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08/01/2020 | FRANCE | N°419279

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 08 janvier 2020, 419279


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, d'autre part, l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n°s 1600926, 1700020 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.r>
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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, d'autre part, l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n°s 1600926, 1700020 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17BX02090 du 14 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mars et 25 juin 2018 et 9 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser au Cabinet Briard, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., de nationalité turque, est entré une première fois en France en juin 2000. Après le rejet de ses demandes d'asile, il s'est vu opposer un refus de séjour avec invitation à quitter le territoire français le 7 décembre 2005, confirmé par le tribunal administratif de Limoges le 14 mai 2007. Après avoir regagné la Turquie en mars 2007, il est rentré en France le 19 septembre de la même année, muni d'un visa long séjour en qualité de salarié. Il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", régulièrement renouvelée entre le 19 septembre 2007 et le 8 septembre 2010. Par arrêté du 15 novembre 2011, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler ce titre de séjour. Par courrier du 17 juillet 2012, M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", en faisant notamment valoir la durée de sa présence en France. Le préfet de la Haute-Vienne a implicitement rejeté cette demande. Par arrêté du 12 septembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Enfin, par un arrêté du 4 avril 2017, le requérant a été placé en rétention administrative, laquelle a été interrompue par son hospitalisation le même jour. Par un jugement du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, d'autre part, de l'arrêté du 12 septembre 2016. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 novembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) / La carte porte la mention " salarié " lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-33 du code du travail : " Par dérogation à l'article R. 5221-32, la validité d'une autorisation de travail constituée d'un des documents mentionnés au 6° ou au 9° bis de l'article R. 5221-3 est prorogée d'un an lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi à la date de la première demande de renouvellement (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ou le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé / (...) ".

3. Il ressort des énonciations du jugement du 4 avril 2017 que le tribunal administratif de Limoges a relevé, d'une part, que la carte de séjour temporaire en qualité de salarié dont M. B... avait bénéficié avait perdu sa validité le 8 septembre 2010, bien avant ses demandes de titre de séjour du 17 juillet 2012, 5 mai 2014 et 17 mars 2015 et, d'autre part, que son recours contre le refus du 15 novembre 2011 du préfet de la Haute-Vienne de renouveler ce titre de séjour avait été successivement rejeté par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 mai 2012 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 juin 2013. Le tribunal en a déduit que n'étant plus muni d'une autorisation de travail valide, constituée par la carte de séjour temporaire prévue par le 6° de l'article R. 5221-3 du code du travail, M. B... ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 5221-33 du même code. Eu égard aux arguments invoqués devant elle, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation, adopter ces motifs pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 5221-33 du code du travail.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section. Les actes de procédure précédemment accomplis demeurent valables.valables L'avis d'audience se substitue, le cas échéant, à celui qui avait été adressé aux parties en application de l'article R. 776-11. / Toutefois, lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, la formation collégiale demeure saisie de ces conclusions, sur lesquelles elle se prononce dans les conditions prévues par la sous-section 1 de la section 2 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le président du tribunal ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur le recours contre la décision du préfet portant obligation de quitter le territoire lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit ce recours ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours. Toutefois, la formation collégiale du tribunal administratif demeure compétente pour statuer sur ce recours lorsque le requérant est placé en rétention ou assigné à résidence postérieurement à l'audience.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a introduit le 12 septembre 2016 un recours devant le tribunal administratif de Limoges pour contester la décision du préfet de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire et qu'il a fait l'objet d'une rétention administrative qui a débuté et s'est achevée le 4 avril 2017, date de lecture du jugement du tribunal. Dès lors que l'audience devant celui-ci a eu lieu le 30 mars 2017, avant le placement en rétention administrative, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce qu'en siégeant en formation collégiale, le tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article R. 776-17 du code de justice administrative.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., après avoir été invité à quitter le territoire national, a séjourné en Turquie de mars à septembre 2007, avant de regagner la France muni d'un visa long séjour en qualité de salarié. Ce séjour à l'étranger, à la suite d'une invitation à quitter le territoire national, a été de nature à interrompre la résidence habituelle du requérant en France. Par suite, le requérant ne peut se prévaloir que d'une résidence habituelle de neuf ans en France, entre le 19 septembre 2007 et le 12 septembre 2016. Il en résulte que la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis en considérant que M. B... ne pouvait pas se prévaloir d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que l'épouse et les six enfants de M. B... résident en Turquie, et, d'autre part, que celui-ci n'établit pas avoir noué des liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Dès lors, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 419279
Date de la décision : 08/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jan. 2020, n° 419279
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Ollier
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:419279.20200108
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