Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Société de distribution Saint-Maximoise (SDSM) a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement n° 1301072 du 10 avril 2015, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 15MA03323 du 23 février 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, sur recours du ministre des finances et des comptes publics, a annulé l'article 1er de ce jugement prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société avait été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, remis ces impositions à la charge de la société et rejeté le surplus des conclusions du ministre.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 avril 2017, 19 juillet 2017 et 18 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société de distribution Saint-Maximoise (SDSM) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 4 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la Société de distribution Saint-Maximoise ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société de distribution Saint-Maximoise (SDSM), qui exploite à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) une grande surface, a déduit les sommes de 124 803 euros et 10 000 euros au titre des exercices clos en 2009 et 2010, correspondant à des vols de billets de banque livrés par une société de transport de fonds et destinés à alimenter le distributeur automatique attenant au supermarché. A l'issue de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de ces sommes au motif que des carences dans l'organisation de la société et l'absence de dispositif de contrôle avaient été directement ou indirectement à l'origine de ces vols. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 février 2017 en tant que la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit au recours du ministre, a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 avril 2015 en tant qu'il l'avait déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 résultant de la réintégration des sommes détournées et que la cour a remis ces impositions à sa charge.
2. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale, sans qu'il y ait lieu pour elle, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion faits par l'entreprise et notamment sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.
3. En cas de détournements de fonds commis au détriment d'une société, les pertes qui en résultent sont, en principe, déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers. En revanche, ne sont pas déductibles les détournements commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société.
4. Pour juger en l'espèce que les sommes détournées au détriment de la société requérante n'étaient pas déductibles des bénéfices de cette dernière, la cour administrative d'appel a recherché si le comportement délibéré des dirigeants, associés ou des personnes investies de la qualité de mandataire social, ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôles, avaient été à l'origine, directe ou indirecte, de ces détournements et jugé que " l'attentisme et l'abstention inexplicables dont la société a fait preuve face aux détournements dont elle a été victime faisaient (...) obstacle à ce que ces vols puissent être regardés comme faisant partie des risques normaux de la vie de l'entreprise dans le cadre d'une gestion commerciale normale ". En statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi ni même allégué que les détournements litigieux auraient été commis par un salarié de la société, la cour a commis une erreur de droit. La société requérante est, par suite, fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur la réintégration des sommes détournées.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2, en tant qu'ils ont statué sur la réintégration des sommes détournées, et l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du
23 février 2017 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la Société de distribution Saint-Maximoise une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SAS Société de distribution Saint- Maximoise (SDSM) et au ministre de l'action et des comptes publics.