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18/06/2019 | FRANCE | N°420749

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 18 juin 2019, 420749


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans ces établissements. Par un jugement n° 1402932 du 31 mars 2016, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser, respectivement, les sommes de 10 676,11 et 2 821,07 euros à Mme B... et les sommes

de 21 177,53 et 27 972,37 euros à la caisse primaire d'assurance ma...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans ces établissements. Par un jugement n° 1402932 du 31 mars 2016, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le CHRU de Nancy et le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser, respectivement, les sommes de 10 676,11 et 2 821,07 euros à Mme B... et les sommes de 21 177,53 et 27 972,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Par un arrêt n° 16NC00999 et 16NC01058 du 6 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels formés contre ce jugement par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, par Mme B...et par le CHRU de Nancy.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mai 2018, 3 août 2018 et 15 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Waquet, Farge, Hazan, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B...et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du CHRU de Nancy et du centre hospitalier de Pont-à-Mousson.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a été hospitalisée du 4 au 12 juillet 2007 au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy pour une ostéo-arthrite non infectieuse du pied, puis du 1er au 20 novembre 2007 au centre hospitalier de Pont-à-Mousson pour une suspicion d'embolie pulmonaire, une récidive de son arthrite et une anémie ferriprive ainsi qu'une altération de son état général. Elle a été de nouveau hospitalisée en urgence dans cet établissement du 23 novembre au 6 décembre 2007 en raison, notamment, de la récidive de son arthrite et de l'aggravation brutale et sévère d'un syndrome infectieux. C'est seulement le 4 décembre 2007 que la réalisation d'un scanner a permis de diagnostiquer chez elle une lithiase coralliforme du rein gauche. Elle a été transférée le 6 décembre 2007 au CHRU de Nancy, où elle a subi le 7 janvier 2008 une néphrectomie, suivie d'une nouvelle intervention chirurgicale pour drainage de la plaie le 17 janvier 2008. Une fistule pancréatique provoquée par la première opération ayant entraîné une péritonite et des suppurations persistantes, elle est restée hospitalisée jusqu'au 6 octobre 2008. Lors de soins de suite pratiqués en janvier 2011, une lame de Delbet, probablement mise en place lors de l'opération de drainage du 17 janvier 2008, a été retrouvée dans la plaie lombaire et retirée. Mme B... a demandé à être indemnisée des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans les deux établissements en cause. Par un jugement du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a jugé, d'une part, que le retard de diagnostic et de prise en charge imputable au centre hospitalier de Pont-à-Mousson avait fait perdre à Mme B...10% de chance de se soustraire aux complications de sa néphrectomie entre le 17 janvier et le 6 octobre 2008, d'autre part, que l'oubli du drain engageait l'entière responsabilité du CHRU de Nancy pour la période postérieure. Il a mis l'indemnisation de Mme B...et de la CPAM de Meurthe-et-Moselle à la charge de ces deux établissements. Par un arrêt du 6 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels dirigés contre ce jugement par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson et par MmeB.... Mme B...demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté sa requête.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur la responsabilité du centre hospitalier de Pont-à-Mousson :

2. En jugeant que le retard imputable au centre hospitalier de Pont-à-Mousson dans le diagnostic et la prise en charge de la lithiase rénale de Mme B...lui avait seulement fait perdre 10% de chance d'éviter les complications de sa néphrectomie survenues entre le 17 janvier et le 6 octobre 2008, la cour administrative d'appel, qui s'est fondée sur le degré d'avancement de cette lithiase, tel qu'il ressortait notamment des conclusions de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, n'a pas dénaturé les faits et pièces du dossier qui lui était soumis.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur la responsabilité du CHRU de Nancy :

3. Mme B...soutenait devant la cour administrative d'appel, d'une part, que la faute du CHRU de Nancy ayant consisté à laisser en place une lame de Delbet dans la plaie avait concouru à une aggravation de son déficit fonctionnel temporaire et provoqué chez elle des douleurs accrues ainsi qu'un allongement anormal de sa période de soins, d'autre part, qu'elle avait " subi de nombreuses et lourdes hospitalisations, notamment une hospitalisation de plus d'un mois en réanimation avec trachéotomie et ponctions pleurales, suite à un syndrome infectieux sévère avec multiples abcès intra-abdominaux, conséquence de la section de la queue du pancréas lors de l'ablation du rein " et que, si l'expert indiquait que la fistule pancréatique était un aléa thérapeutique en soi non fautif, il ressortait également de ses constatations l'existence de manquements liés à un retard de diagnostic de cette fistule, faute d'examen susceptibles de guider, voire de hâter son traitement. En retenant, sans s'en expliquer, que l'oubli de la lame de Delbet, dont elle faisait remonter la mise en place au 17 janvier 2008, n'avait occasionné à Mme B...un préjudice réparable par le CHRU de Nancy qu'à compter du 7 octobre 2008 et en ne se prononçant pas sur la question de savoir si un retard de diagnostic ou de traitement de la fistule pancréatique de MmeB..., dont les conséquences préjudiciables se sont prolongées au-delà de la période d'hospitalisation de la victime, devait être imputée au CHRU de Nancy, la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt.

4. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt du 6 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy doit être annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur l'existence d'un droit à indemnisation de Mme B...par le CHRU de Nancy au titre, d'une part, de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre, d'autre part, d'un retard de diagnostic ou de traitement de sa fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2008.

5. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Waquet, Farge, Hazan, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du CHRU de Nancy la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Waquet, Farge, Hazan.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 6 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur l'existence d'un droit à indemnisation de Mme B...par le CHRU de Nancy au titre de l'oubli de la lame de Delbet pour la période du 17 janvier au 7 octobre 2008 et au titre d'un retard de diagnostic ou de traitement de sa fistule pancréatique pour la période postérieure au 17 janvier 2008.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Le CHRU de Nancy versera à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, au centre hospitalier de Pont-à-Mousson et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 420749
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2019, n° 420749
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420749.20190618
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