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24/04/2019 | FRANCE | N°413874

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 24 avril 2019, 413874


Vu la procédure suivante :

M. E...B...C...a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2016 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 1601302 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer à M. B...C...une carte de séjour temporaire dans un délai de trois mois.

Par un arrêt n° 16VE03790 du 29 juin 2017, la cour administrati

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Vu la procédure suivante :

M. E...B...C...a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2016 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 1601302 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer à M. B...C...une carte de séjour temporaire dans un délai de trois mois.

Par un arrêt n° 16VE03790 du 29 juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du préfet de l'Essonne, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. B...C...devant le tribunal administratif de Versailles.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 25 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de l'Essonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, son avocat, de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A...Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme D...Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B...C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 25 septembre 1974, déclarant être entré en France le 7 novembre 2013, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 janvier 2016, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. A la demande de M. B...C..., le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté par un jugement du 15 novembre 2016. Sur appel du préfet de l'Essonne, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 29 juin 2017, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B...C.... Celui-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Il résulte des stipulations citées au point 2 que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...C...vit, depuis le mois de décembre 2013, en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié et avec laquelle il a eu un enfant, né en France le 15 septembre 2014, qui s'est également vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 5 décembre 2014, à l'entretien et à l'éducation duquel il contribue. L'exécution de l'arrêté du préfet de l'Essonne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français aurait pour effet soit de priver l'enfant de la présence de son père pour le cas où cet enfant resterait en France aux côtés de sa mère, soit de la présence de sa mère dans le cas inverse où il accompagnerait son père dans le pays de renvoi, alors qu'il n'est pas établi que sa mère pourrait l'y rejoindre. Dans ces circonstances, M. B...C...est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de qualification juridique des faits en estimant que l'arrêté en litige ne portait pas une atteinte excessive à sa vie familiale et à l'intérêt supérieur de son enfant né en France. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Ainsi qu'il vient d'être dit, l'exécution de l'arrêté en litige est susceptible de porter une atteinte excessive à la vie familiale de M. B...C...et à l'intérêt supérieur de son enfant né en France, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Essonne. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B...C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

8. M. B...C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B...C..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 29 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : La requête présentée par le préfet de l'Essonne devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B...C..., une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E...B...C...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 413874
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 413874
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Firoud
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:413874.20190424
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