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13/03/2019 | FRANCE | N°423752

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 mars 2019, 423752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des vins de Bugey a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte parole du Gouvernement, en date du 16 novembre 2016 homologuant le cahier des charges relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Clairette de Die " en tant qu'il homologue celles des dispositions du cahier des charges de cette appellation d'origine contrôlée relatives aux " vins mousseux

rosés ". Par une décision n° 406847 du 12 janvier 2018, le Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des vins de Bugey a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte parole du Gouvernement, en date du 16 novembre 2016 homologuant le cahier des charges relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Clairette de Die " en tant qu'il homologue celles des dispositions du cahier des charges de cette appellation d'origine contrôlée relatives aux " vins mousseux rosés ". Par une décision n° 406847 du 12 janvier 2018, le Conseil d'Etat a fait droit à cette requête et a annulé les dispositions relatives aux " vins mousseux rosés ".

Recours en tierce opposition :

Par une requête en tierce opposition et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 août et le 7 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et la société La cave de Die Jaillance demandent au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer non avenue sa décision du 12 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la requête du syndicat des vins de Bugey ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des vins de Bugey une somme de 3 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1234/ 2007 du Conseil du 22 octobre 2007 ;

- le règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 ;

- le code de la consommation ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du syndicat des vins de Bugey ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

2. Le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et la société La cave de Die Jaillance forment tierce opposition à la décision du 12 janvier 2018 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, à la demande du syndicat des vins de Bugey, annulé l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé de l'agriculture en date du 16 novembre 2016 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Clairette de Die " en tant qu'il homologue celles des dispositions du cahier des charges de cette appellation d'origine contrôlée relatives aux " vins mousseux rosés ".

Sur la recevabilité de la tierce-opposition :

3. Aux termes de l'article L. 642-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'Institut national de l'origine et de la qualité, dénommé " INAO ", est un établissement public administratif de l'Etat chargé de la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires relatives aux signes d'identification de la qualité et de l'origine énumérés au 1° de l'article L. 640-2. / A ce titre, l'Institut, notamment : / 1° Propose la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier des signes d'identification de la qualité et de l'origine et la révision de leurs cahiers des charges ; / 2° Prononce la reconnaissance des organismes qui assurent la défense et la gestion des produits bénéficiant d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 642-22 du même code : " L'organisme de défense et de gestion contribue à la mission d'intérêt général de préservation et de mise en valeur des terroirs, des traditions locales et des savoir-faire ainsi que des produits qui en sont issus. / Pour chaque produit bénéficiant d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine dont il assure la défense et la gestion, l'organisme : / - élabore le projet de cahier des charges, contribue à son application par les opérateurs et participe à la mise en oeuvre des plans de contrôle et d'inspection, notamment en réalisant les contrôles internes qu'ils prévoient auprès des opérateurs ; / - tient à jour la liste des opérateurs, qu'il transmet périodiquement à l'organisme de contrôle et à l'Institut national de l'origine et de la qualité ; / - participe aux actions de défense et de protection du nom, du produit et du terroir, à la valorisation du produit ainsi qu'à la connaissance statistique du secteur ; (...) L'ensemble de ces missions s'exerce dans la limite des missions exercées par les organisations interprofessionnelles au sein desquelles les producteurs des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine sont représentés ".

4. En vertu de ces dispositions, l'organisme de défense et de gestion et l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) sont chargés, respectivement, d'élaborer le projet de cahier des charges d'une appellation d'origine contrôlée et de proposer aux ministres compétents d'homologuer ce cahier des charges. Une décision rendue en matière contentieuse annulant les dispositions d'un tel cahier des charges préjudicie à leurs droits, sans toutefois, au regard de leurs intérêts respectifs, que l'un puisse être regardé comme ayant été représenté par l'autre lorsqu'il n'a été ni présent ni régulièrement appelé dans l'instance ayant conduit à la décision d'annulation. En revanche, les producteurs de l'appellation, s'ils ne peuvent être regardés comme représentés par l'INAO, ont des intérêts concordants avec ceux de l'organisme de défense et de gestion et doivent, dès lors, être en principe regardés comme ayant été représentés dans l'instance par ce dernier.

