Vu la procédure suivante :
Le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de La Place a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2011 par laquelle le préfet de l'Ain l'a déchu de son droit aux aides du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et l'arrêté du 19 avril 2012 par laquelle le préfet de l'Ain, après avoir retiré son arrêté du 28 juillet 2011, l'a déchu de son droit aux aides du plan de modernisation des bâtiments d'élevage.
Par un jugement n° 1200877, 1203966 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 28 juillet 2011 du préfet de l'Ain, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande portant sur l'article 1er de l'arrêté du 19 avril 2012 du préfet de l'Ain et a rejeté le surplus des conclusions des demandes du GAEC de La Place.
Par un arrêt n° 15LY02267 du 4 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le GAEC de La Place contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 28 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le GAEC de La Place demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 ;
- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 ;
- le règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission du 7 décembre 2006 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2009-1452 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du groupement agricole d'exploitation en commun de La Place (GAEC) ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de La Place, qui a acquis en 2007 un robot de traite financé par un prêt bancaire de 150 000 euros, a déposé, le 24 mars 2010, une demande de subvention auprès du directeur départemental des territoires de l'Ain afin de remplacer ce robot par une salle de traite d'une capacité supérieure. Par un arrêté du 17 mai 2010, le préfet de l'Ain a attribué au GAEC de La Place une aide d'un montant de 15 133,88 euros au titre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, tandis que le conseil général de l'Ain lui a accordé, le 7 juin 2010, une aide d'un montant de 6 100 euros dans le cadre du même plan. Par un premier arrêté du 28 juillet 2011, le directeur départemental des territoires de l'Ain a prononcé la déchéance de son droit aux aides du plan de modernisation des bâtiments d'élevage. Par un second arrêté du 19 avril 2012, le directeur départemental des territoires de l'Ain a retiré son arrêté du 28 juillet 2011 et prononcé, à nouveau, la déchéance de ces mêmes droits. Par un jugement du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 28 juillet 2011, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande du GAEC de La Place dirigée contre l'article 1er de l'arrêté du 19 avril 2012 et rejeté le surplus des conclusions des demandes du GAEC de La Place. Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet du département peut donner délégation de signature (...) / 2°) Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes de l'article 44 du même décret : " I.- Les chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. Le préfet de département peut, par arrêté, mettre fin à tout ou partie de cette délégation. Il peut également fixer, par arrêté, la liste des compétences qu'il souhaite exclure de la délégation que peuvent consentir les chefs de service et l'adjoint auprès du directeur départemental des finances publiques aux agents placés sous leur autorité (...) ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 septembre 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain, le préfet de l'Ain a donné à M. B..., directeur départemental des territoires de l'Ain, délégation de signature de manière permanente pour toutes les décisions relatives aux aides agricoles et autorisé la subdélégation de cette signature aux agents placés sous l'autorité de M. B..., sous réserve d'un " accord préalable " de sa part. M. B... a ensuite délégué, par un arrêté du 4 avril 2012 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain, sa signature à Mme A..., chef du service des politiques agricoles et du développement des territoires de cette même direction, laquelle a signé l'arrêté du 19 avril 2012. Dès lors, en jugeant, par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif, que la circonstance que le préfet de l'Ain n'avait pas matérialisé son accord préalable à l'octroi de cette subdélégation est sans incidence sur sa régularité, la cour, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué, n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dans sa rédaction en vigueur à la procédure en cause : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en réponse au courrier du préfet de l'Ain du 11 juillet 2011 l'informant de l'ouverture à son encontre d'une procédure de déchéance de ses droits à l'aide du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et de ce qu'il pourrait lui faire part de ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire durant un délai de quinze jours à compter de la date de réception de ce courrier, à l'issue duquel lui serait notifiée la décision de déchéance, le GAEC de La Place a, par un courrier du 18 juillet 2011, fait part de ses observations sur la procédure en cours au service instructeur. Si la déchéance des droits du GAEC de La Place à l'aide en cause, prononcée le 28 juillet 2011 par un arrêté entaché d'incompétence, a été retirée par un arrêté du 19 avril 2012, lequel a prononcé, à nouveau, la déchéance de ces mêmes droits, aucun changement de droit ou de fait de nature à rendre nécessaire l'engagement d'une nouvelle procédure contradictoire n'est intervenu entre le 11 juillet 2011 et le 19 avril 2012. Par suite, en jugeant, par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif, que le préfet n'était pas tenu de recommencer la procédure contradictoire avant de prononcer, à nouveau et pour les mêmes motifs, la déchéance des droits à l'aide du plan de modernisation des bâtiments d'élevage par l'arrêté du 19 avril 2012, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposait au préfet de l'Ain d'informer le GAEC de La Place de la faculté qui lui était offerte par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, cité au point 3, de se faire assister par un conseil. Dès lors, en jugeant, par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif, qu'aucune obligation ne pesait sur ce préfet d'informer, par son courrier du 11 juillet 2011 le GAEC de La Place, qu'il pouvait se faire assister d'un conseil, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 71 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Feader : " 1. Sans préjudice des dispositions de l'article 39, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1290/2005, une dépense est éligible pour la participation du Feader si l'aide y afférente est effectivement payée par l'organisme payeur entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2015. (...) / 2. Les dépenses ne sont éligibles pour la participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l'autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité, selon les critères de sélection fixés par l'organe compétent. / 3. Les règles d'éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre du présent règlement pour certaines mesures de