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24/07/2019 | FRANCE | N°421143

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24 juillet 2019, 421143


Vu la procédure suivante :

L'association de protection du site des Petites-Dalles, l'association Robin des bois et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler, d'une part, la convention de concession d'occupation du domaine public maritime au large de Fécamp conclue le 31 mars 2017 pour une durée de quarante ans entre l'Etat et la société Eoliennes Offshore des Hautes-Falaises, d'autre part l'arrêté du 31 mars 2017 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a approuvé cette conve

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Vu la procédure suivante :

L'association de protection du site des Petites-Dalles, l'association Robin des bois et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler, d'une part, la convention de concession d'occupation du domaine public maritime au large de Fécamp conclue le 31 mars 2017 pour une durée de quarante ans entre l'Etat et la société Eoliennes Offshore des Hautes-Falaises, d'autre part l'arrêté du 31 mars 2017 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a approuvé cette convention. Par arrêt n° 17NT01735 du 3 avril 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 9 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de protection du site des Petites-Dalles, l'association Robin des bois, et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association de protection du site des Petites-Dalles et autres, et au Cabinet Briard, avocat de la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée par l'association de protection du site des Petites-Dalles et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2019, présentée par la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Eolien maritime France, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter un parc éolien d'une capacité de production de 498 MW, situé sur le domaine public maritime au large de la commune de Fécamp (Seine-Maritime). Par un arrêté du 6 novembre 2012, cette autorisation a été transférée à la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises. Cette société a sollicité du préfet de Seine-Maritime la conclusion d'une convention de concession d'occupation du domaine public maritime sur le fondement des articles L. 2124-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques. Une convention de concession d'utilisation du domaine public maritime a, le 31 mars 2017, été conclue entre l'Etat et la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises, et a été approuvée par arrêté du même jour du préfet de Seine-Maritime. Par un arrêt du 3 avril 2018, contre lequel l'association de protection du site des Petites-Dalles et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant en premier et dernier ressort, a rejeté leur requête dirigée contre la convention de concession d'occupation du domaine public maritime et l'arrêté du 31 mars 2017.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. La circonstance que la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes ait, dans la même composition, statué par un premier arrêt du 2 octobre 2017, devenu définitif, sur une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet autorisant, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, l'implantation et l'exploitation du parc éolien, puis statué, par l'arrêt attaqué, sur la demande tendant à l'annulation de la convention de concession d'occupation du domaine public maritime prise en application des articles L. 2124-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques et de l'arrêté préfectoral approuvant cette convention n'est pas de nature, alors que ces litiges soulèvent des questions différentes, à établir que la cour administrative d'appel aurait statué dans des conditions méconnaissant les exigences qui découlent du principe d'impartialité. Par suite, le moyen mettant en cause la régularité de l'arrêt attaqué ne peut qu'être écarté

Sur le bien fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne la convention de concession d'occupation du domaine public maritime :

4. En premier lieu, selon l'article L. 123-9 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige, la durée de l'enquête publique ne peut être inférieure à trente jours et peut être prolongée pour une durée de trente jours par décision motivée du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête.

5. La cour administrative d'appel, qui a relevé que la durée de l'enquête publique avait excédé la durée minimale de trente jours prévue par le code de l'environnement, a, sans commettre d'erreur de droit et par une appréciation exempte de dénaturation, souverainement estimé que l'enquête publique avait, en l'espèce, été d'une durée suffisante.

6. En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 122-1, L. 122-3 et R. 122-13 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable au litige, n'imposent pas de soumettre à l'autorité compétente en matière d'environnement les éléments complémentaires que produit le demandeur, à la suite d'un avis qu'elle a rendu, en vue d'assurer une meilleure information du public et de l'autorité chargée de statuer sur la demande d'autorisation. Il n'en est autrement que dans le cas où les éléments complémentaires produits par le demandeur sont destinés à combler des lacunes de l'étude d'impact d'une importance telle que l'autorité environnementale ne pourrait, en leur absence, rendre un avis sur la demande d'autorisation, en ce qui concerne ses effets sur l'environnement.

7. La cour, qui a relevé que la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises avait donné des réponses circonstanciées aux recommandations et observations formulées par l'autorité environnementale, et que l'avis émis par cette dernière, qui devait être lu avec la réponse formulée par le demandeur, constituait l'un des éléments permettant d'apprécier le caractère suffisant du dossier de demande de concession d'utilisation du domaine public maritime, a retenu que les éléments complémentaires produits par la société n'étaient pas destinés à combler des lacunes de l'étude d'impact d'une importance telle que l'autorité environnementale ne pouvait, en leur absence, rendre un avis sur les effets sur l'environnement de cette demande. Les associations ne sont en conséquence pas fondées à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que ces éléments complémentaires n'avaient pas à être soumis à l'autorité environnementale.

