1 du 22 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme totale de 417 853,30 euros en réparation de son préjudice subi dans les suites de l'accident médical non fautif consécutif à son intervention chirurgicale du 4 juillet 2011, soit :

- frais d'assistance à expertise 1 000,00 euros,

- dépenses de santé actuelles 1 018,40 euros

- frais restés à charge avant consolidation 4 348,54 euros

- perte de gains professionnels actuels 2 502,25 euros

- tierce personne temporaire 10 494,00 euros

- dépenses de santé futures à réserver

- perte de gains professionnels futurs 194 236,11 euros

- incidence professionnelle 50 000,00 euros

- tierce personne permanente 14 976,00 euros

- déficit fonctionnel temporaire 5 478,00 euros

- préjudice esthétique temporaire 2 000,00 euros

- déficit fonctionnel permanent 59 800,00 euros

- souffrances endurées 20 000,00 euros

- préjudice d'agrément 15 000,00 euros

- préjudice sexuel 15 000,00 euros

- préjudice esthétique permanent 2 000,00 euros

- préjudice permanent exceptionnel 20 000,00 euros.

3°) de mettre à la charge de l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM) le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a déclaré irrecevables les demandes formulées au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel en raison de leur tardiveté ;

- l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser doit être portée à la somme totale de 417 853,30 euros.

Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 24 avril 2018, l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM), représenté par la SELARLU Olivier Saumon Avocat, conclut, à titre principal, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à ce que les préjudices soient liquidés de la manière suivante :

- les frais d'assistance à l'expertise à une somme n'excédant pas 700 euros ;

- le besoin permanent d'assistance par une tierce personne à une somme n'excédant pas 12 425,92 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire à une somme n'excédant pas 2 739 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent à une somme n'excédant pas 54 853 euros ;

Il conclut, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour statuerait à nouveau sur le besoin temporaire d'assistance par tierce personne, à ce que ce préjudice soit évalué à une somme n'excédant pas 8 554,93 euros, sous réserve de déduction des prestations servies à ce titre.

Il conclut, à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne considérerait pas irrecevables les demandes formulées par Mme A...au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel, à ce que ces préjudices soient liquidés de la manière suivante :

- les souffrances endurées à une somme n'excédant pas 7 201 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire à une somme n'excédant pas 100 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent à une somme n'excédant pas 54 853 euros ;

- le préjudice sexuel à une somme n'excédant pas 7 000 euros.

Il conclut, en toute hypothèse, à ce que la provision déjà versée d'un montant de 13 300 euros soit déduite de l'indemnisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Aurélie Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Wust, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., née le 8 juin 1966, souffrant de troubles respiratoires causés par un goitre multinodulaire, a été opérée le 4 juillet 2011 à l'hôpital Cochin pour une thyroïdectomie totale. A l'issue de l'opération, elle a souffert d'épisodes de dyspnée aiguë, de fausses routes et de troubles touchant les cordes vocales, diagnostiqués comme une paralysie laryngée par atteinte des deux nerfs récurrents. Si l'atteinte du côté gauche a été régressive, elle ne l'a été que de manière incomplète et l'atteinte du côté droit n'a connu aucune amélioration. MmeA..., qui reste atteinte d'une dysphonie, de dyspnée et de troubles respiratoires, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France d'une demande d'indemnisation. La commission a rendu son avis le 7 octobre 2014, par lequel elle a estimé que l'indemnisation de l'accident médical subi par Mme A... incombait à l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique. Par un courrier en date du 2 mars 2015, l'ONIAM a présenté à Mme A...une proposition d'indemnisation partielle portant sur cinq postes de préjudices (souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel et frais de véhicule adapté) dans l'attente de la production de pièces complémentaires pour l'indemnisation des autres postes de préjudices. Mme A...n'a pas donné suite à cette offre d'indemnisation et a introduit une requête en référé provision devant le Tribunal administratif de Paris. Par une ordonnance en date du 9 juillet 2015, le juge des référés de ce tribunal a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...une provision de 13 300 euros, dont le montant correspondait à celui de l'offre d'indemnisation partielle en date du 2 mars 2015. Par le jugement attaqué du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...une somme totale de 82 490,61 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'accident médical survenu le 4 juillet 2011 et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur l'irrecevabilité partielle de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " et aux termes de l'article R. 421-1 du même code, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ; il résulte de ces dispositions que lorsque la notification d'une décision ne comporte pas les mentions requises, le délai de deux mois prévu par l'article R. 421-1 n'est pas opposable.

3. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

5. D'une part, le délai raisonnable mentionné ci-dessus au terme duquel un recours juridictionnel ne peut plus être exercé est applicable aux offres d'indemnisation présentées sur le fondement de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, qui dispose que " lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1 l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil ", qui présentent le caractère de décisions administratives individuelles. D'autre part, la circonstance que l'article L. 1142-20 du code de la santé publique, qui dispose que " La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d'action en justice contre l'office si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite ", ne prévoit aucun délai particulier pour l'exercice de cette action en justice, hormis la prescription décennale qui résulte de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, n'exonère pas le destinataire de l'offre d'indemnisation du respect du délai raisonnable mentionné ci-dessus au terme duquel un recours juridictionnel ne peut plus être exercé.

6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 2 mars 2015, l'ONIAM a soumis à la signature de Mme A...un protocole d'indemnisation transactionnelle partielle portant sur une indemnité totale de 13 300 euros (soit, au jour de l'offre, 5 400 euros au titre des souffrances endurées, 100 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 800 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 7 000 euros au titre du préjudice sexuel), auquel Mme A...n'a pas donné suite. Ce courrier indiquait qu'" en cas de désaccord de votre part sur la présente offre, il vous appartiendra de saisir le tribunal compétent en application des dispositions des articles L. 1142-8 et L. 1142-20 du code de la santé publique. Les juridictions de recours sont les juridictions compétentes pour connaître de l'accident médical à l'origine du litige : le tribunal administratif si un acteur de santé du secteur public est en cause (...). Le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de réalisation de l'acte de soins en cause ", mais ne comportait toutefois aucune mention relative au délai de recours contentieux.

7. Il résulte de l'instruction que Mme A...a eu connaissance au plus tard le 17 juin 2015, date à laquelle elle a introduit une requête en référé provision mentionnant cette offre, de ce courrier en date du 2 mars 2015 par lequel l'ONIAM lui a fait une offre d'indemnisation partielle. Bien que la notification de cette offre d'indemnisation ait été ainsi incomplète au regard des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative faute de préciser la durée du délai de recours contentieux, il résulte de ce qui a été dit aux points 3, 4 et 5 ci-dessus que les conclusions dont Mme A...a saisi le tribunal administratif par la présente requête enregistrée le 29 août 2016, soit plus d'un an après qu'elle a eu connaissance de l'offre d'indemnisation partielle de l'ONIAM, ne sont pas recevables en tant qu'elles sont relatives aux postes de préjudices mentionnés dans cette offre d'indemnisation. A cet égard, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'ONIAM n'aurait formulé qu'une offre d'indemnisation partielle, à l'exclusion de toute offre d'indemnisation définitive, dès lors que l'offre dont s'agit, s'il elle ne portait que sur un nombre limité de chefs de préjudice qui seuls pouvaient donner lieu à indemnisation au jour de cette proposition et était ainsi partielle, n'en était pas moins définitive pour ce qui concerne ces postes de préjudice. Enfin, la seule circonstance, alléguée par MmeA..., qu'à la date de l'intervention de la décision du Conseil d'Etat ayant fixé la règle rappelée au point 3, le délai raisonnable de recours dont elle disposait était déjà expiré, ne constitue pas une circonstance particulière de nature à justifier que soit retenu au cas d'espèce un délai supérieur à un an dès lors qu'il appartient au juge, ainsi qu'il a été dit au point 4, de faire application de cette règle au litige dont il est saisi quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'application au litige en cours de la règle rappelée au point 3 aurait porté une atteinte grave à son droit à un procès équitable.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables en raison de leur tardiveté les conclusions indemnitaires présentées par Mme A...en tant qu'elles concernaient les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent et le préjudice sexuel.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Sur les dépenses de santé :

