Vu la procédure suivante :
La caisse nationale des barreaux français a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle à cette cotisation et aux frais de gestion auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement n° 1516785/2-3 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces impositions.
Par un arrêt n° 17PA01155 du 14 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé ce jugement et remis à la charge de la caisse nationale des barreaux français les impositions en litige.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 14 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse nationale des barreaux français demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la caisse nationale des barreaux français ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, la caisse nationale des barreaux français, organisme de sécurité sociale chargé de la gestion de la retraite et de la prévoyance des avocats, a été assujettie, à raison des revenus tirés de la location de biens immobiliers, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), à la taxe additionnelle à la CVAE et aux frais de gestion de cette cotisation au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande de décharge de ces impositions. La caisse nationale des barreaux français se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis les impositions litigieuses à sa charge.
2. L'article 1586 ter du code général des impôts dispose que : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) ". Aux termes de l'article 1447 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; toutefois, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due lorsque l'activité de location ou de sous-location d'immeubles nus est exercée par des personnes qui, au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A, en retirent des recettes brutes hors taxes, au sens de l'article 29, inférieures à 100 000 € ou un chiffre d'affaires, au sens du 1 du I de l'article 1586 sexies, inférieur à 100 000 €. / Lorsque la période de référence ne correspond pas à une période de douze mois, le montant des recettes ou du chiffre d'affaires est ramené ou porté, selon le cas, à douze mois. / II. - La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa. / III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. ". Aux termes du premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2135-2 du code du travail, les fondations reconnues d'utilité publique, les fondations d'entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros (...) ". Il résulte des dispositions précitées de l'article 1586 ter du code général des impôts, éclairées par leurs travaux préparatoires que, pour définir les redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le législateur a entendu renvoyer à la définition des redevables de la cotisation foncière des entreprises telle qu'elle résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts.
3. Dès lors, il appartenait à la cour de vérifier si, comme elle le soutenait, la caisse nationale des barreaux français entrait dans le champ du II de l'article 1447. Par suite, en jugeant sans incidence sur l'assujettissement de la caisse nationale des barreaux français à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises la circonstance dont elle se prévalait que, à raison de son caractère non lucratif, elle n'était pas redevable de la cotisation foncière des entreprises en vertu des dispositions du II de l'article 1447 du code général des impôts et en se fondant exclusivement sur les dispositions du I du même article pour juger qu'elle était redevable de la CVAE à raison de son activité de location d'immeubles, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la caisse nationale des barreaux français est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la caisse nationale des barreaux français au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 14 mars 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la caisse nationale des barreaux français au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse nationale des barreaux français et au ministre de l'action et des comptes publics.