8. En troisième lieu, en retenant d'une part, que l'étude d'impact décrivait de manière suffisante en particulier les risques liés à l'accidentologie spécifique aux parcs éoliens maritimes ainsi que les moyens de surveillance et d'intervention en cas d'incident ou d'accident, les risques pyrotechniques liés aux conséquences des deux guerres mondiales dans la zone d'implantation du parc, les effets cumulés du parc avec d'autres activités existantes ou d'autres projets connus, et ses effets visuels sur le paysage, d'autre part que le même type d'éolienne que celui prévu sur le site faisait l'objet d'une exploitation au large de la Belgique depuis 2013, et que cette étude avait permis la bonne information du public, la cour a porté sur les faits et pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

9. En quatrième lieu, c'est par une appréciation souveraine également exempte de dénaturation que la cour, pour juger que n'étaient pas méconnues les dispositions de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques, selon lesquelles les " décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ", a relevé qu'il résultait des pièces qui lui étaient soumises que l'implantation du parc éolien ne portait pas gravement atteinte au milieu aquatique non plus qu'à la faune et l'avifaune présents sur le site, que le parc avait un impact visuel limité sur le paysage vu depuis le littoral dès lors qu'il était éloigné des côtes de onze à vingt-deux kilomètres, et que sa localisation et les conditions de son développement permettaient de limiter la perception qu'il est possible d'en avoir depuis les sites et paysages côtiers sans les altérer.

10. En cinquième lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a relevé, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution, d'une part, que si l'installation de parcs éoliens en mer constituait un projet inédit sur le littoral français des conclusions pouvaient être tirées des nombreuses exploitations de ce type déjà en fonctionnement sur les rivages maritimes de l'Europe du nord et, d'autre part, qu'il ne ressortait pas des pièces qui lui étaient soumises que les travaux ou le fonctionnement des aérogénérateurs seraient susceptibles d'occasionner des dommages graves et irréversibles à l'environnement.

11. En sixième et dernier lieu, tout tiers à une convention d'occupation du domaine public maritime conclue sur le fondement des articles L. 2124-3 et R. 2124-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Tout autre tiers que le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ne peut invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont il se prévaut ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

12. Contrairement à ce que soutiennent les associations, la circonstance que les moyens qu'elles invoquent à l'appui de leur demande en nullité de la convention de concession d'occupation du domaine public maritime soient relatifs à la méconnaissance du droit de l'Union ne permet pas, à elle seule et sans que ces moyens aient à être en rapport direct avec l'intérêt lésé dont elles se prévalent, de les regarder comme étant d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Par suite, la cour, qui a relevé que les associations avaient pour objet la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, a pu, sans commettre d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique, et sans porter atteinte au droit à un recours effectif, estimer que les moyens qu'elles invoquaient à l'appui de leur demande en nullité de la convention de concession d'occupation du domaine public maritime, lesquels étaient fondés sur les règles du droit de l'Union en matière de droit de la concurrence et de droit des aides d'Etat, n'étaient ni en rapport direct avec les intérêts dont elles se prévalaient au soutien de leurs conclusions, ni d'ordre public.

En ce qui concerne l'arrêté préfectoral approuvant la convention de concession d'occupation du domaine public maritime :

13. Aux termes de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les avis conformes du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer et de l'autorité militaire compétente doivent être demandés pour les autorisations relatives à la formation d'établissement de quelque nature que ce soit sur la mer ou sur ses rivages. / L'autorité militaire compétente est, en métropole, le commandant de zone maritime (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'Etat en mer : " Le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord est le commandant de la zone maritime Manche-mer du Nord ".

14. Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis émis au nom du préfet maritime, la cour administrative d'appel a relevé que l'avis conforme du préfet maritime émis le 31 mars 2015 avait été signé par le capitaine de vaisseau Menez agissant " au nom du commandant de la zone maritime de la Manche et de la mer du Nord " en vertu d'une délégation de signature qui lui a été consentie par le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord en cas d'absence ou d'empêchement. En jugeant dépourvue d'incidence la circonstance que cet avis mentionnait qu'il avait été signé " au nom du commandant de la zone maritime de la Manche et de la mer du Nord " et non " au nom du préfet maritime ", dès lors que, en vertu des dispositions de l'article 6 du décret du 6 février 2004, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord est le commandant de la zone maritime Manche-mer du Nord, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en retenant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que n'aurait pas été remplie la condition d'absence ou d'empêchement mentionnée par la délégation de signature.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises et de l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande les associations au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des associations requérantes la somme de 1 000 euros à verser à la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'association de protection du site des Petites-Dalles, l'association Robin des bois et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France est rejeté.

Article 2 : L'association de protection du site des Petites-Dalles, l'association Robin des bois et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France verseront chacune la somme de 1 000 euros à la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association de protection du site des Petites-Dalles, première requérante dénommée, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Eoliennes offshore des Hautes-Falaises.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421143
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 421143
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421143.20190724
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