La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2018 | FRANCE | N°17NT01400

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 07 novembre 2018, 17NT01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Cherbourg-en-Cotentin à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition aux émanations d'ozone de photocopieurs.

Par un jugement n° 1502591 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Cherbourg-en-Cotentin à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire enregistrés les 3 mai 2017 et 5 juillet 2018, la commune de Cherbourg-en-Cotentin, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Cherbourg-en-Cotentin à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition aux émanations d'ozone de photocopieurs.

Par un jugement n° 1502591 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Cherbourg-en-Cotentin à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 mai 2017 et 5 juillet 2018, la commune de Cherbourg-en-Cotentin, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. A... ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de ses indemnités à 13 263 euros ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par M. A...devant la cour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel incident de M. A...est irrecevable dès lors que l'intéressé se contente de reprendre ses demandes de première instance sans faire de critique du jugement attaqué ;

- sa responsabilité ne peut être engagée compte tenu des antécédents médicaux de M. A... et de la très courte période durant laquelle il a été exposé au contact de photocopieurs ;

- les sommes accordées au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux sont, en tout état de cause, excessives ;

- les moyens développés par M. A...à l'appui de ses conclusions incidentes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2017, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 20 200 euros le montant de ses préjudices, à ce que cette somme soit portée à 26 453 euros et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Cherbourg-en-Cotentin ne sont pas fondés.

- il a dû se déplacer en train jusqu'à Caen pour consulter des spécialistes sans que ces frais, dont le montant s'élève à 121,20 euros ne lui remboursés ;

- il est fondé à solliciter la somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux permanents ;

- son déficit fonctionnel temporaire doit être porté à 3 204 euros pour la période du 1er février au 25 octobre 2001 et à 11 311,20 euros pour la période du 26 octobre 2001 au 5 mai 2011 ;

- il peut prétendre à la somme de 6 000 euros au titre des souffrances qu'il a endurées pendant près de 10 ans ;

- son préjudice d'agrément doit être évalué à 2 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté en 1991 en tant qu'agent territorial par la commune d'Equeurdreville-Hainneville, laquelle est devenue la commune de Cherbourg-en-Cotentin à compter du 1er janvier 2016, M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner son employeur à lui verser la somme de 26 453 euros en réparation des préjudices résultant de son exposition aux émanations d'ozone provenant des photocopieurs qu'il utilisait dans le cadre de ses fonctions entre le 1er février 2001 et le 25 octobre 2001. Par un jugement du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune à lui verser la somme de 20 200 euros en réparation de ses préjudices. La commune de Cherbourg-en-Cotentin relève appel de ce jugement et M. A...présente des conclusions d'appel incident.

Sur le principe de la responsabilité :

2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.

3. Si dans son rapport d'expertise établi le 2 novembre 2012, le professeur Clin-Godard du centre hospitalier universitaire de Caen, désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 12 avril 2011, a initialement estimé que " l'affectation de Monsieur A...D...à des travaux de photocopie intensive, du 1er février 2001 au 25 octobre 2001, a[avait] donné lieu à une recrudescence importante et durable de manifestations asthmatiques de nature irritative, liées aux émanations d'ozone par les photocopieurs. " il a en définitive, après un échange entre les parties, conclut que " l'absence de symptomatologie asthmatique de fond objectivée actuellement ne permet[ait] pas d'attribuer l'ensemble des symptômes respiratoires actuellement allégués, à l'exposition professionnelle à des émissions d'ozone subie par Monsieur A...du 1er février 2001 au 25 octobre 2001 ". Il est constant par ailleurs que d'une part, M. A...présentait des antécédents médicaux importants et que l'état asthmatique dont il souffrait depuis l'enfance était évolutif. Il avait en outre été exposé à l'amiante alors qu'il travaillait à l'entretien et au nettoyage des sous-marins à la direction des chantiers navals de 1967 à 1971, cette affection ayant fait l'objet d'une reconnaissance pour maladie professionnelle le 7 décembre 1999. Si le certificat établi par SOS médecin le 21 septembre 2001, fait état d'un accident dyspnéique imputé à des photocopies, les autres certificats médicaux, et notamment celui du docteur Guillais, qui a examiné l'intéressé le 17 octobre 2001, ne font pas état de problèmes liés à une exposition à l'ozone. Le professeur Letourneux, responsable du service de pathologie professionnelle du centre hospitalier public du Cotentin, a pour sa part seulement indiqué le 24 avril 2007 " que l'affectation à des travaux de photocopie intensive n'avait probablement pas été opportune du fait de son asthme " alors que le docteur Marquignon, praticien hospitalier du même service, constatait le 5 décembre 2007, que " l'hypothèse d'une exacerbation d'un asthme atopique par l'ozone dégagé par les photocopieurs est apparue plausible ". Le 26 mars 2010, la commission de réforme, saisie par l'intéressé à la fin du mois de novembre 2009, a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle référencée tableau n°66, excluant toutes relations entre les problèmes respiratoires du requérant et ses fonctions, sans que M. A...ne conteste la décision prise à la suite de cet avis. Il résulte d'autre part des pièces du dossier, que l'intéressé a bénéficié d'un aménagement de poste au service de documentation-courrier à compter du 1er février 2001 en raison de la découverte de sa maladie professionnelle liée à l'amiante. Dans une lettre du 29 janvier 2001 lui notifiant son changement de poste, il est ainsi clairement précisé que " par précaution pour votre santé, est exclu de ces fonctions le changement de cartouches d'encre du photocopieur, et ce en permanence ". Dans une note du 22 août 2001, MmeC..., responsable du secrétariat général, indique que les gros tirages de photocopies sont effectués par deux autres agents " pour ne pas incommoder Jean-François " qui se charge de la revue de presse et diffuse les copies des articles de journaux aux élus et services. La commune produit les attestations de la directrice de l'administration générale, responsable des services " documentation - archives - courrier ", " informatique " et " secrétariat général " et des deux collègues de M. A...confirmant ces propos. L'état récapitulatif des tirages sur le photocopieur de la maire indique qu'en 2001, 625 824 photocopies ont été effectuées sur 248 jours ouvrés, ce qui confirme que M. A...n'a pu réaliser des photocopies dans les proportions qu'il indique durant cette période. Enfin, la durée d'exposition de M. A...à l'ozone a été réduite entre le 1er février 2001 et le 25 octobre 2001 (soit 191 jours ouvrés). Si le bureau de M. A...se trouvait alors dans le local dédié aux photocopies, d'une surface de 18,42 m² et qui disposait d'une VMC et d'une fenêtre, l'intéressé n'y était pas présent en continu. Outre le fait qu'il assurait notamment la distribution du courrier au sein des services municipaux et même à l'extérieur de la mairie, M. A...a été placé à plusieurs reprises en arrêt maladie pour des lombalgies et dyspnées, a pris des congés et était très régulièrement absent pour raisons syndicales. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le lien de causalité direct et certain entre l'aggravation des difficultés respiratoires de M. A...et son exposition à l'ozone à raison de ses fonctions à la commune de Cherbourg-en-Cotentin entre le 1er février 2001 et le 25 octobre 2001 ne peut être regardé comme établi.

4. Il résulte de ce qui précède, que la commune de Cherbourg-en-Cotentin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser M.A....

Sur l'appel incident :

5. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'appel incident présentées par M.A....

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de Cherbourg-en-Cotentin de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 2 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. A...ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Cherbourg-en-Cotentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cherbourg-en-Cotentin et à M. A....

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01400
Date de la décision : 07/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-07;17nt01400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award