Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 février 2009 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à le révoquer. Par un jugement n° 0902373 du 8 juin 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 10PA03842 du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M.B..., annulé ce jugement et la décision du 9 février 2009.
Par une décision n° 368909 du 17 avril 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de la RATP, a annulé les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, lui a renvoyé, dans cette mesure, le jugement de l'affaire et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi.
Par un arrêt n° 15PA01712 du 9 mai 2016, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé la décision du 9 février 2009.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la RATP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des transports ;
- le statut du personnel de la RATP ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la Régie autonome des transports parisiens et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 février 2009, l'inspectrice du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris a accordé à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) l'autorisation de révoquer, pour faute, M.B..., salarié protégé en sa qualité de délégué syndical ; que, par un jugement du 8 juin 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement pour irrégularité et, statuant par la voie de l'évocation, a annulé la décision autorisant le licenciement de M. B...; que, sur pourvoi de la RATP, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a, par une décision du 17 avril 2015, annulé cet arrêt en tant seulement que, statuant après évocation de l'affaire, il avait annulé la décision du 9 février 2009 ; que, par l'arrêt du 9 mai 2016 contre lequel la RATP se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a, à nouveau, annulé cette décision ;
2. Considérant qu'il résulte de l'article 152 du statut des agents de la RATP que les mesures disciplinaires du deuxième degré susceptibles d'être infligées aux agents dits commissionnés, qui vont du retard dans l'avancement d'échelle à la révocation sans suspension des droits à pension, sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le directeur général ; qu'en vertu de l'article 156 de ce statut, le conseil de discipline est composé d'un président, désigné par le directeur général parmi le personnel de direction, de trois membres désignés dans les mêmes conditions, ainsi que de trois membres désignés par les organisations syndicales et appartenant au même collège que l'agent déféré ; que, s'agissant du fonctionnement de ce conseil de discipline, l'article 163 du statut prévoit que : " L'agent est avisé par lettre recommandée avec avis de réception des date et heure auxquelles il doit comparaître devant le Conseil de discipline. / Si l'intéressé ou les témoins qu'il a demandé à faire entendre ne se présentent pas aux convocations à eux adressées, il peut être passé outre. / En cas d'absence d'un représentant du personnel au Conseil dûment convoqué par lettre recommandée avec avis de réception, il peut être passé outre. / Lorsque le président décide de ne pas passer outre ou bien lorsque plusieurs membres du Conseil de discipline sont absents, l'examen de l'affaire est renvoyé à huitaine. / Lors de la deuxième séance ainsi fixée, les débats ont lieu quel que soit le nombre des présents. Le président dirige les débats. / L'enquêteur-rapporteur donne lecture du rapport au Conseil de discipline, en présence de l'agent et, le cas échéant, de son assistant ou de son représentant et communique toutes les pièces de l'enquête. / Le conseil prend connaissance des explications verbales et éventuellement écrites de l'agent et, le cas échéant, de son assistant ou, si l'agent a choisi de se faire représenter, celles de son représentant. / Le conseil entend en présence de l'agent et, le cas échéant, de son assistant, ou en présence du représentant de l'agent, les témoins convoqués sur l'initiative de l'enquêteur-rapporteur ou à la demande de la direction ou enfin à la demande de l'intéressé. / Les témoins peuvent être confrontés. / Il est donné lecture des témoignages écrits. / A la fin des débats, l'agent ou son représentant est entendu une nouvelle fois et fournit, s'il le désire, des explications complémentaires. / Le Conseil de discipline émet, hors de la présence de toute personne étrangère au conseil à l'exception de l'enquêteur-rapporteur, un avis sur la mesure disciplinaire à appliquer. / Si un membre du conseil en fait la demande, il est procédé à un vote au scrutin secret. / Seuls prennent part au vote les trois membres de la direction et les trois représentants du personnel. / En cas d'égalité des voix, le président indique en cours de séance l'avis personnel qu'il donnera au Directeur général " ; que, par ailleurs, l'article 164 du même statut dispose que : " Il est rédigé séance tenante un procès-verbal signé par tous les membres du Conseil de discipline. / L'avis du conseil est transmis au Directeur général. / L'avis du président y est joint. / Le Directeur général décide de la mesure à appliquer. / Lorsqu'il est reconnu lors de l'examen d'une affaire au cours d'une séance du Conseil de discipline qu'un supplément d'enquête est nécessaire ou qu'un agent non traduit devant ledit conseil, est susceptible de l'être pour la même affaire ou pour une affaire connexe, le président peut décider le renvoi de l'affaire en cours à une date ultérieure " ; qu'il résulte des termes mêmes de ce dernier article que ce procès-verbal, rédigé " séance tenante " et faisant état des membres présents, a pour objet d'attester de l'existence d'une délibération du conseil de discipline sur les poursuites disciplinaires pour lesquelles il est consulté ainsi que de son résultat et de permettre à ses membres, le cas échéant, d'y porter des mentions ;