9. Il résulte de l'instruction que certaines dépenses de santé exposées par Mme A...avant la date de consolidation, fixée au 12 février 2013 par l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, sont restées à sa charge, notamment parce que la requérante n'a souscrit un contrat auprès d'une mutuelle qu'à compter de l'année 2013. Si Mme A... produit des pièces justificatives aux fins d'établir le montant du préjudice qu'elle évalue à 1018,40 euros, plusieurs des pièces produites à ce titre concernent des dépenses qui ne peuvent être prises en compte pour établir le montant du préjudice indemnisable : en particulier, les dépenses exposées avant l'accident médical du 4 juillet 2011, sans lien avec le dommage, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement par l'ONIAM, de même, les factures concernant les frais médicaux ne présentant pas de lien établi avec les conséquences de l'accident médical, notamment le traitement hormonal de substitution qui aurait été prescrit même en l'absence de dommage, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement par l'ONIAM. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges, compte tenu de ces éléments et des pièces produites par MmeA..., ont estimé qu'il sera fait une exacte évaluation des préjudices subis au titre des dépenses de santé actuelles restées à la charge de MmeA..., relatives aux frais d'hospitalisation à compter du 7 juillet 2011, aux frais des consultations médicales et examens médicaux exposés du fait de l'accident, aux dépenses de médicaments prescrits du fait de l'accident médical et aux frais de copie du dossier médical, en fixant la somme due à ce titre à 574,96 euros.

Sur les frais divers liés au handicap :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'opération chirurgicale du 4 juillet 2011, Mme A...a pris du poids et a suivi un régime avant de retrouver, au plus tard au jour de l'expertise, le poids qu'elle avait avant l'intervention, soit 64 kilogrammes. Mme A...impute cette prise de poids temporaire à l'arrêt de ses activités sportives dû aux conséquences, troubles respiratoires notamment, de l'accident médical qu'elle a subi lors de l'opération du 4 juillet 2011. A supposer même que la prise de poids constatée après l'opération de thyroïdectomie soit uniquement imputable à l'arrêt par la patiente de ses activités sportives, ce qui n'est pas établi en l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme A...ne justifiait pas, par la seule production de factures de la société Natur House pour un montant total de 685,34 euros d'achats de " compléments alimentaires " et d'un certificat médical peu circonstancié en date du 20 avril 2016 faisant état de ce qu'elle est suivie " pour un syndrome d'apnées du sommeil qui nécessite une prise en charge diététique associée avec régime amaigrissant ", que les dépenses précitées seraient en lien direct et certain avec le dommage qu'elle a subi du fait de l'intervention chirurgicale du 4 juillet 2011.

11. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les frais de médecine esthétique engagés par Mme A...pour la réalisation d'une " liposuccion de la culotte de cheval sur la face interne des cuisses et des genoux " et les frais pharmaceutiques afférents à cette intervention puissent être regardés comme directement imputables au dommage lié à l'atteinte bilatérale des nerfs récurrents. A supposer même que ces frais aient été engagés, comme le soutient la requérante, afin de l'aider à perdre le poids pris à la suite de l'arrêt des activités sportives qui serait lui-même dû aux conséquences de la thyroïdectomie, il résulte de l'instruction que cette intervention n'a été réalisée qu'en 2016, soit environ deux ans après l'expertise, au cours de laquelle l'expert a pourtant noté que Mme A...avait regagné un poids équivalent à celui qu'elle avait avant l'intervention litigieuse du 4 juillet 2016. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme A... n'était pas fondée à demander la condamnation de l'ONIAM à prendre en charge de telles dépenses.

12. En troisième lieu, Mme A...justifie, par les pièces qu'elle produit, avoir exposé une somme totale de 243,70 euros de transports en commun pour se rendre à diverses consultations médicales rendues nécessaires par le dommage subi lors de la thyroïdectomie. Par suite, en prenant en compte la somme pouvant être évaluée à 365,55 euros au titre des frais de déplacement en voiture exposés après son déménagement dans le département du Vaucluse en septembre 2012, il y a lieu de porter à la somme de 609,25 euros la somme de 578,40 euros allouée par les premiers juges au titre du total des frais de déplacements imputables au dommage.

13. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que Mme A...a eu besoin d'une assistance par une tierce personne (qui, en l'espèce, lui a été apportée par son fils et ses proches) à raison d'une heure par jour entre le 10 juillet 2011 et la consolidation intervenue le 12 février 2013, soit pendant 583 jours. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant la somme de 8 220 euros allouée à ce titre par les premiers juges à la somme de 10 494 euros demandée par MmeA....

14. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que Mme A...a également besoin, ainsi qu'elle le demande, d'une assistance par une tierce personne à raison de deux heures par semaine jusqu'à la majorité de son fils, né le 10 juin 2003, soit jusqu'au 10 juin 2021. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant la somme de 6 748 euros allouée à ce titre par les premiers juges à la somme de 14 976 euros demandée par MmeA....

