La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2019 | FRANCE | N°419912

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 24 avril 2019, 419912


Vu les procédures suivantes :

1° Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1402388 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 17NC00780 du 22 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de MmeB..., annulé ce jugement et déchargé partiellement Mme B... des suppléments d'impôt

et de contributions sociales en litige ainsi que des pénalités correspondantes....

Vu les procédures suivantes :

1° Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1402388 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 17NC00780 du 22 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de MmeB..., annulé ce jugement et déchargé partiellement Mme B... des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige ainsi que des pénalités correspondantes.

Sous le n° 419913, par un pourvoi, enregistré le 17 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

2° Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement n° 1602812 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 17NC01196 du 22 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

Sous le n° 419912, par un pourvoi, enregistré le 17 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de Mme A...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...détient le droit d'usufruit viager d'un bien immobilier situé à Antibes et loué de manière habituelle en meublé à compter de l'année 2010, la nue-propriété de ce bien étant détenue par la société civile immobilière Virginia. Mme B...a déduit de son résultat imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2011, 2012 et 2013 une dotation aux amortissements à hauteur de 67 500 euros. A la suite de deux vérifications de comptabilité, l'une portant sur l'année 2011, l'autre sur les années 2012 et 2013, l'administration a remis en cause l'amortissement du droit d'usufruit viager de Mme B... et assujetti celle-ci à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg qui, par deux jugements du 14 mars 2017, a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'imposition auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et l'a déchargée des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013. Par deux arrêts du 22 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de l'année 2011 et rejeté l'appel du ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement déchargeant Mme B... des impositions supplémentaires des années 2012 et 2013. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts.

3. L'article 39 du code général des impôts dispose : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". En vertu de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Un actif amortissable est un actif dont l'utilisation par l'entité est déterminable. / 2. (...) / L'utilisation d'un actif est déterminable lorsque l'usage attendu de l'actif par l'entité est limité dans le temps. Cet usage est limité dès lors que l'un des critères suivants, soit à l'origine, soit en cours d'utilisation, est applicable : physique, technique juridique. (...) ". Aux termes de l'article 595 du code civil : " L'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit ", et aux termes de l'article 617 du même code : " L'usufruit s'éteint : / Par la mort de l'usufruitier ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 qu'un élément d'actif incorporel ne peut donner lieu à une dotation annuelle à un compte d'amortissement que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques prendront fin à une date déterminée.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 3, du code civil que l'usufruit viager est limité dans le temps et qu'il est, en tant que droit réel, cessible. Ses effets bénéfiques diminuent chaque année. Dès lors, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que la valeur de l'usufruit viager est dégressive avec le temps et que cette dépréciation peut justifier un amortissement.

6. En second lieu, en vertu des dispositions de l'article 669 du code général des impôts, relatif à la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière en cas de démembrement de propriété, la valeur de l'usufruit est déterminée, sur le plan fiscal, en fonction de l'âge de l'usufruitier et de son espérance de vie telle qu'elle ressort des tables de mortalité établies par l'institut national de la statistique et des études économiques. Il est dès lors possible de déterminer la durée prévisible des effets bénéfiques d'un usufruit viager en tenant compte de l'espérance de vie de son titulaire, estimée à partir de ces tables de mortalité. Il s'ensuit qu'en jugeant que, compte tenu de l'âge de Mme B...et de son espérance de vie déterminée à partir de ces données, une période de vingt ans correspondait à la durée prévisible durant laquelle l'usufruit viager produirait des effets bénéfiques sur l'activité de loueur en meublé de l'intéressée, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a entaché ses arrêts ni d'erreur de droit, ni d'inexacte qualification juridique des faits.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à Madame A...B....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419912
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. AMORTISSEMENT. - ACTIF AMORTISSABLE (2° DE L'ART. 29 DU CGI) - USUFRUIT VIAGER - INCLUSION.

19-04-02-01-04-03 Il résulte des articles 595 et 617 du code civil que l'usufruit viager est limité dans le temps et qu'il est, en tant que droit réel, cessible. Ses effets bénéfiques diminuent chaque année. Dès lors, c'est sans erreur de droit qu'une cour administrative d'appel juge que la valeur de l'usufruit viager est dégressive avec le temps et que cette dépréciation peut justifier un amortissement.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 419912
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419912.20190424
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award