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24/02/2020 | FRANCE | N°426846

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 24 février 2020, 426846


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Equeurdreville-Hainneville (Manche) à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition, dans l'exercice de ses fonctions, aux émanations d'ozone provenant de photocopieurs. Par un jugement n° 1502591 du 2 mars 2017, le tribunal administratif a condamné la commune de Cherbourg-en-Cotentin, venue aux droits de la commune d'Equeurdreville-Hainneville, à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices.
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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Equeurdreville-Hainneville (Manche) à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition, dans l'exercice de ses fonctions, aux émanations d'ozone provenant de photocopieurs. Par un jugement n° 1502591 du 2 mars 2017, le tribunal administratif a condamné la commune de Cherbourg-en-Cotentin, venue aux droits de la commune d'Equeurdreville-Hainneville, à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices.

Par un arrêt n° 17NT01400 du 7 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel de la commune de Cherbourg-en-Cotentin, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 4 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Cherbourg-en-Cotentin ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A... et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Cherbourg-en-Cotentin ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., recruté en 1991 en tant qu'agent territorial par la commune d'Equeurdreville-Hainneville, a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner son employeur à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition aux émanations d'ozone provenant des photocopieurs qu'il a utilisés dans le cadre de ses fonctions entre le 1er février 2001 et le 25 octobre 2001. Par un jugement du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Cherbourg-en-Cotentin, créée à compter du 1er janvier 2016 par fusion de plusieurs communes dont celle d'Equeurdreville-Hainneville, à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices. La commune de Cherbourg-en-Cotentin a fait appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Nantes qui, par un arrêt du 7 novembre 2018, a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la demande de M. A.... Ce dernier demande l'annulation de cet arrêt.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le rapport d'expertise médicale rédigé le 2 novembre 2012 par le professeur Clin-Godard, à la demande du tribunal administratif de Caen, ce médecin indiquait que " l'aggravation de la pathologie asthmatique présentée par M. A... B... du 1er février 2001 au 25 octobre 2001 est (...) en relation directe et certaine avec son affectation à un poste nécessitant la réalisation de photocopies en nombre ", et que l'indication selon laquelle il n'était pas possible d'attribuer " l'ensemble des symptômes respiratoires actuellement allégués à l'exposition professionnelle à des émissions d'ozone subie par M. A... ", d'une part portait sur son état de santé à la date d'établissement de ce rapport par le médecin, et non pendant la période litigieuse, d'autre part écartait seulement l'imputabilité à cette exposition de la totalité des symptômes respiratoires, sans contredire l'imputabilité à celle-ci de l'aggravation de sa pathologie asthmatique pendant la période en litige. En jugeant que ce rapport d'expertise n'établissait pas l'existence d'un lien de causalité entre l'affectation de M. A... et l'aggravation de son asthme, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier.

3. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour s'est également fondée de manière déterminante, pour conclure à l'absence de lien de causalité direct et certain entre l'aggravation des difficultés respiratoires de M. A... et son exposition à l'ozone à raison de ses fonctions au sein des services de la commune d'Equeurdreville-Hainneville entre le 1er février 2001 et le 25 octobre 2001, sur d'autres rapports ou certificats médicaux et sur la circonstance que M. A... souffrait par ailleurs d'une maladie professionnelle imputable à l'amiante. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les autres certificats médicaux mentionnés par la cour corroboraient l'existence du lien entre la pathologie asthmatique de M. A... et son exposition à l'ozone ou, tel celui du docteur Guillais, ne se prononçaient pas sur cette pathologie mais sur le taux d'incapacité découlant de la maladie professionnelle imputable à l'amiante, et n'étaient donc pas de nature à contredire la conclusion du rapport d'expertise du professeur Clin-Godard. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de ce rapport d'expertise, qu'il n'existait aucun lien entre la pathologie asthmatique invoquée et la maladie professionnelle imputable à l'amiante, de sorte que l'existence de cette dernière était sans pertinence pour apprécier l'imputabilité au service de l'aggravation de la pathologie asthmatique de M. A.... Il en va de même de la circonstance que ce dernier n'avait pas contesté la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette aggravation. Dans ces conditions, et même si la cour a pu, sans dénaturation, relever également que l'exposition de M. A... à l'ozone avait pu être réduite du fait d'aménagements de son poste ou de la répartition des tâches au sein du service, ou de ses absences notamment pour congés de maladie, elle n'a pu déduire des éléments qu'elle a relevés, sans commettre d'erreur de qualification juridique, que le lien de causalité direct et certain entre l'exposition de M. A... à l'ozone et l'aggravation de ses difficultés respiratoires n'était pas établi.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions, en revanche, font obstacle aux conclusions présentées au même titre par la commune de Cherbourg-en-Cotentin.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 7 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La commune de Cherbourg-en-Cotentin versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Cherbourg-en-Cotentin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Cherbourg-en-Cotentin.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 426846
Date de la décision : 24/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2020, n° 426846
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426846.20200224
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