Sur les pertes de gains professionnels futurs :

15. Il résulte de l'instruction que Mme A...était, à la date de l'intervention chirurgicale du 4 juillet 2011, agent contractuel du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (contrat à durée déterminée conclu pour la période du 1er novembre 2010 au 30 juin 2012) et exerçait des fonctions de chercheur en climatologie au sein du laboratoire des sciences du climat et de l'environnement de Gif-sur-Yvette. L'article 3 de son contrat de travail stipulait que " le bénéficiaire perçoit, pour un travail à temps plein une rémunération mensuelle brute de 2 971,2 euros exclusive de toutes primes et indemnités. ". Selon l'avis d'imposition de Mme A... pour les revenus de l'année 2011, seule année pleine du contrat au CNRS, ses revenus salariaux ont été de 27 373 euros, soit 2 281,08 euros mensuels. A compter du 1er février 2015, Mme A...a occupé un emploi d'ingénieur à l'Institut de recherche pour le développement, en tant que travailleur handicapé, à 60 % du quota horaire au 1er février 2015, à 80 % à compter du 1er juillet 2015 et à 90 % à compter du 1er septembre 2017 ; la décision de recrutement produite fait état d'une rémunération brute mensuelle de 1 385,69 euros, pour un service à temps incomplet (60 %) exclusive de toutes primes et indemnités ; selon son avis d'imposition pour les revenus de l'année 2016, première année pleine de sa nouvelle activité, ses revenus salariaux ont été de 22 090 euros, soit 1 840,83 euros mensuels. Ainsi, en prenant en considération les années pleines de deux emplois occupés par Mme A...avant et après l'intervention chirurgicale du 4 juillet 2011, sa rémunération réelle nette a baissé, indépendamment des temps partiels, et plus encore en prenant en considération le fait que, à compter du 1er septembre 2017, elle travaille à temps partiel à 90 %.

16. Cependant, aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels.

17. Il résulte de l'instruction que Mme A...a perçu une pension d'invalidité de première catégorie à compter du 4 mai 2012, pour un montant de 5 798,96 euros par an jusqu'en 2014, puis un montant de 5 909,60 euros par an à compter du 1er avril 2014, soit un montant total (arrérages échus et capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er mars 2015 jusqu'à la retraite) de 82 012,06 euros ; le service médical départemental de la CRAMIF a estimé que les prestations d'invalidité était imputables à 75 %, soit à hauteur de 61 509,05 euros, à l'accident médical du 4 juillet 2011. Cette pension a pour objet de réparer les pertes de revenus professionnels subis par la victime. La différence de rémunération mentionnée ci-dessus au point 15 entre deux emplois occupés par Mme A...avant et après l'intervention chirurgicale du 4 juillet 2011 correspondant au montant de la pension d'invalidité de première catégorie qui lui est servie depuis le 4 mai 2012, il y a lieu, par suite, de considérer que cette pension d'invalidité permet la réparation intégrale de cette perte de rémunération future.

Sur l'incidence professionnelle :

18. Il résulte de l'instruction que MmeA..., qui exerçait l'activité de chercheur en climatologie, présente depuis son accident médical une importante dysphonie et des troubles respiratoires qui limitent ses perspectives professionnelles dès lors qu'elle ne peut plus exercer des activités d'enseignement, dispenser des conférences ou participer aux congrès internationaux, et rester ainsi au niveau international dans le domaine très compétitif des sciences du climat. Elle subit également une augmentation de la pénibilité de son travail et se voit contrainte de limiter ses choix professionnels en raison de la nécessité de privilégier des postes sédentaires. Elle a dû ainsi se réorienter vers des postes d'ingénieur, c'est-à-dire un statut et un niveau de compétence inférieur à ceux qui étaient les siens avant l'accident médical. Cependant, si Mme A...fait valoir qu'elle a dû renoncer à des missions d'océanographie, les pièces produites ne permettent pas d'établir que Mme A...avait poursuivi de telles missions au-delà de l'année 1998 et donc que l'arrêt de telles missions soit imputable à l'accident médical dont elle a été victime en 2011. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi du fait de l'incidence professionnelle du dommage en l'évaluant à la somme de 20 000 euros, qui doit être mise à la charge de l'ONIAM.

