Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Caisse nationale des barreaux français a demandé au Tribunal administratif de Paris de la décharger, en droits et pénalités, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe additionnelle à cette cotisation et aux frais de gestion auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1516785/2-3 du 8 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à ses conclusions et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés respectivement les 5 avril et 19 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1516785/2-3 du 8 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de remettre à la charge de la Caisse nationale des barreaux français les impositions dont il a accordé la décharge.
Il soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en appliquant à une activité patrimoniale la franchise prévue au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts ; si le législateur n'a pas entendu remettre en cause, lors de la création de la cotisation foncière des entreprises (CFE), l'absence d'assujettissement des organismes sans but lucratif à raison de leurs activités non lucratives et, le cas échéant, de leurs activités lucratives accessoires, il a, en revanche, clairement choisi d'assujettir, au sein des activités regardées comme patrimoniales, celle consistant en la location d'immeubles nus à usage autre que d'habitation ; cette intention ressort notamment des travaux parlementaires ; il en résulte que la fourniture de telles locations, qui constitue une activité patrimoniale qualifiée de professionnelle par la loi pour l'établissement de la CFE, doit être assujettie à la CVAE, sans que les dispositions du II de l'article 1447 n'y fassent obstacle ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la CNBF ne rentrait pas dans le champ d'application de la cotisation foncière des entreprises et qu'en conséquence elle n'était pas passible de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en se fondant sur les dispositions du Il de l'article 1447 du code général des impôts, alors que ces disposition ne sont pas applicables d'une part, à l'activité locative en cause, et d'autre part, à la personne de la CNBF ;
- la CNBF est un organisme à but non lucratif qui perçoit des revenus de la location des immeubles dont elle est propriétaire ; ces revenus sont considérés au regard de l'impôt sur les sociétés comme des revenus patrimoniaux et imposés au taux réduit en application du 5 de l'article 206 du code général des impôts ; toutefois, pour ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, l'activité de location de la CNBF est exercée à titre professionnel par application du
2ème alinéa du I de l'article 1447 et est donc, au regard de la CFE une activité lucrative ;
- la franchise des impôts commerciaux figurant au 1bis de l'article 206 du code général des impôts, auquel renvoie le II de l'article 1447 du même code ne s'applique qu'aux revenus des activités considérées comme lucratives au regard notamment de l'impôt sur les sociétés, mais qui sont exercées à titre accessoire par certaines catégories d'organismes à but non lucratif limitativement énumérées ; cette franchise ne s'applique pas à la CNBF dès lors que, d'une part, ses revenus de locations sont, en matière d'impôt sur les sociétés, considérés comme des revenus patrimoniaux et imposés comme tels non pas en application du 1 bis de l'article 206 mais en application du 5 de cet article prévoyant un taux réduit d'imposition et que d'autre part, la CNBF ne rentre dans aucune des catégories d'organismes bénéficiaires de cette franchise d'impôt dont la liste est fixée au 1 bis de cet article 206 .
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet et 27 novembre 2017, la Caisse nationale des barreaux français conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens du recours du ministre n'est fondé ;
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'elle n'était pas soumise à la CVAE ; en tant qu'organisme sans but lucratif, elle se situe hors du champ d'application de la cotisation foncière des entreprises et donc de la CVAE, en vertu du II de l'article 1447 et du 1 bis de l'article 206 du code ; en tout état de cause, cette activité de location est indissociable de son activité de financement des régimes d'assurance vieillesse des avocats et dès lors, les revenus qu'elle en tire ne constituent pas des revenus patrimoniaux imposables à l'impôt sur les sociétés à taux réduit.
Par une ordonnance du 16 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au
1er décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me Gérard Orsini, avocat de la Caisse nationale des barreaux français.
Une note en délibéré a été déposée par Me A...pour la CNBF le 21 février 2018.
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), organisme de sécurité sociale chargé de la gestion de la retraite et de la prévoyance des avocats, a été assujettie, à raison des revenus tirés de la location de biens immobiliers, à la cotisation sur la valeur ajouté des entreprises (CVAE), à la taxe additionnelle à la CVAE et à des frais de gestion de la CVAE au titre des années 2011 et 2012 ; qu'ayant contesté ces impositions devant le Tribunal administratif de Paris, elle en a obtenu la décharge par un jugement n° 1516785/2-3 du 8 décembre 2016 dont le ministre de l'action et des comptes publics relève régulièrement appel ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.(...) " ; qu'aux termes de l'article 1447 du même code : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; toutefois, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due lorsque l'activité de location ou de sous-location d'immeubles nus est exercée par des personnes qui, au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A, en retirent des recettes brutes hors taxes, au sens de l'article 29, inférieures à 100 000 € ou un chiffre d'affaires, au sens du 1 du I de l'article 1586 sexies, inférieur à 100 000 €. (... )/ II. La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa (...) " ; et qu'aux termes du 1 bis de l'art 206 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " (..)1 bis Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2136-2 du code du travail, les fondations reconnues d'utilité publique, les fondations d'entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 €. Sont réputées lucratives les activités de gestion et de capitalisation, par les fonds de dotation, de dons, droits et legs dont les fruits sont versés à des organismes autres que ceux mentionnés au présent alinéa ou à des organismes publics pour l'exercice d'activités lucratives ; (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 2ème alinéa du I de l'article 1447 du code général des impôts rappelées ci-dessus qu'elles instituent une présomption irréfragable du caractère professionnel des activités de location ou de sous-location d'immeubles nus, hors location ou
sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, dès lors que ces activités génèrent un montant de recettes brutes supérieur ou égal à 100 000 euros ; que, dès lors, en vertu des dispositions de l'article 1586 ter, les personnes qui exercent de telles activités, et dont le chiffre d'affaires est supérieur au seuil fixé à cet article, sont redevables de la CVAE ; qu'est sans incidence la circonstance qu'en vertu du II de l'article 1447, applicable à la seule cotisation foncière des entreprises, cette cotisation ne soit pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les conditions fixées par ce même alinéa ; qu'est également sans incidence, pour l'application des articles 1447 et 1586 ter, la circonstance, invoquée par la Caisse, selon laquelle l'activité de location d'immeuble qu'elle exerce serait intrinsèquement liée à la réalisation de sa mission désintéressée et de ce fait non imposable sur le fondement du 5 de l'article 206 du code ; que, par suite, dès lors qu'il est constant que la CNBF a retiré de son activité de location des recettes brutes supérieures à 100 000 euros, tant en 2011 qu'en 2012, et que son chiffre d'affaires a excédé pour ces mêmes années le seuil de 152 500 euros, c'est à bon droit qu'elle a été assujettie aux impositions litigieuses ; que le ministre est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accordé à ladite caisse la décharge de ces impositions ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la CNBF en la déchargeant de la cotisation sur la valeur ajouté des entreprises, de la taxe additionnelle à ladite cotisation et des frais de gestion de cette cotisation mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ; que le ministre est, en conséquence en droit d'obtenir l'annulation dudit jugement et la remise à la charge de la CNBF des impositions litigieuses ; qu'en conséquence, les conclusions de la CNBF présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante :
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La cotisation sur la valeur ajouté des entreprises, la taxe additionnelle à ladite cotisation et les frais de gestion de cette cotisation, dont le jugement susmentionné a accordé la décharge à la Caisse nationale des barreaux français au titre des exercices clos en 2011 et 2012, sont remis à la charge de cet organisme.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Caisse nationale des barreaux français sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la Caisse nationale des barreaux français.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 février 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2018.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01155