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19/12/2018 | FRANCE | N°422028

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 19 décembre 2018, 422028


Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement n° 1700918 du 7 août 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17NC02064 du 7 mai 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 jui...

Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement n° 1700918 du 7 août 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17NC02064 du 7 mai 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2018, M. A...demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des 1°, 2° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du premier alinéa de l'article 21-12 du code civil.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. M. A...demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité au principe d'égalité devant la loi et au droit à mener une vie familiale normale garantis par la Constitution des dispositions des 1°, 2° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du premier alinéa de l'article 21-12 du code civil.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. D'une part, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Les dispositions déclarées conformes par le Conseil constitutionnel ont été modifiées par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile qui les a complétées par une phrase ainsi rédigée : " L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Cet ajout, par lequel le législateur s'est borné à préciser, de manière non exhaustive, les conditions de mises en œuvre du critère tenant à l'insertion de l'étranger dans la société française prévu au 7° de l'article L. 313-11, ne peut être regardé comme un changement dans les circonstances de droit de nature à justifier un nouvel examen par le Conseil constitutionnel. Ainsi, les dispositions combinées des articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit renvoyée au Conseil constitutionnel. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

4. D'autre part, les dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 313-11 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour objet de prévoir les conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire au bénéfice d'étrangers dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire. Le premier alinéa de l'article 21-12 du code civil a trait aux conditions dans lesquelles l'enfant mineur qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, réclamer la qualité de Français.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le litige soulevé par M.A..., ressortissant du Kosovo, né en 1991, entré irrégulièrement en France en 2014, est dirigé contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet du Doubs par l'arrêté en litige du 21 avril 2017. Le préfet s'est fondé, pour examiner la demande de titre de séjour de M.A..., sur les seules dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, les dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du premier alinéa de l'article 21-12 du code civil n'ont pas été invoquées par les parties à l'appui des moyens qu'elles ont soulevés devant la cour administrative d'appel, n'ont pas été appliquées par elle et n'étaient pas susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il lui appartenait de relever d'office. La question de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de l'arrêt contre lequel le requérant se pourvoit en cassation. Par suite, les dispositions contestées des 1° et 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du premier alinéa de l'article 21-12 du code civil ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

Sur les autres moyens du pourvoi :

6. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. A...soutient que la cour administrative d'appel de Nancy a :

- commis une erreur de droit, une erreur de qualification juridique des faits et insuffisamment motivé son arrêt en estimant que le refus de titre de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au motif que son adoption simple n'est intervenue que le 1er décembre 2016 alors qu'il était majeur ;

- commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits et insuffisamment motivé son arrêt en estimant que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en estimant que le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour ;

- commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....

Article 2 : Le pourvoi de M. A...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 422028
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 422028
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Ollier
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:422028.20181219
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