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26/06/2019 | FRANCE | N°413898

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 26 juin 2019, 413898


Vu la procédure suivante :

La société Borflex-Cafac-Bajolet a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du 20 avril 2014 du préfet de la Meuse rejetant sa demande tendant à la délivrance du récépissé pour l'exploitation sous le régime de la déclaration au titre de législation des installations classées pour la protection de l'environnement de ses installations implantées sur le site de Verdun. Par un jugement n° 1401586 du 8 mars 2016, le tribunal administratif a annulé la décision attaquée et délivré le récépissé sollicité. >
La société Borflex-Cafac-Bajolet a par ailleurs demandé au tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

La société Borflex-Cafac-Bajolet a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite du 20 avril 2014 du préfet de la Meuse rejetant sa demande tendant à la délivrance du récépissé pour l'exploitation sous le régime de la déclaration au titre de législation des installations classées pour la protection de l'environnement de ses installations implantées sur le site de Verdun. Par un jugement n° 1401586 du 8 mars 2016, le tribunal administratif a annulé la décision attaquée et délivré le récépissé sollicité.

La société Borflex-Cafac-Bajolet a par ailleurs demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté complémentaire n° 2015-544 du 20 mars 2015 par lequel le préfet de la Meuse a prononcé le reclassement sous le régime de la déclaration de l'unité de fabrication de pièces en caoutchouc qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Verdun. Par un jugement n° 1501662 du 8 mars 2016, le tribunal administratif a annulé l'arrêté attaqué.

Par un arrêt n° 16NC00897 du 30 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel du ministre chargé de l'environnement contre ces deux jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 13 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société Borflex-Cafac-Bajolet ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juin 2019 présentée par la société Borflex-Cafac-Bajolet ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Borflex-Cafac-Bajolet a été autorisée, par un arrêté du préfet de la Meuse du 14 septembre 2001 pris au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, à exploiter une usine de fabrication de pièces en caoutchouc sur le territoire de la commune de Verdun. Après avoir modifié son exploitation de telle façon que l'ensemble de ses activités relèvent désormais du régime de la déclaration, la société a, le 19 février 2014, déposé un dossier afin de se voir délivrer un récépissé de déclaration pour l'ensemble de son exploitation. Le silence gardé par le préfet de la Meuse sur cette demande a fait naître une décision implicite de refus. Le préfet de la Meuse a cependant, par un arrêté du 20 mars 2015, complémentaire à l'arrêté d'autorisation du 14 septembre 2001, prononcé le reclassement de l'exploitation sous le régime de la déclaration et fixé les prescriptions spéciales qui s'imposent à elle. Par deux jugements du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a, à la demande de l'exploitant, annulé ces deux décisions et délivré le récépissé de déclaration demandé. La cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 30 juin 2017, rejeté la requête formée par le ministre chargé de l'environnement contre ces deux jugements. Le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'environnement : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation ". L'article L. 512-1 soumet à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, l'autorisation d'exploiter fixant, en vertu de l'article L. 511-3 du même code alors applicable, les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre. L'article L. 512-8 du même code soumet à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1, l'article L. 512-12 du même code permettant au préfet d'imposer par arrêté les prescriptions spéciales nécessaires à une exploitation particulière si les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ne sont pas garantis par les seules prescriptions générales qui s'imposent à elle.

3. D'autre part, aux termes du II de l'article R. 512-33 du code de l'environnement alors applicable, relatif au régime de l'autorisation : " Toute modification apportée par l'exploitant à l'installation, à son mode d'utilisation ou à son voisinage entraînant un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / S'il estime, après avis de l'inspection des installations classées, que la modification est substantielle, le préfet invite l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation. / Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu'elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / S'il estime que la modification n'est pas substantielle, le préfet : / 1° Invite l'exploitant à déposer une demande d'enregistrement pour cette modification lorsque celle-ci relève en elle-même de la section 2. La demande est alors instruite selon les dispositions de la sous-section 2 de cette section ; / 2° Fixe, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 512-31. / III. - Les nouvelles autorisations prévues aux I et II sont soumises aux mêmes formalités que les demandes initiales ". L'article R. 512-31 du même code permet au préfet de prendre des arrêtés complémentaire à l'autorisation d'exploiter pour " fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié ".

4. Enfin, aux termes du I de l'article R. 512-47 du code de l'environnement relatif au régime de la déclaration : " La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée (...) ". Aux termes de l'article R. 512-49 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation ".

5. Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où une installation classée pour la protection de l'environnement bénéficiant d'une autorisation d'exploiter est modifiée de telle façon que l'ensemble de ses activités relève désormais, en application de la nomenclature prévue à l'article L. 511-2 du code de l'environnement et du fait des dangers ou inconvénients qu'elles présentent pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, du régime de la déclaration, l'exploitant a la faculté de déposer un dossier de déclaration en application de l'article R. 512-47 du code de l'environnement. Saisi de cette déclaration, il appartient en principe au préfet de délivrer au déclarant un récépissé et de lui communiquer une copie des prescriptions générales désormais applicables à l'installation. Mais le préfet peut, en outre, en complément des prescriptions générales, imposer à l'exploitant des prescriptions complémentaires et spéciales. Pour les édicter, il est loisible au préfet ou bien de prendre un nouvel arrêté ou bien de modifier l'arrêté qu'il avait pris antérieurement alors que l'installation relevait du régime de l'autorisation, dès lors que, dans les deux cas, les prescriptions spéciales qu'il impose en complément des prescriptions générales applicables aux installations soumises à déclaration sont nécessaires pour garantir les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, au regard des caractéristiques particulières de l'exploitation.

6. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit en annulant l'arrêté pris par le préfet après la réception de la déclaration de l'installation au seul motif qu'il se présentait comme un arrêté complémentaire de celui qui avait auparavant autorisé son exploitation alors que cet arrêté, prenant acte du reclassement de l'installation en cause sous le régime de la déclaration, avait pour objet de fixer les prescriptions spéciales s'imposant à elle en complément des prescriptions générales applicables aux installations soumises à déclaration. Il s'ensuit que le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à demander, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 juin 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Les conclusions de la société Borflex-Cafac-Bajolet présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Borflex-Cafac-Bajolet.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413898
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-01 NATURE ET ENVIRONNEMENT. INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT. RÉGIME JURIDIQUE. POUVOIRS DU PRÉFET. - CAS OÙ UNE ICPE BÉNÉFICIANT D'UNE AUTORISATION D'EXPLOITER EST MODIFIÉE DE TELLE FAÇON QUE L'ENSEMBLE DE SES ACTIVITÉS RELÈVE DÉSORMAIS DU RÉGIME DE LA DÉCLARATION - POSSIBILITÉ POUR LE PRÉFET SAISI DE LA DÉCLARATION, AFIN D'IMPOSER À L'EXPLOITANT DES PRESCRIPTIONS COMPLÉMENTAIRES ET SPÉCIALES, DE PRENDRE UN NOUVEL ARRÊTÉ OU BIEN DE MODIFIER L'ARRÊTÉ QU'IL AVAIT PRIS ANTÉRIEUREMENT ALORS QUE L'INSTALLATION RELEVAIT DU RÉGIME DE L'AUTORISATION - EXISTENCE, DÈS LORS QUE LES PRESCRIPTIONS SPÉCIALES SONT NÉCESSAIRES POUR GARANTIR LES INTÉRÊTS MENTIONNÉS À L'ARTICLE L. 511-1.

44-02-02-01 Il résulte des articles L. 511-2, L. 512-1, L. 512-8, R. 512-31, du II de l'article R. 512-33, du I de l'article R. 512-47 et de l'article R. 512-49 du code de l'environnement que, dans le cas où une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) bénéficiant d'une autorisation d'exploiter est modifiée de telle façon que l'ensemble de ses activités relève désormais, en application de la nomenclature prévue à l'article L. 511-2 et du fait des dangers ou inconvénients qu'elles présentent pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, du régime de la déclaration, l'exploitant a la faculté de déposer un dossier de déclaration en application de l'article R. 512-47. Saisi de cette déclaration, il appartient en principe au préfet de délivrer au déclarant un récépissé et de lui communiquer une copie des prescriptions générales désormais applicables à l'installation. Mais le préfet peut, en outre, en complément des prescriptions générales, imposer à l'exploitant des prescriptions complémentaires et spéciales. Pour les édicter, il est loisible au préfet ou bien de prendre un nouvel arrêté ou bien de modifier l'arrêté qu'il avait pris antérieurement alors que l'installation relevait du régime de l'autorisation, dès lors que, dans les deux cas, les prescriptions spéciales qu'il impose en complément des prescriptions générales applicables aux installations soumises à déclaration sont nécessaires pour garantir les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, au regard des caractéristiques particulières de l'exploitation.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2019, n° 413898
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:413898.20190626
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