Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 87 250 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, la décision du 12 décembre 2013 par laquelle celui-ci a rejeté son recours gracieux et le titre de perception pris pour le recouvrement de cette somme, et de le décharger de la contribution spéciale. Par un jugement n° 1400188 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15BX02545 du 27 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M.B..., annulé ce jugement et la décision du 22 octobre 2013 et a déchargé l'intéressé de l'obligation de payer la contribution spéciale de 87 250 euros.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier, 25 avril et 7 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de l'immigration et de l'intégration demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 11 octobre 2012, les services de police ont constaté l'emploi par M. B...de cinq ressortissants étrangers démunis de titre les autorisant à travailler. Au vu du procès-verbal établi lors de ce contrôle, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a avisé M.B..., par courrier du 6 septembre 2013, en l'invitant à faire valoir ses observations, qu'indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, il pouvait se voir réclamer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail. Par une décision du 22 octobre 2013, le directeur général de l'Office a mis à sa charge cette contribution, à hauteur de 87 250 euros. Par lettre du 20 novembre 2013, M. B...a demandé à l'Office la communication du procès-verbal du 11 octobre 2012. Par un courrier du 12 décembre suivant, le directeur général de l'Office a refusé cette communication en indiquant qu'aucune obligation n'était faite à l'administration de transmettre le procès-verbal ayant conduit à la mise en oeuvre de la contribution spéciale et a maintenu la sanction, tandis qu'était émis, le 4 décembre 2013, un titre exécutoire pour le recouvrement de cette somme. Par un jugement du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2013, de celle du 12 décembre 2013 et du titre de perception du 4 décembre 2013. L'Office se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 novembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que la décision du 22 octobre 2013 et a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme mise à sa charge.
2. En vertu de l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du même code, a employé un travailleur étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France est soumis à l'acquittement d'une contribution spéciale, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider. L'article L. 8271-17 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail (...) / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ". Aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ".
3. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
4. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative.
5. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher la sanction d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l'intéressé, prononce la sanction. Si la communication du procès-verbal est demandée alors que la sanction a déjà été prononcée, elle doit intervenir non au titre du respect des droits de la défense mais en raison de l'exercice d'une voie de recours. Un éventuel refus ne saurait alors être regardé comme entachant d'irrégularité la sanction antérieurement prononcée, non plus que les décisions consécutives, même ultérieures, procédant au recouvrement de cette sanction.
6. Il appartient, en tout état de cause, à l'administration, quelle que soit la date à laquelle la communication a été demandée, d'occulter ou de disjoindre le cas échéant, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
7. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a souverainement constaté que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait, à l'issue d'une procédure contradictoire, pris le 22 octobre 2013 à l'encontre de M. B...la décision de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et que l'intéressé avait, par un courrier du 20 novembre 2013, postérieur à cette décision, demandé à l'Office la communication du procès-verbal d'infraction du 11 octobre 2012. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour annuler la décision du 22 octobre 2013 et décharger M. B...de l'obligation de payer la somme correspondante, sur la circonstance que le procès-verbal d'infraction n'avait pas été communiqué à l'intéressé, alors qu'il n'avait demandé cette communication qu'après l'intervention de la décision du 22 octobre 2013 et que le refus de communication qui lui avait été opposé ne pouvait avoir d'incidence ni sur la régularité de la sanction prononcée le 22 octobre 2013, ni sur celle du titre de perception consécutif, émis le 4 décembre 2013, qui avait pour seul objet de recouvrer la sanction précédemment prononcée.
8. Il résulte de ce qui précède que l'Office français de l'immigration et de l'intégration est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Office, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à M. A...B....