5. Il ressort des pièces du dossier que le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois a été reconnu par l'INAO comme organisme de défense et de gestion de l'appellation d'origine contrôlée " Clairette de Die ". Il a, à ce titre, élaboré le projet de cahier de charge dont les dispositions relatives aux vins mousseux rosés ont été annulées par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 janvier 2018. La société La Cave de Die Jaillance est, pour sa part, un producteur de cette appellation d'origine contrôlée et a entrepris de produire du vin mousseux rosé. N'ayant été ni présents, ni régulièrement appelés dans l'instance et ne pouvant être regardés, ainsi qu'il a été dit, comme y étant représentés par l'Institut national de l'origine et de la qualité, le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et la société La Cave de Die Jaillance sont, tous deux, recevable, à former tierce opposition contre la décision du Conseil d'Etat en ce qu'elle a prononcé l'annulation des dispositions du cahier des charges relatives aux " vins mousseux rosés ".

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

6. Aux termes, d'une part, de l'article L. 641-5 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés, qui remplissent les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 115-1 du code de la consommation, possèdent une notoriété dûment établie et dont la production est soumise à des procédures comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et un contrôle des produits ". Aux termes de l'article L. 115-1 du code de la consommation, dans la rédaction à laquelle renvoie l'article L. 641-5 précité : " Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels ou des facteurs humains ". Il résulte par ailleurs du règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, reprenant la substance du a) du paragraphe 1 de l'article 118 ter du règlement n° 1234 /2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et du 2 de l'article 118 quater du même règlement, que le cahier des charges d'une appellation d'origine protégée doit comporter les éléments permettant de corroborer le lien entre, d'une part, la qualité et les caractéristiques de l'appellation et, d'autre part, le milieu géographique particulier ainsi que les facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents.

7. Aux termes, d'autre part, de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la " Clairette de Die " à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée, dans sa rédaction initiale : " A partir de la promulgation de la présente loi, toute fabrication de vin mousseux autre que la " Clairette de Die " est interdite à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation contrôlée. / Toutefois des dérogations pourront être accordées par arrêté du ministre de l'agriculture sur propositions conjointes de l'institut national des appellations d'origine des vins et eaux-de-vie et du syndicat de défense de Clairette de Die, aux négociants et producteurs produisant les mousseux ordinaires " Clairette-Muscat ". / (...) ". Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 mai 2005 relative à diverses mesures de simplification dans le domaine agricole : " A l'intérieur de l'aire géographique de production des appellations "Clairette de Die" et "Crémant de Die", toute élaboration de vins mousseux autres que des vins mousseux à appellation d'origine contrôlée est interdite ".

8. Il est constant que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 1957, aucun vin mousseux rosé n'a été produit à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à l'appellation d'origine contrôlée " Clairette de Die ", que ce soit au titre des dérogations qui pouvaient être accordées par arrêté du ministre de l'agriculture jusqu'en 2005 ou des autres appellations dont la production a été autorisée, depuis lors, dans la même zone. Ainsi, et alors même, d'une part, que de tels vins ont été antérieurement produits sur place, avec une certaine notoriété, et, d'autre part, qu'une expérimentation les concernant a été conduite sous l'égide de l'INAO en 2010-2011, le ministre de l'économie et des finances et le ministre chargé de l'agriculture ont commis une erreur d'appréciation, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 12 janvier 2018, en estimant qu'était remplie la condition d'antériorité qui doit être appréciée à la date de l'arrêté attaqué et non de l'entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 1957, nonobstant les modifications dont elle a été l'objet en 2005.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la tierce opposition du syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et de la société La cave de Die Jaillance ne peut qu'être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et de la société La cave de Die Jaillance la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser au Syndicat des vins de Bugey.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et de la société La cave de Die Jaillance est rejetée.

