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29/06/2020 | FRANCE | N°433166

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 29 juin 2020, 433166


Vu la procédure suivante :

La SAS Parc éolien des Grands Champs a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le préfet de la Charente a opposé un refus à sa demande de permis de construire portant sur un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée, dans le département de la Charente. Par un jugement n° 1600385 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif a, d'une part, admis l'intervention en défense de la SNC MSE Le Vieux Moulin et d

e la SVNC Energie France, d'autre part, rejeté cette demande.

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Vu la procédure suivante :

La SAS Parc éolien des Grands Champs a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le préfet de la Charente a opposé un refus à sa demande de permis de construire portant sur un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée, dans le département de la Charente. Par un jugement n° 1600385 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif a, d'une part, admis l'intervention en défense de la SNC MSE Le Vieux Moulin et de la SVNC Energie France, d'autre part, rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17BX04033 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la SAS Parc éolien des Grands Champs, d'une part, admis l'intervention en défense de la SNC MSE Le Vieux Moulin et de la SVNC Energie France, d'autre part, annulé les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif ainsi que l'arrêté du 18 décembre 2015 attaqué, et enfin, enjoint au préfet de la Charente de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.

Par un pourvoi, enregistré le 31 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC MSE Le Vieux Moulin et la SVNC Energie France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SAS Parc éolien des Grands Champs ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Parc éolien des Grands Champs le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société MSE Le Vieux Moulin et autre et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SAS Parc éolien des Grands Champs ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Parc éolien des Grands Champs a sollicité, le 29 décembre 2010, un permis de construire en vue de la réalisation d'un parc de douze éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Nanteuil-en-Vallée (Charente). Le silence gardé par le préfet de la Charente a fait naître une décision implicite de rejet, confirmée par une décision du 2 janvier 2013. Par un jugement du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions. La société Parc éolien des Grands Champs a confirmé sa demande le 15 décembre 2015. Par un arrêté du 18 décembre 2015, le préfet de la Charente lui a de nouveau opposé un refus. Par un jugement du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société Parc éolien des Grands Champs tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Saisie par cette dernière, la cour administrative d'appel de Bordeaux a cependant, d'une part, annulé les articles 2 et 3 du jugement du 13 décembre 2017 ainsi que l'arrêté du préfet de la Charente du 18 décembre 2015, d'autre part, enjoint au préfet de délivrer à la société Parc éolien des Grands Champs le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. La SNC MSE Le Vieux Moulin et la SVNC Energie France, cette dernière venant aux droits de la première en qualité de titulaire d'un permis de construire en vue de la réalisation d'un parc éolien sur des parcelles voisines ou, pour certaines éoliennes, sur les mêmes parcelles que celles concernées par le projet de la société Parc éolien des Grands Champs, se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les deux projets de parc éolien, l'un porté par la société Parc éolien des Grands Champs et l'autre par la société MSE Le Vieux Moulin, sont prévus dans le même secteur de la commune de Nanteuil-en-Vallée, et aboutiront à l'implantation d'aérogénérateurs situés à proximité immédiate. Ainsi, pour six d'entre eux, les aérogénérateurs doivent être installés à des distances respectives de 103,6 mètres, 114,7 mètres et 141,9 mètres de ceux de l'autre parc, réduisant à quelques mètres la distance en bout de pales, d'une longueur de 45 mètres pour un projet et d'une longueur de 46 mètres pour l'autre.

4. Pour juger que le projet en cause n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, la cour a retenu qu'il ne ressortait d'aucun élément du dossier qui lui était soumis qu'une telle proximité entre deux aérogénérateurs serait de nature à favoriser les risques de bris de pales ou d'effondrement de mâts et d'accroître, ce faisant, les risques auxquels seraient notamment exposées les personnes susceptibles de fréquenter le site. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que le projet de la société Parc éolien des Grands Champs se situe en partie dans le périmètre de risques du projet initialement porté par la société MSE Le Vieux Moulin, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment d'un avis du service interministériel de défense de protection civile (SIDPC) indiquant que ce projet paraissait incompatible avec celui présenté précédemment par la société MSE Le Vieux Moulin dans la mesure notamment où les éoliennes verraient leurs périmètres de zones à risques se superposer, et d'une note technique sur les inter-distances, produite par les sociétés requérantes, mettant en évidence que la proximité entre les aérogénérateurs favorise les phénomènes de turbulences au point qu'en deçà d'un périmètre inférieur à deux diamètres de rotor, le niveau de turbulences rend impossible techniquement l'implantation d'une autre éolienne, que la proximité des deux parcs était susceptible de causer des risques en termes de sécurité, la cour a dénaturé les éléments qui lui était soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation des articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société MSE Le Vieux Moulin et autre, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Parc éolien des Grands Champs le versement d'une somme de 3 000 euros aux sociétés requérantes au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 mai 2019 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La société Parc éolien des Grands Champs versera à la société MSE Le Vieux Moulin et autre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Parc éolien des Grands Champs présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SNC MSE Le Vieux Moulin, première requérante dénommée, à la SAS Parc éolien des Grands Champs, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 433166
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 433166
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433166.20200629
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