3. Considérant qu'en déduisant de ces dispositions que le procès-verbal mentionné à l'article 164 doit consister en un compte-rendu fidèle de séance qui doit résumer tant la procédure suivie, avant et pendant la séance du Conseil de discipline, que les différentes interventions des personnes ayant participé à cette séance, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la RATP est ainsi fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; que, le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond et de statuer sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris ;
5. Considérant que le syndicat SUD de la RATP justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision autorisant la révocation d'un salarié protégé de la RATP ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
6. Considérant qu'en vertu de l'article L. 2111-1 du code du travail, les dispositions du livre Ier de ce code, relatif aux syndicats professionnels, ainsi que celles de la deuxième partie du code du travail, qui prévoient notamment l'institution du délégué syndical, s'appliquent au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, tel que le personnel de la RATP, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en vertu des dispositions du code du travail ainsi rendues applicables à la RATP, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, tels les délégués syndicaux, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il appartient à l'administration, saisie par la RATP, de s'assurer notamment de la régularité de la procédure de révocation au regard de l'ensemble des règles applicables au sein de l'entreprise, dont les dispositions particulières du statut du personnel ;
7. Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. B...fait valoir que l'inspectrice du travail n'a pu légalement autoriser sa révocation, dès lors que la procédure d'enquête, puis la procédure disciplinaire conduite à son encontre, n'ont pas été régulières ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucun texte, notamment ni des dispositions du code du travail ni du statut du personnel de la RATP, ni d'aucun principe, que l'agent de la RATP faisant l'objet de poursuites disciplinaires doive être mis à même d'être assisté par une personne de son choix lors de l'enquête interne préalable à l'engagement de ces poursuites ; qu'à ce titre, M. B..., qui, d'ailleurs, n'allègue pas avoir demandé à être assisté durant l'enquête ou qu'une telle assistance lui aurait été refusée, n'est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement était irrégulière au motif qu'il n'a pu, lors de l'enquête interne préalable à l'engagement de la procédure disciplinaire, être assisté par une personne de son choix ;
9. Considérant que si M. B...soutient, en deuxième lieu, que le conseil de discipline comportait deux représentants de salariés mandatés par un syndicat " sans existence légale ", ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en examiner le bien-fondé ;
10. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal du conseil de discipline du 5 janvier 2009, signé par le président, les trois représentants de la direction et les trois représentants du personnel, mentionne, outre les noms de tous les membres présents, l'avis émis par ses membres dans les termes suivants : " Les représentants de la direction proposent une mesure de révocation. Les représentants du personnel regrettent l'opacité dans le déroulement de l'enquête (l'absence de convocation en bonne et due forme à l'inspection des recettes). De ce fait, ils s'opposent à la révocation " ; que M. B...n'est par suite pas fondé à soutenir que ce procès-verbal ne comporte pas les mentions requises, pour un tel document, par les dispositions de l'article 164 du statut du personnel de la RATP cité au point 2 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 février 2009 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé sa révocation ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la RATP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la RATP, tant en cassation qu'en appel, au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 9 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'intervention du syndicat SUD de la RATP devant le tribunal administratif de Paris est admise.
Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Régie autonome des transports parisiens et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Régie autonome des transports parisiens, à M. A... B...et au syndicat SUD de la RATP.
Copie en sera adressée à la ministre du travail.