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14/11/2017 | FRANCE | N°17BX02090

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 17BX02090


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête enregistrée sous le n° 1600926, M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, par une requête enregistrée sous le n° 1700020, l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet de

la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours

et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600926 et n° 1700020 du 4 avril 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête enregistrée sous le n° 1600926, M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, par une requête enregistrée sous le n° 1700020, l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet de

la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600926 et n° 1700020 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et de travail mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil des sommes de

1 920 euros au titre de la première instance et de 2 400 euros au titre de l'appel en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- en application des articles R. 776-14 et suivants du code de justice administrative, le tribunal administratif de Limoges ne pouvait légalement statuer sur l'obligation de quitter le territoire français et devait transmettre les conclusions tendant à l'annulation de cette décision au juge unique du lieu de rétention ;

- aucune audience publique n'ayant eu lieu à la date du 4 avril 2017, le jugement qui mentionne cette date de lecture est entaché d'une violation de l'article R. 741-1 du code de justice administrative et de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont violé le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été destinataire des échanges entre la préfecture et le tribunal administratif, alors que la fixation de la date du délibéré au jour de son arrestation fait suite à une demande expresse de la préfecture ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissances de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les quelques semaines passées en Turquie en 2007 ne pouvant lui faire perdre le bénéfice de l'ancienneté de son séjour en France ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 5221-33 du code du travail et le droit au renouvellement du titre de séjour " salarié " en cas de perte involontaire d'emploi ;

- la décision méconnaît les accords d'association entre l'Union européenne et la Turquie, l'accord du 12 septembre 1963, le protocole additionnel du 23 novembre 1970 et la décision normative du conseil d'association du 19 septembre 1980 n° 1/80, plus particulièrement les articles 6 et 13 en lui opposant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail qui sont postérieures à la décision et en méconnaissance du droit au renouvellement automatique du titre de séjour salarié ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision porte une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale en méconnaissance du Préambule de la Constitution de 1946, de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

- elles sont illégales en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2017, le préfet de

la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête comme irrecevable pour tardiveté et à titre subsidiaire comme non fondée.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 1er juin 2017.

Par ordonnance du 20 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin ;

- et les observations de MeB..., représentant M.C.valables

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., né le 18 janvier 1955, de nationalité turque, est entré une première fois en France en juin 2000. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 août 2000, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 15 mars 2001 et sa demande d'asile territorial a été rejetée par décision du ministre de l'intérieur du 10 août 2004. Il a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejetée par décision de l'OFPRA du 5 janvier 2005, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 28 avril 2005, à la suite de laquelle il s'est vu opposer un refus de séjour avec invitation à quitter le territoire français le 7 décembre 2005, confirmé par le tribunal administratif de Limoges le 14 mai 2007. Retourné en Turquie, il est, à nouveau, entré en France le 19 septembre 2007, muni d'un visa long séjour en qualité de salarié. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié, régulièrement renouvelée entre le 19 septembre 2007 et le 8 septembre 2010. Le préfet de la Haute-Vienne a pris à son encontre un arrêté du 15 novembre 2011 refusant de renouveler ce titre de séjour, confirmé en dernier lieu par un arrêt de la présente cour du 18 juin 2013. Par courrier du 17 juillet 2012, M. C...a présenté une nouvelle demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " faisant notamment valoir la durée de sa présence en France. Par décision implicite de rejet, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande. Postérieurement, par arrêté du 12 septembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...a été assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne entre le 8 novembre et le 22 décembre 2016, par un arrêté du 8 novembre 2016 annulé par le tribunal administratif de Limoges le 15 novembre 2016. Enfin, par un arrêté du 4 avril 2017, il a été placé en rétention administrative à laquelle il a été mis fin le même jour en raison de son hospitalisation. M. C...relève appel du jugement

du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes dirigées contre, d'une part, la décision implicite de rejet opposée à sa demande de titre de séjour du 17 juillet 2012 et, d'autre part, l'arrêté du 12 septembre 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section. Les actes de procédure précédemment accomplis demeurent.valables L'avis d'audience se substitue, le cas échéant, à celui qui avait été adressé aux parties en application de l'article R. 776-11. / Toutefois, lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, la formation collégiale demeure saisie de ces conclusions, sur lesquelles elle se prononce dans les conditions prévues par la sous-section 1 de la section 2 (...) ".

3. Pour contester la régularité de la composition de la formation de jugement qui a statué sur l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, M. C...ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il a fait l'objet d'un placement en rétention par arrêté du 4 avril 2017 notifié le même jour à 8 h 30, intervenu postérieurement à la tenue de l'audience publique, le 30 mars 2017 à laquelle le conseil de l'appelant a fait valoir ses observations, et à l'issue de laquelle le jugement en litige a été rendu.

4. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Réserve faite des dispositions applicables aux ordonnances, la décision est prononcée en audience publique " et aux termes de l'article R. 741-2 du même code " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ".

5. Il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce dernier a été lu en audience publique le 4 avril 2017. En se bornant à alléguer, sans apporter aucun justificatif, ni commencement de preuve à l'appui de son affirmation, que le tribunal administratif de Limoges n'aurait pas tenu d'audience le mardi 4 avril 2017,

M. C...ne démontre pas que la lecture du jugement attaqué ne serait pas effectivement intervenue à la date ainsi mentionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'a pas été lu en audience publique le 4 avril 2017 doit être écarté.

6. M. C...ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient violé le principe du contradictoire, au motif qu'il n'aurait pas été destinataire des échanges entre la préfecture et le tribunal administratif, en faisant valoir que la fixation de la date du délibéré au jour de son arrestation ferait suite à une demande expresse de la préfecture. Il ressort, en effet, du dossier de première instance que le préfet a seulement communiqué, ainsi qu'il y était tenu, au tribunal administratif, le 4 avril 2017 à 11 h 27, l'arrêté plaçant M. C...en rétention administrative du même jour ainsi que la notification à l'intéressé de cet arrêté et de ses droits en rétention dont l'appelant avait, au demeurant, pris connaissance à 8 h 30. Il n'appartenait pas, par ailleurs, au tribunal de communiquer à M. C...cet arrêté, sur lequel en tout état de cause, il n'a pas fondé son jugement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

8. Si M. C...soutient qu'il réside en France depuis l'année 2000, il ressort des pièces qu'il produit qu'entré une première fois en France au mois de juin 2000, il l'a quittée au mois de mars 2007 après avoir fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire à la suite du rejet de sa demande de réexamen de sa demande asile. Il n'est pas contesté qu'il a alors résidé pendant six mois en Turquie au cours de l'année 2007 et n'est rentré à nouveau régulièrement sur le territoire français qu'au mois de septembre 2007. Compte tenu du motif de son retour dans son pays d'origine et de sa durée, M. C...ne pouvait, à la date du refus de séjour du 12 septembre 2016, être regardé comme justifiant d'une résidence habituelle depuis plus de dix ans depuis sa dernière entrée en France. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu, en application des dispositions précitées, de saisir la commission du titre de séjour.

9. En deuxième lieu, M. C...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article R. 5221-33 du code du travail, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer la réponse qui y a été apportée par les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre : / - a droit, dans cet État membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi ; / - a le droit, dans cet État membre, après trois ans d'emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d'un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l'emploi de cet État membre ; / - bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d'emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix./ 2. Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d'accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d'emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d'emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d'emploi antérieure. / 3. Les modalités d'application des paragraphes 1 et 2 sont fixées par les réglementations nationales. ". Aux termes de l'article 13 de la même décision : " Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi. ".

11. Si M.C..., qui avait sollicité un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", soutient qu'il peut obtenir la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article 6 de la décision n° 1/80 susmentionnée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il occupait, en tout état de cause, à la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour un emploi régulier, ni pouvant être regardé ainsi au sens des stipulations précitées. Il ne peut davantage se prévaloir utilement de la méconnaissance de l'article 13 de la même décision dès lors qu'il se trouvait en situation irrégulière lorsqu'il a présenté sa demande.

12. En quatrième lieu, aux termes du dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ". Aux termes de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État. / 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l'homme et à la femme à partir de l'âge nubile. / 3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. / 4. Les États parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (valables) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...)". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

13. Si M. C...réside en France depuis septembre 2007 et y a vécu auparavant de l'année 2000 jusqu'en mars 2007, il ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale particulière. Il est constant qu'il a fait l'objet le 15 novembre 2011 d'une obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de la Haute-Vienne, confirmée en dernier lieu par un arrêt de la présente cour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis cette date. Il ne conteste pas sérieusement ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses six enfants et son épouse. Il ne justifie pas notamment qu'il n'entretiendrait plus aucun lien avec cette dernière ou aurait entamé des démarches légales pour s'en séparer. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni

l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni les dispositions

du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

15. Il résulte de ce qui a été déjà dit que M. C...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté.

17. Dans les circonstances énoncées au point 12 ci-dessus, en prenant à l'encontre de l'appelant les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M.C.valables

18. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Haute-Vienne, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017

Le rapporteur,

Aurélie ChauvinLe président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02090
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-14;17bx02090 ?
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