Sur les autres dépenses liées au dommage corporel :

19. Il résulte de l'instruction que Mme A...a été assistée, lors de la réunion d'expertise du 27 juin 2014, par un médecin conseil dont la note d'honoraires, qui a été produite, s'élève à la somme de 1 000 euros. Si l'ONIAM, dans son appel incident, fait valoir qu'" en vertu de son référentiel, [il] limite l'indemnisation des frais d'assistance par un médecin conseil à la somme de 700 euros ", ce référentiel, qui n'est qu'indicatif, ne saurait s'imposer au juge lorsque, comme en l'espèce, la somme exposée au titre des frais liés à l'expertise est établie. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu de condamner l'ONIAM à lui rembourser cette somme. Par suite, les conclusions à fin d'appel incident de l'ONIAM portant sur ce chef de préjudice doivent être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

20. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que Mme A...a subi un déficit fonctionnel temporaire total, imputable à l'accident médical, du 8 au 11 juillet 2011 et du 6 au 13 septembre 2011, pour une nouvelle intervention de cordotomie. Mme A...a également souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel du 12 juillet 2011 au 5 septembre 2011, puis du 14 septembre 2011 au 12 février 2013, date de la consolidation de son état de santé, ce déficit fonctionnel partiel pouvant être évalué à un taux de 30 % selon l'expertise. Les premiers juges ont à bon droit estimé qu'il serait fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A...en le fixant à la somme de 3 684 euros. Par suite, tant les conclusions de Mme A... que celles à fin d'appel incident de l'ONIAM concernant ce poste de préjudice doivent être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Sur le déficit fonctionnel permanent :

21. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que Mme A...reste atteinte, en raison des troubles respiratoires, de la dysphonie et des fausses routes, d'un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident médical évalué par l'expertise à 26 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu de l'âge de Mme A...à la date de consolidation, à la somme de 52 000 euros et en ramenant ainsi à cette somme la somme de 55 000 euros allouée par le jugement attaqué.

Sur le préjudice d'agrément :

22. Il résulte de l'instruction que Mme A...pratiquait, avant l'intervention litigieuse, plusieurs activités sportives régulières, telles que la course à pied, la plongée sous-marine, la randonnée en montagne et le cyclisme. La requérante justifie ainsi notamment, par la production d'attestations et de documents divers, qu'elle pratiquait la course à pied de manière régulière et intensive, qu'elle a participé à un marathon en 2008 et qu'elle avait également, avant l'intervention de thyroïdectomie, l'habitude de pratiquer de nombreux loisirs sportifs et de se déplacer essentiellement à bicyclette. Les séquelles de son intervention ayant rendu impossible la poursuite de ces diverses activités de loisir, la requérante est fondée à demander la condamnation de l'ONIAM à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.

Sur le préjudice permanent exceptionnel :

23. Pour demander l'indemnisation d'un " préjudice permanent exceptionnel ", Mme A... fait valoir qu'elle est gênée au plan respiratoire notamment pour marcher longtemps et particulièrement en montée et pour pratiquer des activités courantes, qu'alors qu'elle était une sportive de haut niveau et dynamique elle est désormais gênée pour pratiquer la moindre activité physique et que, depuis l'accident, elle ne peut vivre comme auparavant et a donc subi une perte de qualité de vie. Toutefois, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, les préjudices dont fait ainsi état Mme A...sont déjà indemnisés au titre, d'une part, du déficit fonctionnel permanent, et, d'autre part, du préjudice d'agrément. Par suite, sa demande au titre d'une indemnisation supplémentaire relative aux troubles dans les conditions d'existence et à un préjudice permanent exceptionnel doit être rejetée.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 82 490,61 euros que l'ONIAM a été condamné, par le jugement dont la réformation est demandée, à verser à Mme A...en réparation de son préjudice subi dans les suites de l'accident médical non fautif consécutif à son intervention chirurgicale du 4 juillet 2011 est portée à la somme de 110 023,46 euros, déduction ayant été faite de la provision de 13 300 euros que le juge des référés a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... par l'ordonnance en date du 9 juillet 2015.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le paiement à Mme A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 82 490,61 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A...en réparation de son préjudice subi dans les suites de l'accident médical non fautif consécutif à son intervention chirurgicale du 4 juillet 2011 est portée à la somme de 110 023,46 euros, déduction ayant été faite de la provision de 13 300 euros que le juge des référés a condamné l'ONIAM à verser à MmeA... par l'ordonnance en date du 9 juillet 2015.

Article 2 : Le jugement n° 1613322/6-1 du 22 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...et de l'appel incident interjeté par l'ONIAM est rejeté.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à l'Office national des infections nosocomiales, des infections iatrogènes et des accidents médicaux (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne et à EOVI-MCD-MUTUELLE.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00605
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AARPI VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-04;18pa00605 ?
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