Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 à raison de la réintégration dans leur revenu imposable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la société Podlogi Komfort, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1406463 du 12 décembre 2016, ce tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 17LY00606 du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence de nouveaux dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre l'article 2 de ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 2 août et 30 octobre 2018 et le 16 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire entièrement droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale conclue entre la France et la Pologne signée le 20 juin 1975 et publiée par le décret n° 76-1075 du 24 novembre 1976 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... est le gérant et principal associé de la société de droit polonais Podlogi Komfort Sp. z o.o., dont le siège social se situe à Varsovie en Pologne. Estimant que le siège de direction effectif de cette société se situait en France à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. et Mme B... au titre des années 2010 et 2011, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes qu'elle a regardées comme distribuées par la société Podlogi Komfort à M. B..., correspondant aux bénéfices que celle-ci n'avait pas déclarés en France. Par un jugement du 12 décembre 2016, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence de dégrèvements prononcés en cours d'instance, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de décharge des époux B.... Par un arrêt du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence de nouveaux dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre l'article 2 de ce jugement. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'article 3 de cet arrêt.
2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
3. Lorsque le redressement procède de l'imputation à un établissement stable situé en France, par l'intermédiaire duquel elle est regardée comme y exerçant son activité, de bénéfices réalisés par une société étrangère, il ne saurait par lui-même révéler l'existence d'une distribution de revenus par cette société, au sens de l'article 109 précité du code général des impôts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire des distributions soit le maître de l'affaire n'a pas davantage cet effet.
4. Après avoir relevé que les requérants n'apportaient pas d'éléments de nature à remettre en cause le montant et le caractère imposable en France des bénéfices de la société Podlogi Komfort déterminés par l'administration fiscale, la cour administrative d'appel de Lyon en a déduit qu'ils n'apportaient pas d'éléments de nature à remettre en cause le montant des revenus réputés distribués par cette société. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.