développement rural (...) ". Aux termes du I de l'article 1er du décret du 24 novembre 2009 fixant les règles d'éligibilité des dépenses des programmes de développement rural : " Le présent décret fixe les règles d'éligibilité à une participation financière communautaire ou nationale des dépenses effectuées dans le cadre des programmes de développement rural adoptés en application du règlement (CE) n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 (...) ". Aux termes de 1'article 5 du même décret : " I- Sont regardés comme des dépenses réelles justifiées par les bénéficiaires les paiements justifiés soit par des factures acquittées, soit par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers, soit par des pièces comptables de valeur probante équivalente (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les recettes réalisées avant la date d'achèvement d'une opération (...) résultant directement de ventes, de locations, de services, de droits d'inscription ou d'autres ressources équivalentes figurent dans le plan de financement de l'acte attributif de l'aide comme ressources rattachables, dans leur intégralité ou au prorata, selon qu'elles sont générées entièrement ou partiellement par l'opération./ Lorsque le maître d'ouvrage exerce une activité économique, les recettes générées par l'opération et directement liées à cette activité économique ne sont pas prises en compte pour l'application du présent article. / Les dépenses éligibles ne dépassent pas la valeur de l'investissement ou du projet, déduction faite des recettes. / En début d'opération, une estimation des recettes susceptibles d'être générées est réalisée par l'autorité de gestion. En cas de modification des recettes attendues ou perçues au cours de la réalisation du projet, l'autorité de gestion modifie en conséquence le montant des dépenses éligibles ". Aux termes du II de l'article 11 du même décret : " Par dérogation au I, lorsque l'opération correspond à la production d'un produit agricole ou à la transformation d'un produit agricole en un autre produit agricole, sont éligibles : / (...) / c) Le remplacement d'un matériel ou d'un bâtiment ayant pour effet d'augmenter la capacité de production d'au moins 25 % ou changeant fondamentalement la nature de la production ou de la technologie utilisée ". Il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une aide au titre des programmes de développement rural, et notamment du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, est subordonné à l'existence d'une dépense éligible et que le montant de l'aide est calculé en déduisant de la dépense les recettes provenant notamment de la cession de biens réalisée avant la date d'achèvement de l'opération.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du préfet de l'Ain du 17 mai 2010 statuant sur une demande présentée le 24 mars 2010, le GAEC de La Place a obtenu, au titre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, une subvention pour l'achat d'une salle de traite et de logements d'animaux d'un montant prévisionnel total de 106 169,42 euros hors taxe destiné à remplacer un équipement préexistant. L'achat de cette installation a été financé par la reprise par son fournisseur, pour un montant de 105 000 euros hors taxe, d'un robot de traite acquis par le GAEC de La Place en 2007. Cette recette procurée par la reprise du robot de traite ne figurait pas dans le plan de financement de l'acte attributif de l'aide comme ressources rattachables. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant comme sans incidence sur le caractère déductible de cette recette la circonstance que le GAEC de La Place avait contracté en 2007 un emprunt bancaire, qu'il continuait à rembourser, pour financer l'achat du robot ayant fait l'objet de la reprise. Elle n'a pas plus commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits dont elle était saisie en jugeant qu'en conséquence de ce que le plan de financement n'intégrait pas cette recette l'opération d'achat, pour laquelle une subvention lui avait été octroyée le 17 mai 2010, ne pouvait faire l'objet d'une aide sur le fondement des dispositions précitées du décret du 24 novembre 2009.
8. En dernier lieu, en vertu des dispositions combinées de l'article 74 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et de l'article 9 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 modifié relatif au financement de la politique agricole commune, l'autorité ayant octroyé une subvention au titre des aides du plan de modernisation des bâtiments d'élevage peut récupérer les sommes versées au bénéficiaire de la subvention en cas d'irrégularités ou de négligences de sa part. Aux termes de l'article 31 du règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission du 7 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 en ce qui concerne l'application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural, applicable aux demandes de paiement introduites avant le 1er janvier 2011 : " (...) 2. S'il est établi qu'un bénéficiaire a délibérément effectué une fausse déclaration, l'opération en question sera exclue du soutien du Feader et tout montant déjà versé pour cette opération sera recouvré. Le bénéficiaire sera en outre exclu du bénéfice de l'aide au titre de la même mesure pendant l'année Feader concernée et pendant la suivante. / (...)".
9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le GAEC de La Place s'est abstenu de déclarer, dans sa demande de subvention pour l'achat d'une salle de traite et de logements d'animaux d'un montant prévisionnel total de 106 169,42 euros hors taxe, que cette installation était financée par des recettes correspondant à la reprise par son fournisseur, pour un montant de 105 000 euros hors taxe, du robot de traite qu'il avait acquis en 2007 et a ensuite produit des factures de son fournisseur ne faisant pas apparaître cette reprise de matériel. Le GAEC de La Place s'est borné à soutenir devant la cour que la décision qu'il attaquait méconnaissait le principe de sécurité juridique au motif que les situations juridiques devaient rester stables. Par suite, en jugeant, au regard des deux textes mentionnés au point 8 auxquels elle s'est référée, que l'article 2 de la décision du 19 avril 2012, qui porte déchéance du GAEC de La Place de son droit aux aides du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et remboursement des sommes perçues au titre de ces aides, ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.
10. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Ain ne pouvait procéder, au regard du droit interne, au retrait de la décision de subventionnement au-delà d'un délai de quatre mois en l'absence de fausse déclaration délibérément commise ou de méconnaissance des engagements et des réserves fixées par cette décision, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et, par suite, en tout état de cause, sans influence sur le bien-fondé de l'arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC de La Place n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du GAEC de La Place est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GAEC de La Place et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
.