Article 2 : Le Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois et la société La cave de Die Jaillance verseront au syndicat des vins de Bugey une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois, à la société La cave de Die Jaillance, au Syndicat des vins de Bugey, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'économie et des finances ainsi qu'à l'Institut national de l'origine et de la qualité.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423752
Date de la décision : 13/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - PRODUITS AGRICOLES - VINS - CONTENTIEUX DES APPELLATIONS - ANNULATION D'UN CAHIER DES CHARGES D'UNE AOC - TIERCE-OPPOSITION - RECEVABILITÉ - NOTION DE PERSONNES REPRÉSENTÉES DANS L'INSTANCE [RJ1] - 1) ORGANISME DE DÉFENSE ET DE GESTION POUVANT ÊTRE REGARDÉ COMME REPRÉSENTÉ PAR L'INAO - ABSENCE - AU REGARD DE LEURS INTÉRÊTS RESPECTIFS (ART - L - 642-5 ET L - 642-22 DU CRPM) - 2) PRODUCTEURS POUVANT ÊTRE REGARDÉS COMME REPRÉSENTÉS PAR L'INAO - ABSENCE - PRODUCTEURS POUVANT ÊTRE EN PRINCIPE REGARDÉS COMME REPRÉSENTÉS PAR L'ORGANISME DE DÉFENSE ET DE GESTION - EXISTENCE.

03-05-06-02 En vertu des articles L. 642-5 et L. 642-22 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), l'organisme de défense et de gestion et l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) sont chargés, respectivement, d'élaborer le projet de cahier des charges d'une appellation d'origine contrôlée et de proposer aux ministres compétents d'homologuer ce cahier des charges. Une décision rendue en matière contentieuse annulant les dispositions d'un tel cahier des charges préjudicie à leurs droits, sans toutefois, au regard de leurs intérêts respectifs, que l'un puisse être regardé comme ayant été représenté par l'autre, lorsqu'il n'a pas été présent ou régulièrement appelé dans l'instance ayant conduit à la décision d'annulation. En revanche, les producteurs de l'appellation, s'ils ne peuvent être regardés comme représentés par l'INAO, ont des intérêts concordants avec ceux de l'organisme de défense et de gestion et doivent, dès lors, être en principe regardés comme ayant été représentés dans l'instance par ce dernier.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - TIERCE-OPPOSITION - RECEVABILITÉ - PERSONNES REPRÉSENTÉES DANS L'INSTANCE [RJ1] - ANNULATION D'UN CAHIER DES CHARGES D'UNE AOC - 1) ORGANISME DE DÉFENSE ET DE GESTION POUVANT ÊTRE REGARDÉ COMME REPRÉSENTÉ PAR L'INAO - ABSENCE - AU REGARD DE LEURS INTÉRÊTS RESPECTIFS (ART - L - 642-5 ET L - 642-22 DU CRPM) - 2) PRODUCTEURS POUVANT ÊTRE REGARDÉS COMME REPRÉSENTÉS PAR L'INAO - ABSENCE - PRODUCTEURS POUVANT ÊTRE EN PRINCIPE REGARDÉS COMME REPRÉSENTÉS PAR L'ORGANISME DE DÉFENSE ET DE GESTION - EXISTENCE.

54-08-04-01 En vertu des articles L. 642-5 et L. 642-22 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), l'organisme de défense et de gestion et l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) sont chargés, respectivement, d'élaborer le projet de cahier des charges d'une appellation d'origine contrôlée et de proposer aux ministres compétents d'homologuer ce cahier des charges. Une décision rendue en matière contentieuse annulant les dispositions d'un tel cahier des charges préjudicie à leurs droits, sans toutefois, au regard de leurs intérêts respectifs, que l'un puisse être regardé comme ayant été représenté par l'autre, lorsqu'il n'a pas été présent ou régulièrement appelé dans l'instance ayant conduit à la décision d'annulation. En revanche, les producteurs de l'appellation, s'ils ne peuvent être regardés comme représentés par l'INAO, ont des intérêts concordants avec ceux de l'organisme de défense et de gestion et doivent, dès lors, être en principe regardés comme ayant été représentés dans l'instance par ce dernier.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 7 février 1962,,, n° 49359, p. 94 ;

CE, 8 février 1999,,, n° 161799, T. pp. 992-1080.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2019, n° 423752
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Déborah Coricon
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423752.20190313
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